Le projet énergétique de la boucle de l’Atlantique en péril

Emera suspend sa participation financière au projet de la boucle de l'Atlantique à la suite de la législation sur le plafonnement des tarifs d'électricité.
La société Emera, propriétaire du fournisseur d’électricité de la Nouvelle-Écosse, suspend sa participation financière à la boucle de l’Atlantique, un mégaprojet de corridor énergétique qui doit connecter la région à l’hydroélectricité du Labrador et du Québec.
Emera dit réagir à la décision du gouvernement provincial de limiter la hausse des tarifs d’électricité de Nova Scotia Power (NSP).
La boucle de l'Atlantique est un élément clé de la stratégie de la Nouvelle-Écosse pour arriver à abandonner la combustion de combustibles fossiles pour produire de l'électricité.

Nova Scotia Power, le distributeur d'électricité en Nouvelle-Écosse, est une filiale de la société énergétique Emera.
Photo : Radio-Canada
Le PDG d'Emera, Scott Balfour, dit que l'entreprise révise maintenant ses dépenses en capital, en commençant par la boucle de l'Atlantique.
Nous avons dit à l'équipe que c'est l'un des premiers projets qu’il fallait suspendre pour l'instant
, affirme-t-il. Il n'y a pas assez d'argent pour continuer ce projet, sans parler de la capacité pour nous d'aller vers les actionnaires pour leur demander d’investir plus d'argent en Nouvelle-Écosse en vue de mettre de l’avant des projets à grande échelle.

Le PDG d'Emera, Scott Balfour, dit que l'entreprise repense ses dépenses avec la nouvelle loi.
Photo : Radio-Canada
Le gouvernement maintient le cap
À Halifax, le gouvernement progressiste-conservateur maintient le cap et refuse de céder à la panique.
Je ne suis pas trop inquiet, pour être honnête
, a déclaré vendredi le ministre des Ressources naturelles et renouvelables, Tory Rushton, qui avait déposé le projet de loi qui plafonne les tarifs d’électricité.
Je suis déçu de ce que disent Emera et Nova Scotia Power
, a poursuivi M. Rushton. Mais il y aura plusieurs autres discussions avec d’autres intervenants qui pourraient être intéressés.

Tory Rushton, ministre des Ressources naturelles et renouvelables de la Nouvelle-Écosse, en octobre 2021.
Photo : CBC / Steve Lawrence
Le premier ministre Tim Houston a réitéré l’importance de la boucle de l’Atlantique. Elle rendra plus facile
la transition de tout le réseau électrique vers des sources renouvelables d’ici 2030, a-t-il reconnu.
Les discussions au sujet de la boucle s’éternisent. Il y a toujours eu beaucoup de questions en suspens
, a-t-il dit. Il reproche au gouvernement fédéral d’avoir toujours été évasif
sur ses intentions de financer ou non la boucle, et à quelle hauteur.
C’est pour ça que nous avons toujours mis l’accent sur d’autres moyens d’atteindre nos cibles : l’éolien, le solaire, l’hydrogène
, a affirmé Tim Houston.

Tim Houston, premier ministre de la Nouvelle-Écosse, le 22 novembre 2021 à Ottawa.
Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick
L’opposition n’en est pas si sure.
Plusieurs fois nous avons demandé à ce gouvernement quel était son plan B. On s'est fait dire : oh, il y a un plan B. On n'a jamais su ce que c'était. Bien sûr que c'est inquiétant
, a déclaré vendredi Claudia Chender, la cheffe du Nouveau Parti démocratique (NPD) de Nouvelle-Écosse.
C’est évident que le gouvernement est allé de l’avant avec une loi sans penser à ses conséquences
, a dit le chef de l’opposition officielle, le libéral Zach Churchill, au sujet du plafonnement des tarifs d’électricité.
Jacob Thompson, coordonnateur des questions énergétiques au Centre d'action écologique, un organisme à but non lucratif basé à Halifax, croit que le plafonnement des tarifs les garde abordables à court terme, mais que cela a un prix.
Le risque de limiter les hausses pour deux ans, c'est de retarder nos objectifs climatiques de deux ans ou plus
, a-t-il affirmé dans une entrevue, vendredi. M. Thompson a indiqué que l'approche qui semble contre-intuitive est la meilleure pour que les contribuables paient moins cher dans le futur.
Les modifications [à la loi] vont aider à faire baisser les tarifs dans l'immédiat, mais nous sommes inquiets que cela entraîne des tarifs plus élevés à long terme, en limitant le pouvoir de Nova Scotia Power d'investir dans les énergies renouvelables comme l'éolien et le solaire, qui ne sont pas soumises aux fluctuations du marché ou aux hausses attendues du prix des combustibles fossiles
, avait déclaré le Centre d'action écologique dans un communiqué, jeudi.
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Les modifications à la loi provinciale sur les services publics imposent un plafond de 1,8 % sur les augmentations des tarifs d'électricité pendant deux ans, et cette somme doit être dépensée pour l'exploitation et l'entretien.
Les modifications plafonnent également le taux de rendement garanti à 9,25 %.
Par conséquent, tout profit excédentaire doit revenir aux clients pour réduire leurs coûts et limiter les intérêts que Nova Scotia Power peut facturer aux abonnés.
Ces modifications arrivent au milieu d’une audience en cours devant la Commission des services publics et d’examen de la Nouvelle-Écosse.
Nova Scotia Power y a fait sa première demande de tarification générale depuis 10 ans.
La société demande une augmentation des tarifs d'électricité de 13,7 % sur deux ans.
C’est un territoire très nouveau en Amérique du Nord qu'un gouvernement intervienne dans un processus de réglementation indépendant, et je suis profondément préoccupé
, soutient Scott Balfour.
Dans un communiqué, Emera écrit que les modifications entraîneraient une réduction importante
des dépenses en immobilisations d'environ 1 milliard $ prévues par Nova Scotia Power en 2023 et 2024.
Les endroits exacts où Emera va cesser d’investir seront plus clairs lorsque la société publiera son plan de dépenses en immobilisations sur trois ans, le 11 novembre.
Conséquences immédiates
Pour réduire immédiatement les coûts, l'entreprise a quand même annulé la création de 60 nouveaux emplois.
L'action d'Emera a chuté de près de 5 % mercredi lorsque le plafond des taux a été annoncé. L'action a encore baissé de 3 % jeudi, clôturant à 49,99 $ par action. Bien que l'ingérence politique justifie une correction du cours de l'action, nous considérons la baisse de 5 % comme une réaction excessive
, a écrit l'analyste de BMO, Ben Pham, jeudi matin.
Scott Balfour ne veut pas se prononcer directement sur l’avenir de Nova Scotia Power en Nouvelle-Écosse, mais il dit que c’est impossible de ne pas regarder différemment la croissance de l’entreprise en Nouvelle-Écosse
.
Avec les informations de Paul Withers (CBC)