Le Gatinois Denis Bégin parmi les 25 fugitifs les plus recherchés au pays

Près de quatre ans après son évasion, le Gatinois Denis Bégin, surnommé le « tueur de l’Halloween », est toujours introuvable.
Photo : Radio-Canada
Près de quatre ans après son évasion du Centre fédéral de formation de Laval, le Gatinois Denis Bégin est toujours recherché. Son nom est apparu, la semaine dernière, sur une liste des 25 fugitifs les plus recherchés au pays.
Le Programme Bolo, une organisation indépendante créée en 2018 pour amplifier
la diffusion des avis de recherche, a placé au 18e rang celui qui en était à sa troisième peine sous juridiction fédérale au moment de son évasion.
Les suspects en haut de la liste sont surtout recherchés pour meurtre. Denis Bégin s’est échappé d’un centre de détention, et les motifs pour expliquer son évasion ne sont pas très clairs. Il est donc difficile d’évaluer le danger qu’il représente pour la société
, explique le directeur du programme, Maxime Langlois.

Le directeur du Programme Bolo, Maxime Langlois
Photo : Radio-Canada
Denis Bégin, qui avait 58 ans au moment de son évasion, a été surnommé le tueur de l’Halloween
puisqu’il avait assassiné Riccardo Jezzi le 31 octobre 1993, à Montréal, d’un coup de fusil de calibre 12.
Lorsque Bolo a déployé son premier palmarès en avril dernier, le nom de Denis Bégin n’y était pas. Pourquoi?
Notre top 25 était très concentré sur Toronto et sur l’Ontario, qui ont été nos premiers partenaires. C’était voulu. Notre première mise à jour visait à rétablir un équilibre en incluant davantage de dossiers des autres provinces
, poursuit M. Langlois, à propos de celui dont le nom figure également parmi les huit criminels les plus recherchés au Québec.
Denis Bégin, c’est quelqu’un qui doit être menotté le plus rapidement possible.
Dans un document de la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC), dont Radio-Canada a obtenu copie, on peut lire qu’en 2008 Denis Bégin a été qualifié de psychopathe
à la suite d’une évaluation psychologique.
Vous vous êtes qualifié à l'échelle de psychopathie de Hare, ce qui représente un risque élevé, fréquent et rapide de récidive violente
, est-il écrit. Cette étiquette lui a été retirée par un psychiatre en 2014 lors d’une autre évaluation.
Selon Maxime Langlois, l’organisme a contribué à une douzaine d’arrestations
depuis sa création, un chiffre appelé à augmenter alors que le palmarès sera mis à jour périodiquement.

Le Programme Bolo étoffe ses différentes campagnes publicitaires pour que les corps policiers reçoivent le plus grand nombre de signalements.
Photo : Programme Bolo
Aux yeux de l’ex-sous-commissaire adjoint à la Gendarmerie royale du Canada (GRC), Pierre-Yves Bourduas, Bolo peut s’avérer très utile pour les corps policiers qui collaborent avec le programme, dont la Sûreté du Québec (SQ), la Police provinciale de l’Ontario (PPO) et divers corps policiers municipaux.
Bolo est un outil additionnel dans le coffre des forces de l’ordre. Il attire l’attention du public sur des criminels notoires tout en offrant des récompenses [financières]
, détaille celui qui a pris sa retraite de la GRC en 2008.
Ces récompenses financières viennent des coffres de la Fondation Stéphan Crétier, qui porte le nom du fondateur et PDG de GardaWorld. Le dirigeant de la multinationale finance, à titre personnel, toutes les opérations du Programme Bolo.

À la retraite de la GRC depuis 2008, Pierre-Yves Bourduas a occupé le poste de sous-commissaire adjoint au sein du corps policier.
Photo : Radio-Canada
Comment Bolo classe les suspects?
Le programme a mis sur pied un comité réunissant des enquêteurs spécialisés provenant de cinq corps policiers.
Le comité se réunit pour analyser les dossiers. On fait un tri préliminaire et on leur accorde des niveaux de priorité. Puis, on dresse un palmarès en tenant compte de la nature des crimes, des impacts sur la communauté et du niveau de dangerosité
, explique Maxime Langlois.
Le parcours d’un criminel de carrière
Né le 3 août 1960, ce criminel à la longue feuille de route est un habitué des palais de justice québécois, comme en témoigne la vingtaine de pages retraçant toutes les accusations qui ont pesé contre lui au fil des années. Certaines se sont soldées par un verdict ou une reconnaissance de culpabilité, d’autres par un arrêt des procédures ou une dénégation de culpabilité.
Lorsqu’il a commis son meurtre du 31 octobre 1993, Denis Bégin était considéré comme impliqué dans le trafic de drogue international et local
en plus d’être décrit comme associé aux Hells Angels ainsi qu'à certains membres de la filière colombienne
, selon la CLCC.
Quelques dates clés du parcours de Denis Bégin :
- 1984 : Il est condamné pour complot d’extorsion et extorsion. Avec un complice, il avait tenté d’extorquer 100 000 $ à une banque en faisant parvenir un colis contenant une fausse bombe.
- 31 octobre 1993 : Il enfile son déguisement du personnage de Jason, des films Vendredi 13, pour tuer Riccardo Jezzi, dans une brasserie de Montréal.
- 4 mars 1996 : Denis Bégin est arrêté pour le meurtre de Riccardo Jezzi après des aveux de son ex-conjointe. Il est reconnu coupable de meurtre au deuxième degré, mais porte la décision en appel et obtient la tenue d’un deuxième procès.
- 4 novembre 1997 : Il se fait prendre à essayer de s’évader d’une garde légale.
- 8 mai 2003 : Lors de son deuxième procès, il plaide coupable de meurtre au deuxième degré et doit purger une peine à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 10 ans.
- Juin 2015 : Denis Bégin est transféré dans les unités d’habitation d’un pénitencier à sécurité minimum.
- 2016 : La CLCC parvient à déjouer un plan d’évasion de Denis Bégin, qui perd ainsi ses permissions de sortir sans escorte.
- 15 février 2019 : Lors du dénombrement de 12 h 15, le personnel constate l’absence de Denis Bégin, qui est parvenu à s’évader avec l’aide d’un complice. Ce dernier a par la suite été arrêté.
Source : Décisions de la CLCC
Depuis l’évasion du 15 février 2019, la SQ n’a presque pas diffusé de mises à jour sur le dossier. Pour ce reportage, le corps policier a refusé de faire le moindre commentaire, en raison de l'enquête en cours.
Pour Pierre-Yves Bourduas, le silence de la SQ n’est pas étonnant.
Lorsqu’il est question de criminels en cavale, surtout de cette importance, les policiers veulent s’assurer de garder le plus d’informations près du dossier et de ne pas en partager avec le public, qui est déjà au courant de la cavale du criminel
, explique M. Bourduas.
Dans les jours qui ont suivi l'évasion, il a été possible d’apprendre par l’entremise de la SQ que Denis Bégin pourrait se retrouver à Gatineau ou ailleurs en Outaouais.
M. Bégin pourrait avoir modifié son apparence
, avait ajouté le corps policier.

La Sûreté du Québec (SQ) avait signalé en 2019 certaines possibilités de changement d'apparence de Denis Bégin. (Archives)
Photo : Fournie par la Sûreté du Québec
Comme l’explique Pierre-Yves Bourduas, il est parfois difficile de faire évoluer un tel dossier, mais un faux pas peut remettre les policiers sur une piste pouvant se traduire par une arrestation.
Même si l’individu est en mesure de camoufler son apparence, il va tenter forcément de contacter des amis et de la parenté. S'il a une raison émotive d'entrer en contact avec un proche, la tâche sera plus facile pour les forces de l’ordre
, explique M. Bourduas.
L’aide de complices, comme des criminels de carrière, peut être ponctuelle ou à long terme, mais l’individu doit garder une certaine distance, car les criminels notoires savent très bien que les policiers suivent leurs traces.
Avec la collaboration de Camille Kasisi-Monet