Sursis pour la maison allumette du secteur de Hull

Le 207, rue de Notre-Dame-de-l'Île dans le secteur de Hull, en 2022.
Photo : Radio-Canada / Nathalie Tremblay
C’est une première victoire pour les opposants à la démolition de la maison allumette située au 207, rue de Notre-Dame-de-l’Île, dans le secteur de Hull. Le Comité de demandes de démolition (CDD) de Gatineau a rejeté par deux voix contre une, mardi, la demande de démolition qui visait la maison patrimoniale. De nombreux citoyens et organismes s’étaient mobilisés pour préserver l’immeuble, un des derniers vestiges du passé ouvrier du quartier.
C’est une grande victoire pour notre patrimoine. Récemment, on en a échappé une à Aylmer
, s’est réjouie Caroline Murray, conseillère municipale du district de Deschênes et membre du CDD en entrevue. Ce soir, on a réussi à démontrer que préserver la maison était important pour nous.
Le projet envisagé par le promoteur Gestion NDI Champlain, qui est propriétaire de cette maison de même que de six autres édifices dans la même rue, prévoit la construction de 159 logements. Or, cette entreprise avait déjà soumis un rapport qui démontrait que l’édifice posait un risque pour la sécurité, comme le rapportait Radio-Canada en juin dernier.
Un rapport que le conseiller du district de Val-Tétreau Jocelyn Blondin, aussi membre du CDD, a cité pour justifier la démolition de l’immeuble avant l’hiver
, le seul membre à s’être rangé du côté du promoteur. Ce bâtiment est en train de tomber
, a-t-il dit en comité. Il faut arrêter de jouer avec la sécurité des citoyens
, a ajouté M. Blondin.
Or, Caroline Murray est d’avis que le CDD n’est pas la bonne instance pour juger de l’urgence de la démolition de la maison allumette.
On a un service de sécurité publique à la Ville qui peut ordonner la démolition sur-le-champ. Si on avait ordonné la démolition ce soir, ça n’aurait pas été pour tout de suite de toute façon
, explique la conseillère.
« J’espère que la Ville va avoir une bonne communication avec le propriétaire actuel de la maison pour qu’il fasse les travaux. »
Le président du CDD Mario Aubé a repris à son compte cet argument. Celui qui siège aussi à titre de président du Conseil local du patrimoine souhaite que le service d’urbanisme de Gatineau serre la vis aux propriétaires pour l’entretien de ce type d’immeubles.
Il y a des mesures qui sont actuellement mises en place dans notre service de l’urbanisme. Il y a une tournée qui va se faire avant le temps des fêtes. On va serrer la vis, et on va avoir plus de mordant à notre service d’urbanisme
, a déclaré Mario Aubé.
De son côté, Caroline Murray a appelé à l’adoption de règlements pour prévenir ce genre de situations à l’avenir. Il faut qu’on se dote de règlements plus sévères pour obliger les propriétaires d’édifices patrimoniaux à les restaurer pour qu’on n’assiste pas à d’autres cas comme celui-ci où on laisse dépérir des bâtiments
, propose la conseillère.
L'Association des résidents de l'île de Hull s'est pour sa part réjouie de la décision du CDDIl faudra maintenant prendre des actions collectivement pour mettre en valeur et protéger les maisons allumettes sur l'île de Hull, s'assurer que ce bâtiment ne se détériore pas plus et encadrer/encourager l'entretien et la restauration des bâtiments
, peut-on lire sur la page Facebook de l'association.
Le bâtiment est inscrit depuis 2008 à l’inventaire du patrimoine bâti de la Ville de Gatineau et est même classé comme d’intérêt patrimonial supérieur.
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C’est quelque chose de nouveau de donner de l’importance au patrimoine ouvrier, au patrimoine populaire
, souligne la doctorante en histoire Kathleen Durocher.
Mme Durocher est l'auteure d’un essai sur les allumettières de la région et leur histoire. Cette maison est un des derniers exemples d’une maison qui est en bois, même si elle a besoin de beaucoup d’amour. La devanture n’a pas été modifiée, elle garde son cachet de l’époque
, souligne l’historienne. On peut imaginer que la rue était bordée de maisons identiques à celle-ci.
Les maisons allumettes, comme on les appelle maintenant, étaient des maisons construites à rabais, avec les matériaux du coin. Elles n’ont pas été construites pour survivre à travers les décennies, les intempéries et surtout pas pour être laissées à l’abandon
, souligne Mme Durocher.
« C’est un patrimoine ouvrier qui est souvent considéré un peu laid, qui est délaissé, mais qui a quand même son importance quand on veut retracer l’histoire d’une ville ou qu’on veut essayer de garder son legs culturel. »
Kathleen Durocher admet que divers impératifs entrent en ligne de compte lorsqu’il est question de préserver un tel patrimoine. Est-ce qu’il y a une façon d’aller conjuguer le nouveau et l’ancien? On n’est pas obligé de tomber dans les extrêmes où il faut tout préserver à tout prix. Il faut prendre en considération des besoins sociaux qui existent en logement
, conclut l’historienne.