Ces bâtiments fantômes de Rimouski

Le presbytère Saint-Germain a survécu à l'incendie de 1950, mais survivra-t-il à l'épreuve du temps?
Photo : Radio-Canada / Simon Rail-Laplante
Certains semblent laissés à l’abandon, d’autres semblent entre deux vies, en attente d’une nouvelle vocation… Qu’advient-il des nombreux édifices au centre-ville de Rimouski, qui témoignent de l’histoire de la ville? Tour d’horizon de ces bâtiments à l’avenir incertain.
L’Arsenal
Construit en 1910, l’ancien manège militaire de Rimouski, aussi appelé l’Arsenal, a été déclaré excédentaire en 2012 par le ministère de la Défense nationale. Par courriel, sa porte-parole assure de la sensibilité du ministère face à ce type de bâtiments à valeur historique. La Défense nationale dit procéder actuellement à son évaluation globale, en vue d’un transfert ou d’une vente éventuelle.
Des travaux de diligence raisonnable requis dans le processus de dessaisissement d’une propriété
sont en cours, indique-t-on. Les propriétaires disent avoir amorcé, en parallèle, des consultations auprès de différents groupes, dont la Ville de Rimouski. De telles démarches peuvent prendre plusieurs années, souligne la porte-parole du ministère, pour faire un choix éclairé quant à l’avenir du bâtiment.
L’édifice a été désigné comme « édifice fédéral du patrimoine reconnu » en 1991.
Le Couvent des Sœurs du Saint-Rosaire
Cité patrimonial en novembre 2021, l’ancien couvent de la congrégation des Sœurs de Notre-Dame du Saint-Rosaire abritera éventuellement des logements, des bureaux, une résidence privée pour aînés et une garderie de 80 places… mais quand?
L’organisme à but non lucratif Serviloge a de grands projets pour l’édifice, qui appartient toujours aux religieuses. Les promoteurs prévoient reconvertir le bâtiment et construire un nouvel immeuble sur le terrain arrière, pour loger, à terme, environ 400 personnes : 44 logements complets seraient aménagés dans le couvent, et 100 autres dans la construction neuve, selon la présidente de Serviloge, Francine St-Cyr. Une RPA de 63 chambres serait également intégrée au vieux bâtiment, s’ajoutant aux 60 chambres déjà existantes dans le centre de soin adjacent.
L’OBNL attend toutefois que les gouvernements provincial et fédéral confirment des bonifications au financement qui lui avait déjà été accordé, pour couvrir l’explosion des coûts de construction. Serviloge pourra alors procéder à l’achat du bâtiment, et entamer les travaux.
La Résidence Lionel-Roy
Il est maintenant connu que l’ancienne École d'agriculture, devenue la Résidence Lionel-Roy, est vouée à la démolition. La propriétaire, la Société immobilière GP, a confirmé à Radio-Canada, dans les dernières semaines, son intention de détruire l’édifice construit en 1925.
À part la démolition de l'édifice, GP dit, pour le moment, ne pas avoir d’autre projet pour ce terrain du 83-85, rue Saint-Jean-Baptiste Ouest. L’éventualité d’en faire un stationnement ne ferait pas partie des plans. Aucune demande récente de permis de démolition n’a été déposée à la Ville de Rimouski, et un projet de remplacement doit être proposé avant qu’une demande de démolition au centre-ville ne soit considérée. La Résidence Lionel-Roy ne bénéficie d’aucun statut de protection.
Dans une période où l’agriculture industrielle était en plein essor, l’École d’agriculture, prise en charge par les prêtres du Séminaire, offrait une formation pratique pour les jeunes de niveau secondaire.
Le Grand Séminaire
Quel avenir réserve-t-on au Grand Séminaire, sur la rue Saint-Jean-Baptiste? L’édifice, qui est officiellement cité patrimonial par la Ville depuis le 19 septembre 2022, a été mis en vente le printemps dernier. Construit vers 1931, l’endroit qui servait autrefois à la formation des prêtres est maintenant évalué à plus de 2,5 millions de dollars. On ignore pour l’instant qui sera le nouveau propriétaire, mais l’une des conditions fixées par la corporation qui le gère est de conserver son caractère patrimonial. Le Grand Séminaire, qui offre des chambres et des bureaux, dessert de nombreux locataires, confirme le gestionnaire, Raymond Joly.
Les promoteurs intéressés à acheter le Grand Séminaire ont jusqu’au vendredi 28 octobre pour déposer leur offre. M. Joly confirme que certains se sont déjà manifestés, mais il ajoute que ces potentiels acheteurs seraient surtout intéressés par les terrains et les stationnements adjacents à l’édifice, où ils envisageraient de construire des logements. Une partie des recettes de la vente du Grand Séminaire pourrait servir à la restauration de la cathédrale, selon l’archevêque Grondin.
Les Ateliers Saint-Louis
Autrefois l'école des Frères du Sacré-Cœur, l'édifice des Ateliers Saint-Louis, a été construit il y a près de 100 ans, en 1924. Inhabité depuis plus de 15 ans, il est devenu un des emblèmes du patrimoine en dépérissement à Rimouski. La Ville, qui en est propriétaire, avait offert, il y a six ans, de vendre les Ateliers pour 1 dollar à tout promoteur qui aurait souhaité les rénover. Tout juste avant l’échéance de cette offre, fin septembre, le Comité de sauvegarde des Ateliers Saint-Louis a déposé un projet qui permettrait une occupation transitoire et collective par des organismes culturels et des entreprises, notamment.
La Ville de Rimouski donne maintenant au comité jusqu’au 31 décembre pour lui fournir un cadre financier plus précis pour son projet de réhabilitation du bâtiment, afin de pouvoir l’occuper. Par ailleurs, en mai dernier, le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) du Bas-Saint-Laurent démontrait toujours de l’intérêt pour le terrain des Ateliers Saint-Louis. Leur projet impliquait toutefois la démolition de l’édifice.
Les Ateliers Saint-Louis, situés rue de l’Évêché Ouest, se trouvent dans un secteur inclus dans un site patrimonial de la ville.
La cathédrale de Saint-Germain
Fermée depuis près de huit ans, le cas de la cathédrale de Rimouski fait régulièrement les manchettes. Maintenant que le litige juridique qui opposait la Fabrique Saint-Germain et l'Archevêché depuis trois ans est désormais chose du passé, les nouvelles s’annoncent meilleures, sans toutefois montrer une lumière au bout du tunnel.
Cet été, la Fabrique a obtenu du financement pour réparer la toiture de l’édifice, mais insuffisant pour la rénover en entier. Le président de l’organisation, Jean-Paul Heppell, indique qu’ils comptent attendre l’an prochain pour démarrer les travaux, en espérant avoir une seconde subvention qui permettrait de rénover la toiture dans son entièreté. Les administrateurs visent tout de même l’été 2023 pour le début de ces travaux. D’autres rénovations extérieures pourraient suivre si le financement est au rendez-vous, pour ensuite s’attaquer à l’intérieur. Selon le président de la Fabrique, les travaux de restauration sont maintenant évalués à 8,5 millions de dollars.
La priorité de la Fabrique est donc mise sur la restauration du bâtiment, avant de relancer les discussions sur sa vocation. Elle assure toutefois qu’elle sera axée sur la culture et le tourisme, en y conservant également une partie culturelle. La cathédrale accueillera des activités occasionnelles d’ici là, et des spectacles bénéfices sont également à venir.
Plusieurs demandes de classement patrimonial ont été déposées auprès du ministère de la Culture dans les dernières années. La dernière, datant d’il y a deux ans, n’a pas encore obtenu de réponse.
Le presbytère Saint-Germain
À l’instar de la cathédrale, l’avenir du presbytère Saint-Germain, également situé sur un site du patrimoine de la Ville, ne connaîtra pas de dénouement à court terme. Le président de la Fabrique indique que son organisation concentre ses efforts sur la cathédrale pour le moment, et qu’elle n’a pris aucune décision sur la possible vente ou non du presbytère.
Selon Jean-Paul Heppell, trois acheteurs, de trois domaines différents, se seraient malgré tout manifestés. Dans un passé qui semble plutôt lointain, en 2016, le maire de l’époque, Éric Forest, avait aussi exprimé son intérêt à acheter le presbytère pour la municipalité. L’édifice sert actuellement d’espace de bureau pour la Fabrique, et abrite aussi un locataire temporaire.
La gare ferroviaire
La Ville de Rimouski a fait l’acquisition, au mois de février dernier, de la gare de la rue Évêché Est, un immeuble cité patrimonial construit en 1937. Des évaluations sont toujours en cours pour déterminer les potentiels usages que la gare pourrait avoir, indique la Ville. VIA Rail et le service de taxi occupent toujours une bonne partie des lieux, et des employés municipaux se chargent de l’entretien du bâtiment.
Le Marché public de Rimouski y utilise également un local d’entreposage. Au moment de la transaction, la Ville avait d’ailleurs mentionné que les lieux pourraient être propices pour le Marché. Bien qu’il y ait toujours de l’intérêt des deux parties à collaborer, aucun projet concret n’a été soumis en ce sens.
Ancien bureau de poste
Le 180, avenue de la Cathédrale, ancien édifice fédéral construit en 1952, est récemment passé aux mains de quatre promoteurs privés. L’un d’entre eux, Olivier Berthiaume, a assuré que le bâtiment allait être préservé et mis en valeur.
Le copropriétaire, qui souhaite donner une vocation commerciale au bâtiment - en excluant le domaine hôtelier - , indique que les lieux suscitent beaucoup d’intérêt, et qu’il est en discussion avec deux organismes et trois entreprises pour le moment. Il souhaite prendre le temps de bien choisir qui occupera le bâtiment, en vue de lui assurer une vocation intéressante à plus long terme.
M. Berthiaume se dit bien au fait des soins particuliers qu’implique un édifice dans ce secteur névralgique de la ville. Il a ainsi fait appel à des ingénieurs pour effectuer les travaux nécessaires sur l’ancien bureau de poste, qui seront surtout extérieurs. Les rénovations sont prévues tôt au printemps.
L'édifice Paul-Émile-Gagnon
Tout près de l’ancien bureau de poste, l’édifice Paul-Émile-Gagnon, situé en face de l’hôtel de ville, est à vendre depuis le début de l’automne. Il servait jusqu’à tout récemment d’espaces de bureau pour les employés de Telus. Le bâtiment, érigé en 1923 par Jules-A. Brillant, a été le siège social de la Compagnie de pouvoir du Bas-Saint-Laurent, avant d’abriter la station de radio de CJBR dans les années 1930.
Et encore...
Plusieurs autres grands bâtiments du centre-ville de Rimouski seront à surveiller dans les mois qui viennent, à commencer par le Musée régional de Rimouski, qui a amorcé des démarches pour la réfection de son bâtiment, et qui est en attente de son carnet de santé.
L’édifice de l’Archevêché, lui aussi, est toujours habité, mais devra sûrement faire l’objet de réflexions, d’ici quelques années. Sans parler de l’hôtel des Gouverneurs qui, malgré son absence de caractéristiques patrimoniales, est devenu une immense coquille vide qui dépérit depuis le début de la pandémie…