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En Haïti, le retour du choléra est une « catastrophe »

Des personnes portent un cercueil tandis que d'autres protestent lors d'une manifestation contre le gouvernement et les Nations unies à Port-au-Prince.

Haïti est plongé dans une crise sanitaire et sécuritaire.

Photo : Getty Images / RICHARD PIERRIN

Agence France-Presse

Une situation « alarmante », « chaotique », une « catastrophe » : en Haïti, les responsables humanitaires en première ligne face à l'épidémie de choléra qui s'est déclenchée il y a trois semaines dans le pays n'ont pas de mots assez forts pour faire part de leur inquiétude.

Toute une partie de la population est actuellement isolée du fait de la mainmise de gangs armés sur de vastes zones et du manque de carburant. Or, les patients malades peuvent mourir de déshydratation en quelques heures s'ils ne sont pas soignés.

C'est la catastrophe. On est dépassés, a dit à l'AFP le Dr Jean William Pape, dont l'ONG haïtienne Gheskio gère deux centres de traitement du choléra (CTC), sur la quinzaine mis en place au total dans le pays.

Dans l'un d'eux, à Port-au-Prince, la capitale, nous avons 80 lits, ils sont tous occupés, explique-t-il.

À cause de la pénurie du carburant, les gens des bidonvilles m'ont dit qu'il y a eu plusieurs décès dans leurs zones, parce qu'on ne pouvait pas transporter les malades

Une citation de Dr Jean William Pape de l'ONG haïtienne Gheskio

Depuis des semaines, le terminal pétrolier de Varreux est bloqué par une bande armée, contribuant à la paralysie du pays.

Alors qu'Haïti ne comptait plus aucun cas de choléra depuis 2019, quelque 960 cas suspects et 33 décès avaient été détectés en trois semaines par le ministère de la Santé au 19 octobre.

Un nombre qui pourrait être largement sous-estimé, selon Bruno Maes, représentant en Haïti de l'UNICEF.

La situation est d'autant plus frustrante que la prise en charge des malades, atteints de graves diarrhées, est simple (réhydratation durant quelques jours maximum), et qu'il existe un vaccin contre le choléra. Mais il ne reste efficace qu'environ cinq ans, et la dernière grande campagne de vaccination ciblée en Haïti remonte à 2017.

Environ la moitié des cas détectés concernent des enfants de moins de 14 ans, dont beaucoup sont particulièrement fragiles à cause d'un système immunitaire affaibli par le manque de nourriture dû à la pauvreté

Beaucoup d'entre eux sont très mal nourris, confirme le Dr Pape. C'est difficile de trouver leurs veines pour leur administrer des soins [des solutés injectés par intraveineuse].

Une citation de Dr Jean William Pape de l'ONG haïtienne Gheskio

Selon l'ONU, environ 4,7 millions de personnes, soit près de la moitié de la population du pays, sont à un niveau d'insécurité alimentaire aiguë.

Médecins sans frontières (MSF) gère de son côté quatre centres (250 lits au total) et une vingtaine de points de réhydratation orale, a expliqué à l'AFP Moha Zemrag, chef de mission adjoint.

L'une des priorités est, selon lui, de pouvoir permettre un accès à l'eau potable dans certains quartiers contrôlés par des gangs, comme Brooklyn, dans la commune de Cité Soleil (agglomération de Port-au-Prince), sans eau potable depuis trois mois.

Le choléra est causé par l'ingestion d'eau ou d'aliments contaminés par une bactérie (vibrio cholerae).

À cause de l'insécurité et de kidnappings très fréquents, les ONG ne peuvent par ailleurs pas se rendre dans ces quartiers pour désinfecter les logements à l'aide de chlore.

MSF a mis en place un système de navettes pour acheminer son personnel aux centres de soins, mais dans quelques semaines le manque de carburant pourrait rendre ces trajets impossibles, explique Moha Zemrag.

L'inquiétude grandit également pour la population rurale, qui sans carburant se retrouve souvent à plusieurs jours de marche de toute aide. De premiers cas ont été détectés dans la région des Nippes (sud) ou de l'Artibonite (nord).

Les routes menant au sud et au nord d'Haïti sont bloquées par des groupes armés, explique Bruno Maes : Port-au-Prince est littéralement encerclée, étranglée. Des bureaux de l'UNICEF ont été pillés, et des livraisons de médicaments sont bloquées au port.

Des patients dans une clinique gérée par Médecins sans frontières à Cité Soleil, Port-au-Prince.

Les Nations unies ont mis en garde contre une explosion des cas de choléra en Haïti.

Photo : Getty Images / RICHARD PIERRIN

Le retour du choléra ravive le souvenir cauchemardesque de l'épidémie introduite par des Casques bleus en 2010, après un tremblement de terre. Elle avait fait plus de 10 000 morts jusqu'en 2019.

Mais le pays ne connaît pas la même explosion du nombre de cas cette fois-ci, estime Sylvain Aldighieri, directeur adjoint des urgences en santé publique de l'Organisation panaméricaine de la santé.

Les autorités ont une expérience de 10 ans sur le choléra, et l'important est de réactiver les mécanismes connus.

Encore faut-il pouvoir le faire.

L'ONU a imposé vendredi des sanctions contre les gangs (embargo sur les armes...), mais reste jusqu'ici divisée sur l'envoi d'une force internationale.

Une mesure qui permettrait, selon M. Aldighieri, la création de corridors humanitaires pour les zones compliquées, et que les équipements puissent sortir du port. Pour le moment, dit-il, des premiers avions transportant du matériel sont attendus dans les prochains jours.

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