Saint-Henri–Sainte-Anne n’est « jamais gagné d’avance »

Dominique Anglade faisait des appels aux citoyens dans son bureau électoral, le 26 septembre.
Photo : Radio-Canada / John Jaramillo
Sur papier, la cheffe du Parti libéral du Québec (PLQ) Dominique Anglade est en lieu sûr. Depuis que la circonscription de Saint-Henri–Sainte-Anne existe, jamais le PLQ ne l’a perdue. Cette information en cache toutefois une autre : les luttes y sont souvent serrées. Et cette fois, Québec solidaire (QS) ne ménage aucun effort pour faire mentir l’histoire.
Lundi après-midi, ça fourmillait au local électoral de Dominique Anglade, rue Notre-Dame Ouest, dans le quartier Saint-Henri. Une quinzaine de bénévoles faisaient des appels aux citoyens pour s’assurer de leur soutien, le 3 octobre.
Profitant du deuxième jour de vote par anticipation, la cheffe est venue leur prêter main-forte. Pendant environ une trentaine de minutes, elle a enfilé ses habits de candidate locale pour appeler des électeurs.
Ici, il n’y a jamais rien de gagné d’avance
, admet Antoine Poulin, l’organisateur de la campagne locale de Dominique Anglade. C’est toujours très serré et c’est le travail de terrain qui fait la différence
, dit-il.

À son local électoral, Dominique Anglade était heureuse de revoir ses bénévoles.
Photo : Radio-Canada / Alexandre DUVAL
Les statistiques lui donnent raison. Depuis 1994, à quatre reprises, les libéraux ont remporté Saint-Henri–Sainte-Anne avec une marge de moins de 10 points. Longtemps, la menace a été le Parti québécois (PQ). En 2018, Mme Anglade avait obtenu 38 % des voix, soit 15 points devant QS, devenu son principal adversaire.
Cette année, plusieurs observateurs affirment que la machine orange a gagné du terrain. Le parti de gauche mise sur un jeune avocat en droit de l’immigration, Guillaume Cliche-Rivard, pour séduire les électeurs de Saint-Henri–Sainte-Anne.
Signe que QS joue son va-tout, les co-porte-parole Gabriel Nadeau-Dubois et Manon Massé sont venus prêter main-forte à quatre reprises à leur candidat local depuis le début de la campagne, transgressant ainsi une règle non écrite selon laquelle un chef ne fait pas campagne sur le terrain d’un autre chef.
On les laisse faire leur campagne. On fait la nôtre
, laisse tomber une membre de l’équipe de Dominique Anglade qui connaît la circonscription comme le fond de sa poche.
Gabriel Nadeau-Dubois et Manon Massé sont venus dans Saint-Henri–Sainte-Anne. C’est leur choix. Nous, on focalise sur notre campagne, un point c’est tout.
M. Nadeau-Dubois jure que cette stratégie n’a rien à voir avec Dominique Anglade
. Il y a maintenant cinq partis politiques au Québec. On ne fera pas une croix sur quatre comtés à chaque [élection]
, résume-t-il.

Le candidat de Québec solidaire dans Saint-Henri–Sainte-Anne, Guillaume Cliche-Rivard
Photo : Radio-Canada / Benoît Chapdelaine
Ils aiment Dominique
L’organisatrice libérale admet que les temps ont changé, mais soutient que Mme Anglade jouit d’une réputation enviable. Ce n’est plus tant l’appartenance au PLQ qui motive les électeurs de Saint-Henri–Sainte-Anne. Ce qu’on entend, c’est plus qu’ils aiment Dominique
, confie-t-elle.
Comme cheffe du PLQ, les gens de la circonscription l’ont beaucoup plus vue au niveau national
, dit-elle, ce qui aurait renforcé leur sentiment d’appartenance. Quand on fait du porte-à-porte, on sent un engouement.
Dans la rue, le premier électeur croisé par Radio-Canada offre une autre version. Alexis Bonnet, un immigrant d’origine française qui exercera pour la première fois son droit de vote au Québec, ne savait même pas que Mme Anglade était sa candidate locale.
Il l’avait vue au débat des chefs la semaine dernière, assure-t-il, mais sans savoir qu’elle briguait les suffrages dans Saint-Henri–Sainte-Anne. Ça explique pourquoi je ne voyais que sa tête sur les affiches!
M. Bonnet a fait son choix : il votera pour QS. La performance de la cheffe libérale au débat télévisé ne l’a pas convaincu.
Je n’ai pas trouvé qu’elle faisait "cheffe". Ses idées sont bien, mais je vote aussi pour la personne.
Le soutien des anglophones
Ce que représente Dominique Anglade touche bel et bien d’autres électeurs. C’est le cas de Judith Trogoz, une anglophone, fille d’immigrants turcs, qui se sent idéologiquement plus près de QS, mais qui va tout de même voter pour le PLQ.
Je sais qu’elle est une fille d’immigrants
, explique en français Mme Trogoz au sujet de la cheffe libérale. Avec Mme Anglade, ajoute-t-elle, les anglophones peuvent avoir confiance que leurs droits ne seront pas menacés.
Dans une circonscription comme Saint-Henri–Sainte-Anne, où près de 40 % des résidents parlent le plus souvent une autre langue que le français à la maison, il y a fort à parier que Mme Trogoz n’est pas seule à se faire cette réflexion.
Nicolas Leduc, un autre électeur croisé dans la rue Notre-Dame Ouest, n’a rien de vraiment négatif à dire non plus sur la cheffe libérale. Il croit même que Mme Anglade doit batailler plus dur puisqu’elle est une femme. Pauline Marois ne l’a pas eu facile non plus
, souligne-t-il.
Par contre, ce sont les propositions du PLQ qui ne le font pas vibrer. C’est un peu flou. Je trouve que leur message est un peu moins direct. Ils essaient de plaire à tout le monde, mais sans plaire à personne.
Son choix est fait : il votera pour QS.
L’équipe du PLQ ne se met pas la tête dans le sable. Il y a bel et bien des noyaux plus solidaires
dans certains coins de la circonscription, admet une organisatrice.
Contrairement à ses adversaires locaux, Mme Anglade est aussi cheffe, ce qui la force à sillonner le Québec plutôt que de se concentrer sur son comté. Malgré tout, la cheffe libérale était convaincue, lundi, qu’elle était sur la bonne voie.
Je perçois que ça va bien. Les gens sont réceptifs. Les quelques appels que j'ai pu faire, les quelques rencontres que j'ai pu avoir ont été très positives. Les fois où on est venus dans le comté, ça a bien été
, a-t-elle conclu.
Les candidats des principaux partis dans Saint-Henri-Sainte-Anne
- CAQ : Nicolas Huard-Isabelle
- PLQ : Dominique Anglade
- QS : Guillaume Cliche-Rivard
- PQ : Julie Daubois
- PCQ : Mischa White