Les variants du SRAS-CoV-2 réduisent le nombre de traitements contre la COVID-19

La majorité des traitements à base d'anticorps monoclonaux doivent être administrés par intraveineuse et sont généralement très coûteux.
Photo : Reuters / Hannah Beier
Avec la multiplication des variants du SRAS-CoV-2, le nombre de médicaments disponibles pour traiter et protéger les personnes à risque de complications sévères de la COVID-19 diminue.
Au Canada, six traitements ont été autorisés depuis le début de la pandémie, soit :
Anticorps monoclonaux :
Evusheld (cilgavimab/tixagevimab)
sotrovimab
casirivimab/imdevimab
bamlanivimab
Agents antiviraux :
Paxlovid (nirmatrelvir/ritonavir)
Veklury (remdesivir)
Les anticorps monoclonaux servent à protéger contre une infection ou à traiter une maladie. Par exemple, ils peuvent aider à prévenir la COVID-19 chez les personnes dont le système immunitaire est affaibli ou chez les personnes qui ne peuvent pas recevoir un vaccin.
Par contre, la majorité des anticorps monoclonaux autorisés au Canada ne sont plus efficaces contre les nouveaux variants en circulation.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a récemment indiqué qu’il n’est plus recommandé d’utiliser le sotrovimab et le casirivimab/imdevimab, puisqu’ils ne sont plus considérés comme efficaces contre les différents sous-variants d’Omicron.
Santé Canada précise aussi (Nouvelle fenêtre) que ces deux anticorps monoclonaux présentent un risque élevé d’échec thérapeutique contre Omicron.
Alain Lamarre, professeur et chercheur en immunologie et virologie à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), souligne que certains anticorps monoclonaux fonctionnent encore, mais seulement contre certains variants.
Par exemple, le bamlanivimab est efficace seulement contre le variant Alpha (B.1.1.7).
Une étude préliminaire (Nouvelle fenêtre), qui n’a pas encore été révisée par les pairs, a montré que plusieurs anticorps monoclonaux, dont le bamlanivimab, le casirivimab et l’imdevimab, ne réussissent pas à neutraliser trois sous-variants d’Omicron, soit le BA.4, le BA.5 et le BA.2.75.
Cette étude montre également que si le sotrovimab et le tixagevimab sont moins efficaces contre les sous-variants BA.4 et le BA.5, ces anticorps monoclonaux semblent encore efficaces contre le BA.2.75.
Selon Brian Conway, directeur médical du Centre des maladies infectieuses de Vancouver, Evusheld est l’un des derniers anticorps monoclonaux qui fonctionnent encore bien contre la souche originelle du virus et plusieurs de ses variants.
En ce moment, il est utilisé pour la prévention chez les personnes immunodéprimées peu susceptibles de présenter une réponse immunitaire adéquate après la vaccination et chez celles pour qui la vaccination n’est pas recommandée. Le Dr Conway précise qu’on songe aussi à l’utiliser comme traitement, mais dit qu’Evusheld pourrait lui aussi un jour devenir résistant.
Est-ce qu’Evusheld va toujours fonctionner? Difficile à dire. Si ça ne marche pas, on fait quoi? Depuis le début de la pandémie, aussitôt qu’on pense qu’on sait tout, on réalise qu’on ne sait pas tout.
D’ailleurs, une étude préliminaire (Nouvelle fenêtre) de la Chine, non révisée par les pairs, montre qu'Evusheld semble inefficace contre les variants BQ.1.1 et BA.2.75.2, deux variants pressentis pour devenir dominants à travers le monde au cours des prochains mois.
Pourquoi les anticorps monoclonaux ne fonctionnent-ils plus?

Les anticorps monoclonaux ciblent la protéine de spicule du SRAS-CoV-2, qui agit comme un récepteur et qui permet au virus de s'accrocher aux cellules humaines pour déclencher une infection.
Photo : SickKids
Le Dr Arturo Casadevall, chercheur en maladies infectieuses de la Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health à Baltimore, au Maryland, n’est pas surpris de voir que les nouveaux variants deviennent de plus en plus résistants aux anticorps monoclonaux.
Rappelons que les anticorps monoclonaux ciblent la protéine de spicule du virus de la COVID-19 et peuvent ainsi inhiber la capacité du virus à s'attacher à la cellule de l’hôte et à l’infecter.
Cependant, comme pour les premiers vaccins, les anticorps monoclonaux ont été conçus en fonction de formes ancestrales du virus. M. Lamarre ajoute que les anticorps monoclonaux agissent de façon très spécifique contre le virus. Si le virus mute suffisamment, l’anticorps monoclonal ne sera plus capable de s’attacher à la protéine de spicule et ne pourra pas neutraliser le virus.
Les anticorps monoclonaux sont de merveilleux agents thérapeutiques ayant une efficacité élevée et une faible toxicité, mais ils sont très vulnérables aux changements antigéniques, ajoute le Dr Casadevall.
Le SRAS-CoV-2 est un virus qui évolue rapidement, et nous avons vu que les thérapies par anticorps monoclonaux ne durent qu'un certain temps, jusqu'à ce qu'un nouveau variant émerge.
De nouveaux anticorps monoclonaux peuvent prendre plusieurs mois à se fabriquer, ajoute le Dr Casadevall. Ils refléteront donc toujours le passé
, dit-il, et ces traitements sont généralement très coûteux à développer et à produire, selon lui.
Paxlovid, remdesivir et molnupiravir

Des comprimés de l'antiviral Paxlovid de Pfizer contre la COVID-19.
Photo : Radio-Canada / Cory Herperger
Si les anticorps monoclonaux ne sont plus une option efficace pour prévenir les complications de la COVID-19, le Dr Conway dit que les médicaments antiviraux Paxlovid (nirmatrelvir/ritonavir) et Veklury (remdesivir) demeurent efficaces face aux différents variants.
Ces traitements sont moins sensibles aux mutations, parce qu’ils interfèrent avec le processus de réplication du virus; ils ne ciblent pas un endroit spécifique du virus, comme le font les anticorps monoclonaux, explique M. Lamarre.
Il ajoute qu’ils doivent être administrés dans les cinq premiers jours de l’infection et qu’il existe de nombreuses contre-indications médicamenteuses.
De plus, des chercheurs ont observé que, si le Paxlovid réduisait les hospitalisations chez les personnes de 65 ans et plus d'environ 75 %, il ne semblait pas y avoir de bénéfice mesurable chez les 40 à 65 ans.
Parmi les aînés qui avaient reçu le Paxlovid, le taux d’hospitalisation était de 14,7 cas pour 100 000, comparativement à 58,9 pour 100 000 chez ceux qui n’avaient pas reçu le traitement.
En comparaison, parmi les 40 à 64 ans, le taux d’hospitalisation était de 15,2 hospitalisations pour 100 000 chez ceux qui avaient reçu le Paxlovid, contre 15,8 chez ceux qui ne l’avaient pas reçu.
Chez les plus jeunes, il faut traiter plus de personnes pour voir des bénéfices populationnels. Le bénéfice est moins grand dans une population plus jeune, à moins d’être une personne avec des facteurs de risque importants
, explique M. Lamarre.
Enfin, il faut noter la possibilité de rebond viral avec le Paxlovid – soit la recrudescence des symptômes après la résolution de la maladie aiguë. Il peut arriver des cas où le Paxlovid va réduire de beaucoup la charge virale, mais sans éliminer le virus. À la fin du traitement, il est possible de ne pas avoir éliminé complètement le virus et ça peut causer un rebond
, dit M. Lamarre; il ajoute que ce phénomène est mal compris, mais peu fréquent.
Malgré cela, les trois experts déplorent que le Paxlovid ne soit pas davantage utilisé.
Le public n’est pas conscient que ça existe, dit le Dr Conway. Des professionnels de la santé ne sont pas toujours informés.
En juillet, Radio-Canada rapportait qu’environ 60 000 doses avaient été administrées au Canada. Lundi, CBC révélait (Nouvelle fenêtre) qu’environ 100 000 doses avaient été administrées depuis janvier; soit moins de 15 % des doses envoyées aux provinces.
Enfin, il existe aussi le molnupiravir, la pilule antivirale de Merck. Cette pilule est disponible dans de nombreux pays, mais n’a pas encore été autorisée au Canada, une situation que comprend mal le Dr Conway, d'autant que son efficacité a été démontrée.
L'avenir des traitements

Une fiole de l'antiviral remdesivir
Photo : Associated Press
Oui, la résistance des anticorps monoclonaux est un revers dans la lutte contre la COVID-19, mais les trois experts sont persuadés que de nouveaux traitements seront élaborés.
Une des façons de contourner le problème est d'essayer d'utiliser un cocktail de médicaments, frappant le virus simultanément avec des composés qui ciblent plus d'un mécanisme de réplication. D’ailleurs, les traitements contre le VIH et l’hépatite C combinent des médicaments.
C’est pourquoi le Dr Casadevall pense qu’on pourrait combiner certains traitements contre la COVID-19 pour améliorer leur efficacité. Il précise toutefois qu’il n’y a pas encore de données cliniques autorisant cette stratégie.
M. Lamarre ajoute que plusieurs traitements, qui ciblent la réponse inflammatoire de la maladie plutôt que la protéine de spicule du virus, sont à l’étude. Des chercheurs tentent d’identifier des régions dans le spicule du virus qui sont constantes d’un variant à l’autre. Ç’a l’avantage d’être à l’abri des mutations et des variants.
Le Dr Casadevall croit aussi que les autorités devraient songer à autoriser l'utilisation du plasma convalescent chez les personnes immunodéprimées. Ce traitement consiste à transfuser le plasma de patients guéris de la COVID-19 – le plasma convalescent – à des patients en début de maladie pour leur transférer les anticorps protecteurs. C'est la seule thérapie à base d'anticorps qui s'adapte aux variants, puisque toute personne qui se remet d'une infection possède des anticorps qui neutralisent cette souche.
Selon M. Lamarre, la meilleure façon de ne pas succomber à la COVID-19 est de ne jamais l’attraper
et de se faire vacciner.
Il ajoute que la course aux variants devrait un jour ralentir. Le virus ne peut pas muter continuellement sans conséquences pour sa propre réplication. C’est un équilibre
, dit-il. Il ajoute que le virus devrait finir par s'affaiblir à force de muter, ce qui faciliterait le développement de davantage de traitements. Il précise toutefois que cela risque de prendre encore plusieurs années.