Réflexion sur la qualité du français à l’Université de Moncton
L'état de la langue française préoccupe la haute direction de l'Université de Moncton. L'établissement s'est donné le mandat de tenir des journées de réflexion. Un des objectifs : améliorer la qualité de la langue.
Le taux de réussite en lecture des élèves francophones de 2e année a diminué au Nouveau-Brunswick entre les années scolaires 2018-2019 et 2021-2022.
Photo : Reuters / Eric Gaillard
La qualité du français des Acadiens est-elle en déclin? Des experts réunis à l’Université de Moncton n’en sont pas si certains et préféreraient que cette hypothèse s’appuie sur des faits.
Le problème du discours et des perceptions négatives qui surgissent plusieurs fois au cours d'une même décennie dans les médias, du discours au sujet de notre façon de parler en Acadie
, n’est pas productif
, affirme Sylvie Blain, professeure en didactique du français à l'Université de Moncton.
Ces idées — préconçues, suggère-t-elle — créent encore plus d’insécurité linguistique
chez les francophones en milieu minoritaire.
À force de se faire dire ça, on a l’impression que notre français n’est pas bon. Alors que ce n’est pas vrai
, poursuit-elle.
« On a honte de la façon dont on parle et cette honte vient souvent de ce discours. »
Selon elle, il n'est pas sûr que la qualité de la langue française se détériore en Acadie. C’est basé sur des anecdotes, des rumeurs, mais il n’y a pas eu d’enquêtes sérieuses, de données empiriques qui démontrent hors de tout doute que la qualité de la langue se détériore
, dit la professeure.
J’ai 60 ans. Quand j’avais 20 ans, les gens de 60 ans disaient de ma langue qu’elle était mauvaise, que "les jeunes d’aujourd’hui ne savent plus écrire". Ça revient à chaque génération, ce discours-là
, a illustré Mme Blain, rencontrée vendredi à Moncton à l’occasion de la seconde de trois journées de réflexion sur la langue française.
La première de ces trois journées organisées par l’Université de Moncton s'est déroulée lundi dernier au campus de Shippagan. Un dernier jour d'ateliers est prévu mardi prochain au campus d'Edmundston.
Gervais Mbarga, professeur d’information-communication à l’Université de Moncton et président du Conseil de la langue française, explique que le sénat académique s’inquiétait de la qualité de la langue et a interpellé le recteur à ce sujet.
Plutôt que de s'enfermer tout seul, le recteur a préféré une réflexion inclusive, où il a appelé toutes sortes d'acteurs de la communauté qui s'intéressent à la langue, a expliqué M. Mbarga, vendredi. Parce que la langue n'est pas que pour les universitaires. C'est pour ça qu'il a appelé tout le monde.
Ainsi, ce sont des intervenants aux horizons variés qui nourrissent les échanges. Le professeur Mbarga espère voir émerger des stratégies pour conserver, maintenir, voire améliorer la qualité de la langue
.
Une des solutions concrètes, affirme Sylvie Blain, c’est de voir comment la langue a évolué, dans un sens ou dans l’autre, au fil des ans, en examinant des données concrètes. La professeure explique être responsable depuis 2017 du test de compétence langagière en français des futurs enseignants, mais avoir accès à des statistiques remontant à une vingtaine d’années.
« Mesurons de façon objective cette fameuse qualité de la langue au fil des ans [...] avant de nous prononcer sur le fait que les jeunes d’aujourd’hui ne savent plus écrire. »
On apprenait en septembre que les taux de réussite de la plupart des évaluations provinciales avaient chuté parmi les élèves francophones du Nouveau-Brunswick, notamment en lecture, comparativement aux années scolaires précédant la pandémie. Sylvie Blain prévient que ces résultats doivent être pris dans ce contexte très particulier.
Avant la pandémie, les résultats en littératie des tout-petits de 2e année s'amélioraient d'année en année, dit-elle. Maintenant, la pandémie a changé cela. Ça m'inquiète, parce qu'on attend toujours le plan de rattrapage du ministère de l'Éducation, et là, on a changé de ministre de l’Éducation.
D’après le reportage de Sarah Déry