La première ministre britannique Liz Truss démissionne
Les membres du Parti conservateur étaient profondément divisés au sujet de son programme de relance économique.

La première ministre britannique Liz Truss a annoncé sa démission devant le 10 Downing Street, à Londres.
Photo : Getty Images / Rob Pinney
Confrontée aux attaques de l’opposition et à une crise de confiance au sein du Parti conservateur, la première ministre britannique Liz Truss quitte ses fonctions 45 jours après avoir succédé à Boris Johnson.
Vainqueure de la course à la chefferie pour la succession de Boris Johnson, emportée par le scandale du « Partygate », Liz Truss a pris les commandes du gouvernement conservateur le 5 septembre dans un contexte politique et économique difficile.
À peine un mois après son arrivée à la tête du gouvernement, elle battait déjà des records d’impopularité dans la population, alors que les membres de son parti étaient profondément divisés au sujet de son programme de relance économique.
Contrainte de faire volte-face sur plusieurs promesses phares de sa campagne et de changer de ministre des Finances en catastrophe à la suite d’un mini-budget qui a semé la panique sur les marchés financiers, Liz Truss a déposé les armes jeudi lors d’un discours prononcé devant sa résidence de fonction du 10 Downing Street, à Londres.
« Dans le contexte actuel, je ne peux livrer le mandat pour lequel j’ai été élue par le Parti conservateur. »
La personne qui lui succédera sera choisie au sein des députés conservateurs qui se sont donné huit jours pour déterminer qui assumera l'intérim à la tête du gouvernement.
Sur les bancs de l'opposition, le chef du Parti travailliste, Keir Starmer, a réclamé le déclenchement d'élections générales anticipées dès maintenant
.

La première ministre britannique Liz Truss s’est finalement résignée jeudi à démissionner après seulement six semaines au pouvoir ressemblant à un chemin de croix pour la dirigeante conservatrice. La situation était devenue pour elle complètement insoutenable, comme l'explique Marie Isabelle Rochon.
Invitée à former un gouvernement par la reine Élisabeth II le 6 septembre, Liz Truss avait deux jours plus tard annoncé au Parlement un gel de la facture d’énergie des particuliers et des entreprises et la relance de l'extraction de pétrole et de gaz pour tenter de calmer la crise énergétique engendrée par la guerre en Ukraine.
Le décès de la reine, le même jour, avait totalement occulté les débuts de son gouvernement pendant une dizaine de jours.
Déjà moins populaire que son prédécesseur, Boris Johnson, Liz Truss a connu ses premiers revers lorsque son ministre des Finances, Kwasi Kwarteng, a annoncé un mini-budget
destiné à relancer la croissance en tablant sur des baisses d'impôts de dizaines de milliards de livres essentiellement financées par de la dette nationale.
Panique sur les marchés
Plombée par l’affolement des marchés, la valeur de la livre a encaissé une baisse historique qui a ébranlé le nouveau gouvernement et la confiance du public.
Le Royaume-Uni traverse une crise sociale et économique majeure aggravée par la flambée des prix de l'énergie et un taux d'inflation de 10,1 %, un sommet en 40 ans.
Pour calmer la panique des marchés, la Banque d'Angleterre a dû intervenir d’urgence sur le marché obligataire en invoquant un risque important pour la stabilité financière du Royaume-Uni
.
L’opposition travailliste a une avance de 33 points sur les conservateurs dans les sondages, du jamais-vu depuis la fin des années 1990.
Ébranlée et contestée au sein de son propre parti, Liz Truss a annoncé lors du congrès du Parti conservateur qu’elle renonçait à supprimer la tranche d’imposition la plus élevée pour les contribuables les plus riches en excluant de réduire les dépenses publiques, le tout en promettant néanmoins des baisses d’impôts.
Des volte-face qui ont semé de sérieux doutes dans le pays sur sa politique économique et les capacités de son gouvernement à la mettre en œuvre.
Après avoir remplacé Kwasi Kwarteng aux Finances par Jeremy Hunt, son ancien adversaire dans la course pour Downing Street, Liz Truss avait annoncé un nouveau revirement en renonçant à maintenir à 19 % l'impôt sur les sociétés, qui augmentera à 25 % comme l’avait prévu le gouvernement précédent.
Quatre ministres des Finances plus tard
Jeremy Hunt, quatrième ministre des Finances du Royaume-Uni depuis le début de l'année, a finalement annoncé l'annulation du programme économique de Liz Truss dans sa quasi-totalité.
Attaquée de toutes parts, la première ministre s’était fait représenter par une autre ministre pour répondre aux questions qui fusaient à la Chambre des communes, où on l’accusait de se cacher sous son bureau.
Moins d'une semaine après avoir dû limoger son ministre des Finances et ami proche, Kwasi Kwarteng, elle a perdu mercredi sa ministre de l'Intérieur, Suella Braverman, responsable du dossier délicat des traversées illégales de la Manche, qui atteignent des niveaux records au Royaume-Uni.
Officiellement, Mme Braverman a démissionné pour avoir utilisé son courriel personnel pour l'envoi de documents officiels, enfreignant ainsi le code ministériel. Dans sa lettre de démission, Mme Braverman a exprimé ses graves inquiétudes sur la politique du gouvernement qui, selon elle, renonce à ses promesses, notamment dans le dossier migratoire.
Le déroulement totalement chaotique d’un vote mal expliqué en Chambre sur la reprise de la fracturation hydraulique dans le pays, une technique controversée d’extraction de gaz et de pétrole, dont le gouvernement voulait faire un test de loyauté est finalement venu à bout de la détermination de la première ministre Truss.
Jeudi matin, plus d'une douzaine de députés conservateurs réclamaient la démission de leur cheffe.
En Écosse, la première ministre Nicola Sturgeon n'a pas pris de pincettes sur son compte Twitter pour décrire la situation à la tête de l'État britannique.
« Il n’y a pas de mots pour décrire adéquatement cette pagaille. […] La réalité est que les gens ordinaires en paient le prix. Les intérêts du Parti conservateur ne devraient concerner personne en ce moment. »
Des réactions à l'étranger
À Washington, le président américain Joe Biden a remercié Mme Truss tout en assurant la coopération de son administration avec le gouvernement britannique, rappelant au passage que les deux pays sont de grands alliés liés par une amitié durable.
« Je remercie la première ministre Liz Truss pour son partenariat sur toute une série de questions, notamment celle de tenir la Russie responsable de sa guerre contre l'Ukraine. Nous poursuivrons notre étroite coopération avec le gouvernement britannique. »
De son côté, le président français, Emmanuel Macron, s’est gardé de faire tout commentaire sur la vie politique britannique, tout en soulignant que Mme Truss et lui avaient eu des échanges toujours très constructifs
.
La France, en tant que nation et peuple ami du peuple britannique, souhaite avant tout la stabilité dans le contexte que nous connaissons, qui est un contexte de guerre et de tension énergétique
, a ajouté le chef de l’État français.
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Trois députés maximum dans la course à sa succession
Selon le Parti conservateur, trois députés seulement seront admis dans la course à la succession de Liz Truss. Selon les règles annoncées par un responsable du parti, chaque candidat devra recueillir l’appui d’au moins 100 des 357 députés conservateurs avant lundi 14 h pour valider sa candidature.
Ensuite, les députés devront choisir entre eux deux candidats dont les noms seront soumis aux 170 000 membres du parti qui éliront le prochain chef par la tenue d’un vote en ligne d'ici le 28 octobre. Le gagnant ou la gagnante entrera directement au 10 Downing Street.
Aucun candidat ne s'était encore manifesté officiellement jeudi après-midi.
Parmi les personnalités attendues figurent l'ancien ministre des Finances, Rishi Sunak, candidat malheureux contre Liz Truss, la ministre Penny Mordaunt, l'ex-ministre de l'Intérieur, Suella Braverman, qui a démissionné mercredi du gouvernement, ou encore Boris Johnson qui, selon le Times, envisagerait un retour au nom de l'intérêt national
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