Des fraises et des poissons bientôt produits dans l’ancienne Cité de la mode

Ophelia Sarakinis, cofondatrice de Vertité (à gauche), Sophie Christin, présidente de CitiPouss (au centre), et Marianne Faraud, vice-présidente de CitiPouss (à droite).
Photo : Radio-Canada / Philippe-Antoine Saulnier
Le quartier de l'agriculture urbaine, au nord de l'autoroute Métropolitaine, s'étend peu à peu. Une décennie après l'ouverture de la première serre des Fermes Lufa, dans le District central, des entreprises agricoles s'établiront bientôt dans des bâtiments de la rue Meilleur pour y produire des fraises et des poissons.
Les cofondatrices de CitiPouss, Sophie Christin et Marianne Faraud, entendent établir à cet endroit la toute première ferme aquaponique du Québec.
Les poissons vont apporter, par leurs déchets, des nutriments à l'eau
, explique Sophie Christin. Après analyse et déminéralisation, une partie de cette eau sera utilisée pour faire pousser des fines herbes et des jeunes pousses. Il n'y aura pas d'ajout de nutriment chimique
, ajoute-t-elle.
Dans l'édifice voisin, l'entreprise Vertité fera pousser des fraises, toute l'année, à la verticale, dans un environnement contrôlé.
La cofondatrice de Vertité, Ophélia Sarakinis, expérimente déjà cette technique à petite échelle, dans un local de l'ouest de l'île. Mais on veut être hyper local et produire juste à côté des consommateurs
, dit-elle.
L'accès à la main-d'œuvre a aussi incité l'entreprise à s'installer au cœur de la métropole. Ici, à Montréal, il y a beaucoup de gens qui veulent travailler dans les fermes
, explique Mme Sarakinis, qui prévoit lancer sa production dans le District central au cours de la prochaine année.
Les deux entreprises voisines de la rue Meilleur comptent collaborer dans la vente de leurs produits et dans l'intégration de personnes handicapées.
Au Québec, il y a une pénurie de main-d'œuvre énorme, mais il y a toute une partie de la population qui n'a pas de travail et qui peut se rendre utile et avoir sa place au sein de la communauté.
Deux entreprises agricoles voisines
C'est un peu le fruit du hasard si ces deux entreprises agricoles se retrouvent voisines, en plein secteur industriel. Mais le quartier, autrefois occupé par l'industrie du textile, attire à nouveau des investisseurs et des entrepreneurs audacieux.
C'était vraiment, pour moi, un quartier en devenir
, dit Marianne Faraud.
On sent vraiment quelque chose qui va avancer. Il y a des immeubles qui se construisent, le Marché central va être refait, il y avait la Centrale agricole, il y a des autobus et la station de métro Sauvé qui n'est pas très loin.
Il semble aussi que les propriétaires d'immeubles soient de plus en plus nombreux, dans le District central, à vouloir accueillir des entreprises d'agriculture urbaine, que ce soit sur les toits ou à l'intérieur.
Depuis l'an dernier, le Laboratoire sur l'agriculture urbaine fait le maillage entre de nouvelles entreprises d'agriculture urbaine et des propriétaires d'édifices où elles pourraient s'installer. Pascale Nycz, conseillère au maillage des fermes urbaines pour le programme MontréalCulteurs, constate une augmentation du nombre de propriétaires intéressés à loger des entreprises agricoles.
En général, les propriétaires sont plutôt ouverts à recevoir ce genre de projets
, explique-t-elle. L'agriculture urbaine peut être vue comme un ajout intéressant sur un terrain vacant.
Ça active l'espace pour les communautés environnantes. D'autres propriétaires veulent avoir des ententes de collaboration avec la ferme urbaine.
Les exigences requises pour installer ce type d'activités peuvent toutefois être des obstacles pour les nouvelles entreprises agricoles. Les demandes de permis de Vertité et de CitiPouss auprès de l'arrondissement ont d'ailleurs mis plusieurs mois à cheminer.
Un lieu pour les projets d’agriculture urbaine
Depuis 2019, l'agriculture urbaine est autorisée de plein droit dans le secteur ouest du District central, à l'ouest du boulevard de l'Acadie, là où se trouvent les Fermes Lufa et la Centrale agricole. La mairesse de l'arrondissement d'Ahuntsic-Cartierville, Émilie Thuillier, dit avoir l'intention d'étendre cette autorisation jusqu'au boulevard Saint-Laurent, une zone où l’on trouve davantage d'immeubles de bureaux que d'édifices industriels.
Les personnes qui ont développé des projets ont vu, dans certains édifices à l'est de L'Acadie, des possibilités. Et comme il y en a eu plusieurs, on s'est dit que ça valait la peine.
Il faut toutefois s'assurer que l'activité agricole soit compatible avec les usages résidentiels à proximité. L'agriculture urbaine, c'est de la production
, précise la mairesse. Ça vient avec du camionnage, et parfois de l'activité commerciale. Ce sont donc certaines nuisances et ce n'est pas compatible partout. En plein quartier résidentiel, par exemple, on ne souhaite pas avoir une production de poisson avec des entrées et sorties de camions.
Ces enjeux feront partie des réflexions, lors des consultations autour du futur Programme particulier d'urbanisme pour le secteur des gares Chabanel et Ahuntsic, qui sont prévues au cours de l'année 2023.