Burkina Faso : deuxième coup d’État en huit mois, le chef de la junte est remplacé

Le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba est arrivé au pouvoir lors d'un putsch en janvier dernier.
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Le Burkina Faso a connu vendredi un deuxième coup d'État en huit mois, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, arrivé au pouvoir lors d'un putsch fin janvier, ayant à son tour été démis de ses fonctions par des militaires.
Après une journée émaillée de tirs dans le quartier de la présidence à Ouagadougou, une quinzaine de soldats en treillis et parfois encagoulés ont pris la parole peu avant 20 h, heure locale, sur le plateau de la radiotélévision nationale.
Le lieutenant-colonel Damiba est démis de ses fonctions de président du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration
(MPSR, l'organe qui dirige de la junte), ont déclaré les militaires dans un communiqué lu par un capitaine.
Le nouvel homme fort du pays, désigné président du MPSR, est désormais le capitaine Ibrahim Traoré, a-t-il affirmé.
Le sort de M. Damiba restait inconnu vendredi soir.
Suspension des institutions républicaines
Les putschistes ont également annoncé la fermeture des frontières terrestres et aériennes du pays à partir de minuit. Ils ont aussi proclamé la suspension de la Constitution ainsi que la dissolution du gouvernement et de l'Assemblée législative de transition.
Un couvre-feu de 21 h à 5 h est aussi instauré.
Les militaires invoquent la dégradation continue de la situation sécuritaire
dans le pays.
Nous avons décidé de prendre nos responsabilités, animés d'un seul idéal : la restauration de la sécurité et de l'intégrité de notre territoire
, ont-ils poursuivi.
Notre idéal commun de départ a été trahi par notre leader en qui nous avions placé toute notre confiance. Loin de libérer les territoires occupés, les zones jadis paisibles sont passées sous contrôle terroriste
, ont-ils encore affirmé.

Au Burkina, les coups d'État débouchent le plus souvent sur des manifestations violentes.
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À son arrivée au pouvoir, le 24 janvier, elle aussi annoncée par un communiqué lu par des hommes en armes à la télévision, M. Damiba avait promis de faire de la sécurité sa priorité dans ce pays miné depuis des années par de sanglantes attaques djihadistes. Mais celles-ci se sont multipliées ces derniers mois, notamment dans le Nord.
La journée de vendredi a été très tendue dans la capitale burkinabé, des tirs ayant été entendus avant l'aube dans le quartier où se trouvent la présidence et le QG de la junte, selon plusieurs témoins, puis à nouveau en début d'après-midi.
Plusieurs axes de la ville ont été barrés toute la journée par des militaires postés sur les principaux carrefours de la ville, notamment devant le siège de la télévision nationale.
Vendredi soir, peu avant l'annonce télévisée, un imposant dispositif militaire s'est déployé dans certains quartiers de la capitale, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Dans la journée, le porte-parole du gouvernement, Lionel Bilgo, avait évoqué une crise militaire
sur fond de revendications liées à des primes
.
L'ombre de la Russie
Dans l'après-midi, plusieurs centaines de personnes, dont certaines brandissaient des drapeaux russes, se sont rassemblées sur la grande place de la Nation à Ouagadougou pour réclamer une coopération militaire avec la Russie, pour rejeter la présence militaire française au Sahel et pour exiger le départ du lieutenant-colonel Damiba, a constaté une journaliste de l'AFP.
L'influence de Moscou ne cesse de croître dans plusieurs pays d'Afrique francophone depuis quelques années et il n'est pas rare de voir des drapeaux russes dans de telles manifestations.

Comme au Mali, la Russie de Vladimir Poutine gagne de plus en plus de terrain au Burkina Faso, au détriment de la France.
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Le ministère français des Affaires étrangères a demandé à ses ressortissants à Ouagadougou, dont le nombre est estimé entre 4000 et 5000, de rester chez eux.
Le coup d'État mené en janvier par le lieutenant-colonel Damiba avait renversé le président élu Roch Marc Christian Kaboré, déjà impopulaire face à la hausse du nombre d'attaques djihadistes.
Menace terroriste
Toutefois, ces derniers mois, des attaques meurtrières qui ont touché des dizaines de civils et de soldats se sont multipliées dans le nord et dans l'est, où des villes sont désormais soumises à un blocage des djihadistes, qui font sauter des ponts à la dynamite et qui attaquent les convois de ravitaillement qui circulent dans la zone.
Deux de ces convois ont notamment été attaqués en septembre avec un bilan lourd à chaque occasion.
Trente-cinq civils, dont de nombreux enfants, sont morts dans l'explosion d'un engin improvisé le 5 septembre. Et lundi, 11 soldats ont été tués et 50 civils portés disparus dans l'attaque de leur convoi.
Le 13 septembre, le lieutenant-colonel Damiba avait limogé son ministre de la Défense pour assumer lui-même ce rôle.

L'instabilité politique et les attaques terroristes ont menacé la paix et la sécurité du pays.
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D'autres attaques ont particulièrement marqué l'opinion publique, comme le massacre de Seytenga en juin, au cours duquel 86 civils avaient été tués.
Depuis 2015, les attaques récurrentes de mouvements armés affiliés aux djihadistes d'Al-Qaïda et du groupe armé État islamique, principalement dans le nord et dans l'est du pays, ont fait des milliers de morts et provoqué le déplacement de quelque deux millions de personnes.