ArchivesSe souvenir de Léo Major, un militaire canadien d’exception

Photo d'archives de Léo Major. Source : Le fantôme borgne, de Bruno Desrosiers, 2018
Photo : Radio-Canada
En avril 1945, le caporal montréalais Léo Major, du Régiment de la Chaudière, libère à lui seul une municipalité de 50 000 habitants, soit la ville de Zwolle, aux Pays-Bas. En ce jour du Souvenir, nos archives reviennent sur l'histoire de ce héros de guerre méconnu dans sa patrie, dont la bravoure et les exploits sont célébrés tous les ans aux Pays-Bas.
Une grande résilience
C’est en juillet 1940 à l’âge de 19 ans que Léo Major s’enrôle dans l’Armée canadienne. Il rejoint Le Régiment de la Chaudière, l'un des premiers à être envoyés en Europe durant la Seconde Guerre mondiale. Il est formé en Écosse durant trois ans et demi où il se spécialise dans les techniques de combat et comme tireur d’élite.
Sa première grande sortie est le débarquement de Normandie. Lors de cette mission, il fait 12 prisonniers allemands et détruit, en compagnie de cinq autres soldats, un nid de mitrailleuses allemandes.
Quatre jours plus tard, un officier allemand l’atteint d’une grenade au phosphore. Il perd l’usage de son œil gauche.
Lorsqu’il apprend que l’on souhaite le rapatrier en raison de ce handicap, Léo Major réplique que c’est avec son œil droit qu’il tire et que ce dernier est toujours en parfait état.
Il revient donc sur le champ de bataille. Durant la Bataille de l’Escaut les 30 et 31 octobre 1944, Léo Major capture 93 soldats allemands.
Le 28 février 1945, lors d’une mission à Keppeln en Allemagne, il doit rapatrier les corps de soldats décédés. Son véhicule militaire roule sur une mine antichar et explose. Léo Major est projeté sur plusieurs mètres et ses accompagnateurs, l'aumônier du régiment et le chauffeur, décèdent sur le coup. En retombant sur le sol, le soldat Major se brise trois vertèbres du dos et se blesse aussi les côtes et la cheville.
Pour une seconde fois, les médecins de l’armée souhaitent le renvoyer au Canada mais, ne voulant rien entendre, il s’enfuit de l’hôpital militaire malgré son dos plâtré. Il se cache dans une ferme quelques semaines puis, après avoir lui-même retiré son plâtre, retrouve ses frères d’armes canadiens du Régiment de la Chaudière.
Le Rambo québécois
C’est le 13 avril 1945 que Léo Major accomplit le plus grand exploit de sa carrière militaire. Le journaliste Marcel Ouimet relate la libération de la ville de Zwolle le 23 avril 1945, lors d’un reportage de guerre sur les ondes radiophoniques de Radio-Canada.

Le 13 avril 1945, le caporal Léo Major libère à lui seul la ville de Zwolle aux Pays-Bas.
Photo : Non identifié
Dans la nuit du 13 au 14 avril 1945, Léo Major est détaché avec son collègue et grand ami Willy Arsenault pour effectuer une patrouille aux abords de la ville. Sur leur route, ils sont surpris par deux Allemands. Willy Arsenault tombe sous les tirs nazis, mais a le temps d’abattre un Allemand, alors que Major se charge de l'autre.
Léo Major continue seul sa patrouille. Il est alors armé de 15 grenades et de trois mitraillettes; la sienne, celle de son camarade Willy Arsenault et celle de l’Allemand qui avait exécuté ce dernier.
En entrant dans la ville de Zwolle, il désarme un chauffeur et un officier ennemi. Léo Major les berne en affirmant que les troupes canadiennes s’apprêtent à attaquer.
Toute la nuit durant, il fait fuir les nazis en lançant ses grenades sur des immeubles abandonnés de la ville. Léo Major intensifie les tirs de mitraillette pour faire croire à une grande présence militaire canadienne alors qu’il est fin seul. Sous les bruits des feux, l’ennemi prend la fuite.
Au petit matin, la ville de Zwolle est libérée de la présence allemande. Léo Major est le seul de toute l’histoire militaire moderne à avoir libéré une ville à lui tout seul. Il est surnommé par la suite le Rambo québécois
.
Un héros de guerre reconnu
Depuis 1970, aux Pays-Bas, se tient tous les ans une fête en son honneur au moment de la libération de la ville de Zwolle.
En 1970, c’était grand. C’était la première fois que ma femme apprenait ce que j’avais fait à la guerre, parce que je n’en avais jamais parlé. Elle a été traitée comme une reine et a rencontré la reine Juliana. Si les Hollandais sont si reconnaissants [à l'égard] des Canadiens, c’est que les Canadiens ont fait beaucoup en libérant leur pays. Et ils l’ont fait sans le détruire trop, trop.

Le jour de la victoire 50 ans après, le 5 mai 1995
Le 5 mai 1995, à l’émission spéciale Le jour de la victoire 50 ans après, le journaliste Louis Lemieux s’entretient avec le militaire retraité Léo Major à l’occasion de la première journée de commémoration de la victoire à Wageningen en Hollande.
Très humble, Léo Major revient sur la libération de la ville de Zwolle et sur l’immense reconnaissance que lui accorde la population des Pays-Bas.
Lors de son décès le 12 octobre 2008 à Candiac, c’est toute la Hollande qui a mis en berne ses drapeaux.
« Au Québec, il a eu droit à un article de 15 lignes en page 37 du Journal de Montréal. »
C’est ce qu’explique Miguel Tremblay, un physicien féru d'histoire militaire à l’animateur Philippe Marcoux.

Le caporal Léo Major lors de la guerre de Corée en 1951.
Photo : Non identifié
À l’émission radiophonique Le 15-18 du 11 novembre 2013, Miguel Tremblay revient sur les exploits du caporal Major qui a poursuivi sa carrière après la Seconde Guerre.
Léo Major s’est également illustré lors de la guerre de Corée en 1951. Il est le seul militaire canadien à avoir reçu deux médailles de conduite distinguée dans deux guerres différentes.
En 2018, la Ville de Longueuil nomme un parc dédié aux vétérans le parc Léo-Major.
Le 10 novembre 2021, le premier ministre François Legault a participé à une cérémonie pour renommer une route près de la base militaire de Valcartier en hommage à Léo Major.