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L’Ontario veut réduire les fouilles à nu dans ses prisons

La province est d'ailleurs visée par une poursuite pour le peu de balises qu’elle impose sur cette pratique.

Un homme regarde par la fenêtre d'une prison.

L'Ontario est l'une des provinces qui restreignent le moins le recours aux fouilles à nu dans ses établissements carcéraux.

Photo : Getty Images / Peter Macdiarmid

Cinq ans après une enquête indépendante accablante (Nouvelle fenêtre) sur le milieu carcéral et les fouilles à nu en Ontario, le gouvernement Ford propose des changements pour réduire leur fréquence dans les centres de détention de la province.

Quelques règles existent déjà, par exemple sur le lieu où elles peuvent être effectuées, mais la Loi sur le ministère des Services correctionnels donne pour l’instant aux surintendants des prisons ontariennes de vastes pouvoirs pour effectuer ces fouilles.

L'enquête menée en 2017 avait trouvé que, contrairement à d’autres provinces, l’Ontario oblige les prisons à effectuer ces manœuvres deux fois par mois sur les quelque 7000 détenus de la province. Pour les détenus en isolement, ces fouilles peuvent être quotidiennes et certaines prisons en font plus que d'autres.

Une politique profondément dégradante ayant un impact disproportionné sur les Autochtones, qui sont surreprésentés dans les établissements carcéraux, souligne l’avocat Alain Bartleman, qui est membre de la Première Nation des Chippewas de Rama.

On parle de quelqu’un qui est tenu d’enlever ses vêtements, d’ouvrir son anus, de tousser pour expulser tout objet qui pourrait être à l’intérieur de son corps, de manipuler ses parties génitales, et [le faire] devant un inconnu, déplore Me Bartleman.

Dans une proposition publiée discrètement sur le Registre de la réglementation à la fin de septembre, le ministère du Solliciteur général dit vouloir modifier les règlements de la Loi. Il soulève la possibilité d’utiliser de nouvelles technologies pour réduire la fréquence des fouilles, notamment des détecteurs de drones et de téléphones cellulaires.

Alain Bartleman

Alain Bartleman est également trésorier de l'Association du barreau autochtone.

Photo : Radio-Canada / Capture d'écran

Questionné à ce sujet, Zachary Zarnett-Klein, l'attaché de presse du ministre, ne donne aucun autre détail. La contrebande n'a pas sa place dans les services correctionnels. Notre gouvernement modernise de manière proactive les services correctionnels pour assurer la sécurité des agents et des détenus.

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Contestation judiciaire

La proposition de réforme survient alors que le gouvernement ontarien est visé par une contestation judiciaire de sa loi par l’Association canadienne des libertés civiles (ACLC) ainsi que par une ancienne détenue.

La mère de quatre enfants allègue avoir été traumatisée par beaucoup trop de fouilles à nu brutales [...] même immédiatement après avoir fait une fausse couche. Dans sa requête déposée en juin, l’ACLC avance que la loi viole l'arrêt Golden de la Cour suprême qui restreint cette pratique.

Une conclusion que faisait pourtant déjà, dès 2017, l'examen indépendant des services correctionnels commandé par le gouvernement libéral précédent. Cependant, plusieurs des 63 recommandations, y compris celle de réformer la loi sur les fouilles à nu, n’ont pas été mises en place par Doug Ford, qui est arrivé au pouvoir l’année suivante.

Tout juste avant l'élection provinciale, au printemps 2018, le gouvernement Wynne avait fait adopter la Loi sur la transformation des services correctionnels, qui visait plusieurs des préoccupations soulevées par l'enquêteur Howard Sapers, notamment les fouilles à nu.

Mais le gouvernement Ford ne l'a jamais promulguée et a décidé de sabrer le poste de M. Sapers. Depuis, la stratégie de la province est surtout axée sur l'embauche d'agents correctionnels, même si elle s'est engagée à se conformer à ses obligations en matière de recours à l'isolement, une autre grande préoccupation du rapport.

Un homme au podium.

L'enquêteur Howard Sapers à Queen's Park en 2017, lors de la présentation d'un de plusieurs rapports de l'enquête.

Photo : Radio-Canada / Claudine Brulé

Comme l’a indiqué la Cour suprême en 2001, les fouilles à nu sont fondamentalement humiliantes et avilissantes pour les personnes détenues, peu importe la manière dont elles sont effectuées.

Une citation de Howard Sapers, ancien conseiller indépendant sur la réforme des services correctionnels du gouvernement de l'Ontario

Dans son rapport, Howard Sapers avait qualifié le cadre législatif existant de troublant et noté que la majorité des territoires de compétence du Canada ont mis en place des lois qui interdisent explicitement [le type de] fouilles à nu qui ont lieu régulièrement en Ontario.

En entrevue avec Radio-Canada, Howard Sapers s'est dit encouragé par le fait que la province s’engage finalement à assouplir ses règles en la matière.

Il était grand temps que ça se fasse, dit l’ancien chien de garde du milieu carcéral en Ontario. J'espère qu'ils mettront enfin en place ma recommandation de moderniser la loi pour qu'elle respecte les balises établies par la Cour suprême, afin qu'on puisse mettre fin à ces abus.

Aire réservée pour les fouilles à nu dans l'unité d'admission et de libération du Centre de détention du Sud de Toronto.

Aire réservée pour les fouilles à nu dans l'unité d'admission et de libération du Centre de détention du Sud de Toronto.

Photo : Rapport de l'examen indépendant des Services correctionnels de l’Ontario de 2017

Il note que les détenus sont particulièrement vulnérables aux traumatismes engendrés par les fouilles systématiques. Au Canada, la moitié des personnes incarcérées ont été victimes de violence sexuelle et/ou physique dans leur enfance, selon une étude récente (Nouvelle fenêtre).

La fouille à nu est une violence sexuelle, affirme la chargée de cours de l’Université Laurier Jessica Hutchison, qui a écrit une thèse sur les fouilles corporelles en Ontario et qui estime que la pratique devrait être bannie.

Dans tout autre contexte, le retrait forcé de vêtements et l'exécution d'actions liées à des parties intimes du corps sous la menace de conséquences graves seraient considérés comme des violences sexuelles. Cependant, parce que c'est effectué sous l'étiquette de la "fouille corporelle", elle n'est pas reconnue comme telle.

La fouille à nu se produit même lors de la menstruation, ajoute-t-elle, ce qui oblige les femmes et les personnes de genre varié à retirer leurs tampons, à s'accroupir et à tousser, ce qui entraîne souvent des gouttes de sang sur le sol, qu'elles sont ensuite obligées de nettoyer.

Fouilles policières?

La province ne dit pas si les changements s’appliqueraient aux corps policiers ni si elle entend modifier d’autres règlements pour qu’ils réduisent eux aussi le recours à cette pratique.

En 2019, un organisme indépendant de surveillance de la police en Ontario a conclu que les policiers effectuent régulièrement des fouilles à nu qui contreviennent à l'arrêt Golden de la Cour suprême – jusqu'à 22 000 fouilles à nu par année.

Le Syndicat des employés de la fonction publique de l'Ontario, qui représente environ 9000 agents et employés des services correctionnels dans la province, n’a pas répondu à nos demandes de commentaires sur l’impact qu’un changement de politique pourrait avoir sur ses membres.

Les Ontariens peuvent soumettre des commentaires sur la proposition du gouvernement Ford jusqu’au 31 octobre prochain sur le Registre de la réglementation de l'Ontario.

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