Les émissions de méthane seraient sous-estimées au Canada

Les rejets de méthane sont généralisés, selon une récente enquête sur les installations pétrolières au Canada.
Photo : iStock / bashta
Tandis que le gouvernement fédéral s'apprête à renforcer la réglementation sur les émissions de méthane, de nouvelles évaluations suggèrent que la quantité de ce puissant gaz à effet de serre a été considérablement sous-estimée.
Une récente enquête sur les installations pétrolières et gazières au Canada fait état de rejets de méthane généralisés. L'imagerie satellite a permis d'observer des panaches géants de gaz s'échapper des décharges. Et des recherches suggèrent que les allégations de succès en matière de réduction des émissions de ce gaz pourraient être en partie le résultat de changements comptables et non de réductions réelles.
Il y a du méthane incontrôlé partout.
La Commission du Texas sur la qualité de l'environnement a utilisé une caméra infrarouge pour rechercher les émissions dans les installations pétrolières et gazières le long de la frontière entre l'Alberta et la Saskatchewan en juillet dernier.
M. Doty, invité au Canada par la Fondation David Suzuki, a inspecté 128 sites autour de Lloydminster, en Alberta, et de Kindersley, en Saskatchewan.
Trouver des émissions n'a posé aucun problème, a-t-il précisé. Ce qui a posé problème, c'est le nombre d'heures dans une journée.
Je ne peux tout simplement pas décrire l'ampleur des émissions que nous avons vues.
M. Doty dit avoir vu des torchères, utilisées pour éliminer le méthane indésirable des puits de pétrole, brûler beaucoup moins que les 98 % de ce gaz qu'elles sont censées consumer. Il a vu des torchères fonctionner mais sans être allumées, ce qui les transforme en évents de méthane. Il a aperçu très peu d'unités de récupération de la vapeur, qui collectent les gaz fugitifs.
Tim Doty connaît bien le bassin permien du Texas, le pire
pour ce qui est de la libération du méthane, selon lui.
Je ne dirais pas que ce que j'ai vu au Canada était beaucoup mieux
, a-t-il fait remarquer.
Méthode imparfaite
Une entreprise montréalaise appelée GHGSat utilise six satellites en orbite pour suivre les rejets de méthane en temps réel. Juste au cours de la semaine dernière, elle a repéré deux panaches imposants en provenance de sites d'enfouissement au Québec, l'un libérant plus d'une tonne de méthane par heure.
C'est nettement plus que le chiffre officiel, basé sur la modélisation et sur des estimations. Les mesures réelles montrent que ces estimations sont sous-évaluées.
La méthode de choix dans le monde entier a été les estimations [...], qui se sont avérées extrêmement inadéquates.
Élisabeth Besson, porte-parole de l'Association canadienne des producteurs pétroliers (ACPP), a fait valoir que l'industrie était sur la bonne voie pour réduire les émissions de méthane de 45 % d'ici 2025. Elle a ajouté que l'intensité des émissions avait été réduite du tiers de 2011 à 2019.
Elle a déclaré que les évents des réservoirs, la pneumatique et les pompes sont en cours d'amélioration et que la ventilation et le torchage sont diminués.
L'ACPP et ses membres ont fait de la réduction des émissions une priorité et continueront d'investir dans l'innovation
, a-t-elle écrit dans un courriel.
Pourtant, les volumes de production ont augmenté. Les données de l'Union européenne montrent que le Canada est le seul pays du G7 où les émissions de méthane ont augmenté depuis 1990, bien que le rythme de l'augmentation ralentisse.
D'autres études suggèrent que le méthane, qui est 83 fois plus puissant que le dioxyde de carbone sur 20 ans, est sous-estimé.
Une étude de 2016 de l'Université Carleton lors de laquelle n a eu recours à des survols d'avions a conclu que les émissions de l'Alberta étaient jusqu'à 50 % plus élevées que les estimations fédérales. En février, l'Agence internationale de l'énergie a averti que dans le monde, environ 70 % de plus de méthane atteignait l'atmosphère que ce que signalaient les gouvernements.
Nouveau calcul, nouveaux chiffres?
Même les succès du Canada peuvent être surestimés. Une étude évaluée par des pairs la semaine dernière a suggéré qu'ils pourraient être au moins en partie le résultat d'un changement apporté en 2020 dans la façon dont les émissions sont calculées.
Des chercheurs de l'Environmental Defense Fund ont découvert qu'une baisse spectaculaire des émissions de l'Alberta de 2019 à 2020 a coïncidé avec une nouvelle méthode de calcul. Lorsqu'ils appliquaient l'ancienne méthode aux nouvelles données, la baisse était bien moindre.
Est-ce que cela signifie tout simplement que le changement de méthode comptable a entraîné une diminution apparente? C'est ce qui semble se passer
, a affirmé le co-auteur, Scott Seymour.
Les questions sur la quantité de méthane que le Canada projette dans l'atmosphère surviennent alors que le gouvernement fédéral étend la réglementation sur le gaz naturel.
Le Canada élabore actuellement des règlements qui s'appliqueraient à toutes les installations de gaz naturel, minimiseraient l'utilisation du torchage, garantiraient que celles qui existent fonctionnent correctement, augmenteraient le nombre d'inspections et exigeraient des mises à niveau de l'équipement. Les nouvelles règles doivent inclure une surveillance et une déclaration complète et cohérente des émissions.
Ces règles sont plus que les bienvenues, a souligné M. Doty.
Je ne pense pas – et mon expérience me le dit – que les autorités réglementaires ont la moindre idée de la quantité de méthane qui se retrouve dans l'atmosphère. C'est une simple estimation
, a-t-il ajouté.