Les élus devraient-ils suivre une formation sur les changements climatiques?

L'idée d'une formation obligatoire sur les causes et les effets des changements climatiques pour tous les élus de l'Assemblée nationale du Québec fait son chemin. (Archives)
Photo : Radio-Canada / Guillaume Croteau-Langevin
Au Québec, les élus devraient pouvoir suivre une formation transpartisane sur les changements climatiques, à commencer par ceux qui sont à l’Assemblée nationale. C’est le constat auquel arrivent une vingtaine de scientifiques et de professeurs qui ont écrit récemment au gouvernement.
C'est aussi l'avis de quatre participants à une table ronde organisée dans le cadre de l’émission Feu vert diffusée dimanche sur les ondes d’ICI Première et animée par Catherine Perrin.
La nature de cette formation reste encore à définir, croient les participants. Cela permettrait de tenir dans l’enceinte de l’Assemblée nationale des débats informés et transpartisans
, estime la députée de Québec solidaire (QS) dans la circonscription de Verdun et porte-parole du parti en matière de changements climatiques, Alejandra Zaga Mendez.
Selon elle, les élus de l’Assemblée nationale sont des législateurs et ce sont eux qui prennent les décisions en matière de lutte contre les changements climatiques. Or, les députés ne sont pas des spécialistes de ces questions, pense la députée solidaire, qui est titulaire d’un doctorat en développement durable et conservation.
Que proposent les scientifiques?
Dans une lettre ouverte publiée dans Le Devoir, les signataires suggèrent que la formation « traite d’abord des causes et conséquences des changements climatiques, avec un accent particulier sur le Québec ». Quant à la deuxième partie de la formation, elle « aborderait les mesures d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques qui s’offrent à la société québécoise ».
Les cibles de réduction des gaz à effet de serre (GES) sont votées par les élus, alors que ceux-ci ne sont pas des scientifiques, souligne le professeur au Département de physique de l’Université de Montréal et directeur scientifique de l’Institut de l’énergie Trottier à Polytechnique Montréal, Normand Mousseau. D’ailleurs, il y a une différence entre le fait de vouloir réduire les émissions et la détermination des moyens pour y parvenir.
Correction
Dans une précédente version de cet article, les propos contenus dans le paragraphe ci-dessus ont été attribués par erreur à Mathilde Jutras, alors qu’ils ont été tenus par Normand Mousseau. Nous y avons apporté la correction nécessaire.
M. Mousseau assure toutefois que la formation ne serait pas offerte par des militants
.
L’idée fait son chemin et a été relayée par Désirée McGraw, députée du Parti libéral du Québec (PLQ) dans la circonscription de Notre-Dame-de-Grâce. Une formation est aussi donnée depuis peu aux élus et aux hauts fonctionnaires en France. Dans ce cas, il s’agit d’une formation expresse
, note Mathilde Jutras, doctorante en océanographie à l’Université McGill.
Formations obligatoires au Québec
- Depuis 2020, les élus de 100 municipalités du Québec doivent suivre une formation obligatoire en éthique.
- Une formation en sécurisation culturelle et sur les réalités autochtones est aussi obligatoire pour le personnel en santé, dans la foulée du décès de Joyce Echaquan.
Tous les élus sont concernés
Le parcours des élus les amène à des connaissances individuelles différentes, pense l’ancien député du PLQ
Robert Poëti, qui a aussi été ministre des Transports. Pour lui, une formation obligatoire en environnement permettrait aux députés d’avoir des informations qui sont essentielles pour faire leur travail. Il rappelle que l’actuel ministre de la Santé, Christian Dubé, n’est pas médecin, mais qu’il fait un travail satisfaisant à ce poste.Il faut comprendre les causes
des changements climatiques, explique Normand Mousseau. Surtout que dans le contexte de la crise environnementale, les enjeux ne sont pas personnels, mais systémiques
ou globaux
.
En ce sens, il est essentiel que les élus puissent comprendre les enjeux et les causes. Il faut aussi qu'ils puissent connaître la signification des engagements, ce qui peut s’avérer complexe. Qui sera touché par les changements climatiques? Et comment atteindre les objectifs fixés pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre? Ce sont des notions qui échappent parfois à la compréhension, mais qui doivent être prises en compte par les élus, poursuit M. Mousseau.
Mathilde Jutras, qui est aussi à l’origine de la lettre des 20 scientifiques, ajoute qu’il faudra utiliser un langage qui soit bien compris
.
M. Poëti insiste pour sa part sur le fait qu’il faut faire comprendre
, vulgariser
et installer
cette chose importante, soit la lutte contre les changements climatiques. Il admet toutefois que, pour réaliser cet objectif, un mandat, quatre ans, oubliez ça, ça n’arrivera pas
.
Faut-il pour autant former tous les élus à la réalité des changements climatiques? La députée de QSréponses
à leur fournir parce qu’on représente ces personnes-là
. Les élus doivent savoir comment les aider.
C'est l’Assemblée nationale qui va déterminer si la formation sera mise sur pied, et, le cas échéant, quelles seront ses modalités. Elle devrait durer trois heures peut-être, avec aussi une partie gouvernance, c’est-à-dire comment on structure un gouvernement pour avoir la bonne réponse
, lance M. Mousseau.
Robert Poëti avance même que cette formation devrait être étendue aux élus municipaux. Je pense qu’il y a toute une chaîne à [suivre pour] collaborer [ensemble]. Donc, les élus municipaux qui émettent des permis pour la construction, pour des routes ou pour couper des arbres, je pense qu’on doit tous travailler avec eux
, soutient-il.
Il conclut que les élus auront besoin de soutien pour assurer leur tâche face aux changements climatiques et qu’ils auront besoin de l’aide des spécialistes, évidemment
.