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Les hydrocarbures et la Norvège : un modèle mal compris par Éric Duhaime?

Le chef conservateur Éric Duhaime parle devant son autobus de campagne.

Le chef conservateur Éric Duhaime parle devant son autobus de campagne, samedi, dans la circonscription de Chauveau.

Photo : Radio-Canada / Jacaudrey Charbonneau

Éric Duhaime l’a répété à satiété aux débats des chefs, en conférence de presse et encore à Tout le monde en parle dimanche dernier : il veut développer les hydrocarbures québécois pour renflouer les coffres de l'État et ensuite financer la transition énergétique, comme le fait la Norvège. Une comparaison boiteuse sur plusieurs plans, selon des experts.

Le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime, ne rate aucune occasion de comparer son plan concernant les changements climatiques à celui de la Norvège. Il répète que, comme en Norvège, il souhaite extraire les hydrocarbures et, avec les profits, financer une éventuelle transition énergétique.

Attention, disent des experts, il faut remettre les pendules à l’heure.

La première incongruité, selon Normand Mousseau, professeur de physique et directeur scientifique de l’Institut de l’énergie Trottier, est que la Norvège ne finance pas sa transition énergétique grâce à l’extraction de ses hydrocarbures. Par souci d’équité entre les générations, elle place plutôt les fruits de l’extraction pétrolière et gazière dans un énorme bas de laine destiné aux générations futures.

Le pays scandinave ne dépense pas au fur et à mesure l’argent pour financer le roulement de l’État. Ce que semble vouloir faire Éric Duhaime, qui parle d’une occasion pour enrichir la province et aider à la remettre sur les rails.

Taxer les véhicules polluants

Pour imiter la Norvège, le Québec devrait plutôt augmenter les taxes sur les véhicules à essence et sur les carburants pour ensuite investir les sommes récoltées dans les transports collectifs, croit Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal. En Norvège, plus le véhicule est gros, plus il est taxé.

En contrepartie, les véhicules électriques sont exemptés de taxes, précise le chercheur. Une combinaison gagnante pour accélérer l’électrification des transports. Ce qu’Éric Duhaime refuse catégoriquement de faire. Le chef conservateur souhaite plutôt abolir la taxe fédérale sur le carbone et réduire considérablement la taxe sur l’essence. Ce qui illustre bien son manque de connaissance du cas de la Norvège, ​​selon Pierre-Olivier Pineau.

Ces exemptions de taxes rendent les véhicules électriques très attrayants, sans que l’État norvégien ait à verser directement un montant aux acheteurs ou aux vendeurs de voitures – comme c’est le cas ici – au lieu d’enrichir les concessionnaires avec des fonds publics.

Une citation de Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie, HEC Montréal

Avec ce cocktail de mesures, le parc automobile des pays scandinaves est de 20 % moins énergivore que celui de l’Amérique du Nord.

En Norvège, plus de 71 % des voitures neuves vendues en septembre 2021 étaient équipées d'une batterie, selon le Conseil d’information sur le trafic routier (OFV).

Absence d’acceptabilité sociale

Autre problème de fond, l’acceptabilité sociale. Normand Mousseau rappelle que les hydrocarbures québécois se présentent principalement sous forme de gaz de schiste et que les Québécois ont été très clairs dans le passé : ils ne veulent pas de trous gaziers sur leurs terrains.

On l’a vu il y a une dizaine d'années dans le sud du Québec, les gens n’en voulaient pas. Je ne vois pas comment ça passerait aujourd’hui.

Une citation de Normand Mousseau, professeur de physique et directeur scientifique de l’Institut de l’énergie Trottier

La question se pose moins en Norvège puisque, contrairement au Québec, car la grande majorité des hydrocarbures sont là-bas en haute mer et non dans la cour des gens.

Pierre-Olivier Pineau insiste aussi sur le fait que les gisements québécois ne sont pas aussi faciles à exploiter et aussi rentables que ceux de la Norvège. Il faudrait donc bien évaluer les coûts et les bénéfices d’une telle exploitation.

La réalité canadienne

Par ailleurs, le Québec fait partie du Canada, qui est en train de mettre en place un système de taxes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur du gaz et du pétrole. Le calcul coûts/bénéfices dans ce contexte est d’autant plus important, précise Normand Mousseau.

Afin d'envisager l’exploitation d’hydrocarbures en 2022 au Québec, renchérit le professeur Pierre-Olivier Pineau, il faudrait que le déclin rapide et très strict de la consommation d’hydrocarbures soit planifié et suivi à la lettre. Pour l’instant, selon lui, le Québec n’est pas sur la bonne voie pour démontrer qu’il est capable de réduire sa consommation d’énergie, contrairement à la Norvège.

La Norvège est beaucoup plus responsable que nous, sur le plan fiscal d’abord, mais aussi en consommation d’énergie. Elle consomme 30 % moins d’énergie que le Québec par habitant, explique M. Pineau. Dans tous les secteurs, c’est le cas : en transport surtout, mais aussi en bâtiments résidentiels et commerciaux et dans ses industries. Elle est plus dynamique dans les programmes qui vont réduire davantage sa consommation d’énergie dans l'avenir et elle ne les finance pas avec son argent des hydrocarbures.

Une question d’image avant tout

Pour le stratège en communication Louis Aucoin, le chef conservateur utilise la Norvège parce que les pays scandinaves ont toujours été une référence pour le modèle québécois. Un point de comparaison crédible en raison de la taille de ces pays et de leur inclination plus ou moins sociale-démocrate.

En citant le modèle norvégien, le chef conservateur tente en réalité de transmettre un message bien précis : ''Les valeurs conservatrices sont conformes aux valeurs québécoises et au modèle québécois.'' En répétant ce message, il outille ses militants sur le terrain, conclut Louis Aucoin.

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