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Situation dans les urgences : entrevue avec la PDG du CIUSSS MCQ

Un lit dans un couloir d'hôpital. On distingue un travailleur de la santé à l'arrière-plan de la photo, qui a été floutée.

Les taux d'occupation des civières dans certaines urgences de la région dépassent régulièrement les 100 %.

Photo : getty images/istockphoto

Radio-Canada

Il faut éviter que les citoyens se rendent à l’urgence lorsque leurs ennuis de santé ne requièrent pas réellement des soins urgents, insiste Nathalie Petitclerc, la nouvelle présidente-directrice générale du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec (CIUSSS MCQ).

En entrevue à l’émission Toujours le matin, elle a expliqué que son organisation tente aussi d'appliquer d’autres solutions pour désengorger les urgences mais que le manque de personnel freine la mise en œuvre des nouvelles mesures.

Entrevue avec la PDG du CIUSSS MCQ, Natalie Petitclerc

ÉMISSION ICI PREMIÈRE • Toujours le matin

Toujours le matin, ICI Première

Voici la version intégrale de l’entrevue réalisée par Jean-Philippe Nadeau avec Nathalie Petitclerc jeudi matin.

Question : Quelle est votre lecture de la situation dans les urgences de la région?

Réponse : Pour nous, l’engorgement des urgences, c’est quelque chose de très important. C’est quelque chose auquel on doit porter une attention toute particulière et [pour lequel on doit] mettre en place des moyens pour assurer un meilleur accès.

Cette pression s’explique de différentes façons, [notamment] par l’occupation importante des lits par des personnes qui n'ont plus besoin de soins mais qui demeurent toujours à l’hôpital pour différentes raisons ou en raison des besoins grandissants de la population.

On reprend aussi beaucoup de chirurgies : ça demande des lits et il y a toute la question de la pénurie de la main-d’œuvre, donc on voit un engorgement et on doit agir.

Question : Quelles sont les solutions que vous envisagez?

Réponse : Il y a des actions à très très court terme qu’on doit faire quand on constate une très grande occupation.

Si je vous donne l’exemple à Trois-Rivières, aujourd’hui [...], on observe qu’il y a 23 patients en attente d’hospitalisation. En même temps, il y a 90 % de nos lits qui sont ouverts. Ils ne sont pas tous ouverts.

On voit qu’il y a 16 % des lits qui sont occupés par des personnes qui n’ont plus besoin de soins, alors ce qu’il faut faire, c’est vraiment de voir, quand la pression augmente, comment on peut diminuer cette occupation-là pour accueillir de nouveaux patients. Comme ça, on va être capables de monter des gens vers l’hospitalisation [aux étages].

Mais la plus grande des solutions, c’est de travailler en amont de l’hôpital et de faire sorte que les patients [dont les cas] sont urgents soient dirigés vers l’hôpital, soient soignés, mais ceux qui pourraient être traités dans la communauté, qu’on le fasse à ce moment-là.

Question : Par exemple en maximisant les soins à domicile?

Réponse : Augmenter les soins à domicile, en effet. Faire en sorte de travailler aussi de concert avec nos résidences. Je vous donne une indication : actuellement, ce qu’on voit à l’urgence, c’est près de 60 % des gens qui se présentent mais qui auraient dû être servis dans la communauté.

[Il faut] travailler avec nos guichets d'accès pertinence, l’accessibilité dans nos groupes de médecine familiale [GMF], faire en sorte que le soutien à domicile soit plus intense, travailler avec nos maisons d'hébergement, qu’elles soient privées [ou publiques].

Ça fait partie des solutions pour augmenter l’intensité dans la communauté et pour faire en sorte que ce soit vraiment les personnes qui requièrent des services de l’urgence qui les reçoivent.

Mais en même temps, il faut travailler aussi sur la fluidité à l’intérieur de l’hôpital. Quand on arrive à l’urgence, on a besoin d’examens de diagnostic, on a besoin de lits. Pour avoir des lits, il faut sortir des patients, désinfecter, fait des [tests en laboratoire], des choses comme ça, donc il faut faire des choses très fort à l’intérieur de l’hôpital en même temps.

Photo du visage de Nathalie Petitclerc.

Nathalie Petitclerc occupe le poste de PDG du CIUSSS MCQ depuis août 2022.

Photo : LinkedIn

Question : Comment peut-on s’y prendre pour assurer une meilleure fluidité entre les services?

Réponse : Chacun des services a des rôles bien précis et il faut réunir l’ensemble des gens autour de la solution, mettre en place des centres de commandement régionaux, voir où sont nos [problèmes], pouvoir gérer la mise en alerte.

Quand on atteint un certain niveau, il faut faire en sorte que tous les secteurs soient réunis, qu’on comprenne où sont les goulots, les difficultés, où il peut y avoir des retards, et il faut vraiment accélérer la prise de décision.

Il y a des stratégies, aussi : des départs précoces vers les CHSLD quand on a des places disponibles. On a mis en place une équipe SWAT qu’on appelle à l’urgence et qui évalue des solutions alternatives avant même l’hospitalisation. Une équipe SWAT, ce sont des physios, des travailleurs sociaux, des infirmières qui, quand la personne est maintenant à l’urgence, les 60 % dont je vous parlais tantôt, il y a moyen d’évaluer ces gens-là et de les retourner dans la communauté, mais avec un service.

Je suis quand même consciente que l’accessibilité n’est pas facile pour la population et, parfois, le réflexe est simple : on s’en va à l’urgence. C’est compréhensible.

Nous, on a un devoir d’améliorer nos services et l’agilité de nos services dans la communauté, en simplifier l’accessibilité et gérer notre fluidité.

Question : Vous avez parlé d’un centre de commandement régional. J’ai en tête l’image du ministre de la Santé qui a créé une cellule de crise pour mettre en œuvre des solutions dans la région de Montréal. Est-ce que c’est une forme de cellule de crise en Mauricie et dans le Centre-du-Québec?

Effectivement. Pour moi, il ne faut pas attendre que le ministre nous dise : Créez votre cellule de crise pour se mettre en action.

« On connaît les solutions, on connaît la situation, on a des indicateurs, on sait les endroits où le bât blesse. Maintenant, il faut réagir, il faut se mettre en action et il faut poser les bons gestes. »

— Une citation de  Nathalie Petitclerc, PDG du CIUSSS MCQ

L’urgence, elle fonctionne très très bien. C’est un extraordinaire service de qualité. Le problème, c’est qu’il faut améliorer notre accessibilité dans la communauté et il faut faire en sorte de sortir les patients qui n’ont plus besoin des services d’hospitalisation.

Question : D'après ce que je comprends de ce que vous me dites ce matin, Mme Petitclerc, le plan est en place, vous avez votre plan, il semble prêt pour essayer de redresser la situation.

Réponse : On sait ce qu’on doit faire, et maintenant, il faut fournir les efforts nécessaires pour améliorer la situation.

Tantôt, je vous mentionnais que la pénurie de main-d’œuvre était à notre porte. On vit tous une pénurie de main-d’œuvre. Ça fait en sorte que parfois, dans les solutions qu’on met en place – à titre d’exemple, notre guichet de première ligne, qui va aider à retenir et à donner les services dans la communauté par la bonne personne, par la bonne équipe –, actuellement, on a un peu plus de 60 % des postes qui sont donnés, donc il faut travailler très fort à attirer du personnel, à le retenir, à revoir l’organisation du travail.

En même temps, on gère la fluidité, et en même temps, on développe et on organise ce qu’il faut dans la communauté pour libérer nos lits et pour cesser sa pression avec des patients pour qui ce n’est pas le meilleur endroit pour leur donner le service.

Mais c’est bien légitime : quand on ne sait pas où aller, on finit par faire le 911, demander une ambulance ou se présenter à l’urgence. Donc nous, on doit corriger cela.

Question : Les solutions que vous proposez, que vous apportez ce matin, est-ce que ça va se ressentir, se voir sur le plancher à court, moyen, long terme?

Réponse : Je pense qu’on va avoir manqué notre coup si ça se ne se voit pas sur le plancher. À court terme, tantôt je vous mentionnais l’équipe SWAT, l’intensification du soutien à domicile. Il faut, à court terme, qu’on déplace l’offre de service.

On a fait de grands pas en première ligne avec la Guichet d’accès à la première ligne (GAP). Certaines régions avaient offert service là sur invitation à des groupes restreints de personnes, nous en Mauricie et au Centre-du-Québec toute la population. Ça fait en sorte que nos médecins ont offert beaucoup de plages horaires pour les patients en première ligne, mais toutefois, maintenant il faut compléter l’équipe autour des médecins.

[Dans] les guichets d’accès pertinence, la pertinence, ça signifie le bon intervenant au bon moment et ce n’est plus l’idée d’un médecin pour chaque Québécois, mais un service par une équipe de professionnels.

Question : La problématique que plusieurs peuvent vivre en ce moment, c’est la liste d’attente. Souvent, ça peut être long : quatre, cinq ou six semaines avant d’avoir accès à un service. Comment peut-on faire pour réduire la liste d’attente?

Réponse : Entre autres, avec le guichet d’accès pertinence, c’est vraiment de ne plus concentrer l’offre de service autour du médecin. Ceux-ci sont en nombre limité. Par contre, on peut travailler en interdisciplinarité en y adjoignant, au médecin, une infirmière, un physio, un pharmacien, un travailleur social, ou en favorisant des conseils.

Ça, ça va diminuer la liste d’attente, parce qu’on va agir en pertinence. Mais c’est quelque chose qui est quand même très très récent et, somme toute, on réussit à avoir une évaluation infirmière et beaucoup de plages horaires offertes avec nos médecins, ce qu’on n’offrait pas de cette façon-là il y a juste quelques mois. Moi, je pense que ça, ce sont des façons de faire qui vont améliorer [la situation].

En mettant en place nos cliniques de proximité – on a déjà une clinique de proximité à Trois-Rivières qui prévoit les services d’IPS [infirmières praticiennes spécialisées] et d’une équipe interdisciplinaire –, notre volonté est de les étendre, lorsque requis, sur l’ensemble de notre territoire de la Mauricie et du Centre-du-Québec.

En augmentant le nombre de nos lits, parce que quand on est en rareté de main-d’œuvre, notamment en période estivale, on restreint le nombre de nos lits d’hospitalisation. Là, on est à l’automne, donc on peut augmenter le nombre de nos lits d’hospitalisation. Ça diminue la pression, et en augmentant notre soutien à domicile, on peut sortir les patients qui n’ont plus besoin d’être à l’hôpital et les retenir dans la communauté. Ce sont les stratégies qu’on met en œuvre pour agir et diminuer la pression sur les urgences et en même temps sur les différentes listes d’attente pour avoir accès à un médecin de famille.

Question : La saison de la grippe est à nos portes et la grippe et les virus sont déjà intenses. Est-ce que vous appréhendez cette période?

Réponse : Certes, nous savons que ça va arriver. Il faut se préparer et, dans le fond, la logique est similaire à celle qu’on voit dans les urgences. Si on organise des services en amont, ça va faire en sorte que des personnes vont se présenter à l’endroit où c’est accessible.

Il faut se préparer, mais ça passe aussi par les mêmes solutions : avoir de l’accessibilité dans la communauté, s’assurer qu’on a des lits, s’assurer que nos services diagnostics sont optimaux. À ce moment-là, on va être capables de faire face [à la situation] et de gérer notre fluidité. La fluidité, c’est de passer d’un service à l’autre.

Notre centre de commandement et nos centres locaux vont assurer une bonne coordination.

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