La Cour suprême n’entendra pas l’appel de survivants du pensionnat Sainte-Anne
Un groupe d'enfants de chœur au pensionnat Sainte-Anne de Fort Albany en Ontario autour de 1945. (Archives)
Photo : Collection Edmund Metatawabin/Université Algoma
La Cour suprême du Canada a rejeté la demande d’autorisation d’appel du groupe de survivants du pensionnat pour Autochtones Sainte-Anne, situé à Fort Albany, dans le Nord de l’Ontario.
Comme à son habitude, le plus haut tribunal au pays n'a pas précisé les raisons du refus.
Le groupe de survivants réclame depuis longtemps que le gouvernement fédéral lui rende des documents au sujet des abus que les survivants disent y avoir subis.
Des centaines de jeunes Autochtones ont fréquenté le pensionnat Sainte-Anne entre 1904 et 1976, année de sa fermeture.
La demande visait à contester un jugement rendu par la Cour d'appel de l'Ontario en mai 2018. Le tribunal avait choisi de ne pas rendre publiques les transcriptions d'une poursuite civile intentée à Cochrane en 2003.
Selon des documents soumis le 1er mars, le groupe a demandé à la Cour suprême de revoir son cas en raison de manquements procéduraux et juridictionnels
de la part des tribunaux qui ont traité le dossier jusqu’ici.
Déception chez les survivants
J'espérais entendre que notre demande serait approuvée afin de prouver que le Canada veut vraiment la réconciliation avec les peuples autochtones, mais c'est clair que ça n'arrivera pas
, estime une survivante du pensionnat Sainte-Anne, Evelyn Korkmaz.
Je suis un peu sous le choc et très déçue. La loi ne s'applique pas aux peuples autochtones du Canada, c'est aussi simple que ça
, poursuit-elle.
« C'est quelque chose qui m'a affectée durant la majeure partie de ma vie […] ce n'est pas quelque chose que je peux simplement oublier. »
Malgré la décision, elle se dit résiliente
et assure qu'elle continuera de se battre
. Elle espère notamment que la cause sera apportée devant la Cour pénale internationale.
Le porte-parole du NPDla déception des survivants de Sainte-Anne au sujet de la décision de la Cour suprême
.
« Ceux et celles qui ont survécu et nos ancêtres qui ne sont jamais retournés à la maison méritent que leurs histoires soient racontées. »
L'élu, qui est également un survivant d'un pensionnat, estime que cette bataille judiciaire est nécessaire pour entamer la guérison
.
En réaction, le député fédéral de Timmins-Baie James Charlie Angus a déclaré par communiqué jeudi que c'est une journée triste pour la justice au Canada
.
La Cour suprême a choisi de faire confiance au gouvernement du Canada plutôt qu'aux survivants.
Ottawa dit poursuivre la révision des dédommagements
Le ministre des Relations Couronne-Autochtones, Marc Miller, indique que le gouvernement Trudeau a fourni, dès 2015, de nombreux documents au Secrétariat d'adjudication des pensionnats indiens (SAPI).
Dans un rapport, le juge à la retraite, Ian Pitfield, a conclu qu'il n'y avait pas lieu de revisiter tous les dossiers de compensation sauf pour 11 cas particuliers concernant de la violence entre élèves, ce qu’Ottawa a promis de faire.
Ce qu'on va faire, c'est de s'en remettre à la cour et à un moniteur spécial à la cour pour regarder certaines de ces plaintes qui ont des informations supplémentaires, qui pourraient éventuellement bonifier le dédommagement
, note le ministre.
Il reconnaît toutefois qu'évidemment, l'argent ne suffit pas nécessairement à lui-même pour guérir tous les sévices
que les pensionnaires ont vécus.
Certains documents propres aux survivants eux-mêmes [contiennent] de l'information très sensible
, signale toutefois M. Miller, et il serait très préjudiciable pour eux et leurs familles si tous ces documents étaient là, publics, pour que tout le monde puisse les regarder
.
C'est clair qu'il y a un processus qui a été mis en place. Ce n'était pas un processus parfait, mais c'est le meilleur processus qu'on connaît à ce jour pour, de un, préserver la confidentialité de gens qui sont, quand ils sont encore en vie, toujours très blessés et ont subi des horreurs inexprimables surtout sur la place publique
, affirme M. Miller.
« Il y a un devoir de confidentialité, mais dans tout ça, on voit très bien que le gouvernement du Canada ne devrait pas être l'arbitre dans tout ça. Alors, l'effort qu'on a fait, c'est de remettre les documents à une entité spécialisée pour pouvoir faire le tri et ensuite l'adjudication. »
15 ans de procédures judiciaires
Ce recours à la justice remonte à 2007.
Le groupe, mené par l’ancien chef de Fort Albany Edmund Metatawabin, réclame des indemnisations pour certains survivants qui n'ont jamais été dédommagés pour les sévices subis en raison du manque de documentation.
Les survivants racontent y avoir été victimes d’abus physiques, sexuels et psychologiques. Certains affirment même qu'une chaise électrique a été utilisée sur de jeunes enfants.
Certains d’entre eux n’avaient pas eu accès à toutes les preuves lors d’une précédente audience du processus d’évaluation indépendant (PEI).
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Selon un communiqué de l’avocate Fay Brunning, qui représente le groupe, les fonctionnaires du gouvernement n’auraient pas déposé de nouveaux rapports pour les demandes du PEI
qui ont été jugées avant 2014.Dans une lettre envoyée en janvier 2020, Charlie Angus, avait demandé à la ministre des Relations Couronne-Autochtones, Carolyn Bennett, que les documents soient rendus accessibles.
Il a également rappelé que la Cour suprême du Canada a confirmé en avril 2019 que les demandeurs ont le droit de réclamer aux tribunaux la réouverture de leur dossier lorsqu’il y a de nouvelles preuves.
Dans des documents légaux obtenus par CBC, le gouvernement fédéral a déjà reproché à M. Angus et à l’ancien sénateur Murray Sinclair de nuire aux pourparlers.
Ottawa a déjà refusé par le passé de divulguer des milliers de documents de la Police provinciale de l’Ontario portant sur une enquête approfondie sur le pensionnat mené durant les années 1990, affirmant qu'ils contenaient des renseignements confidentiels.
Avec les informations de Brett Forester, de CBC Indigenous et d'Olivia Stefanovich de CBC