Les jeunes Autochtones surreprésentés en protection de l’enfance, surtout au Manitoba

Un peu plus de 90 % d'environ 10 000 enfants placés au Manitoba sont Autochtones, d'après le rapport annuel de 2020-2021 publié par le ministère provincial des Familles.
Photo : Radio-Canada / Chantal Dubuc
Selon les dernières données publiées par Statistique Canada, les enfants autochtones continuent d'être surreprésentés dans les services de protection de l'enfance. Une mère autochtone ayant perdu la garde de son enfant à 17 ans témoigne.
Je ne sais pas si je peux guérir de ce traumatisme
, dit cette dernière, aujourd'hui âgée de 41 ans, dont La Presse canadienne préserve l'anonymat en raison de la relation entre sa famille et les services de protection de l'enfance.
« Quand on nous retire la garde de son bébé dès sa naissance, le lien est brisé. »
Les données du recensement de 2021 de Statistique Canada démontrent que les enfants autochtones représentent 53,8 % de tous les enfants placés, alors qu'ils ne comptent que pour 7,7 % des enfants de moins de 14 ans au Canada.
Au Manitoba, ce chiffre grimpe à un peu plus de 90 % parmi les près de 10 000 enfants placés, selon le rapport annuel de 2020-2021 publié par le ministère provincial des Familles.
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Briser le cycle
Le système de protection de l'enfance fait partie de la vie de la mère de famille winnipégoise depuis sa naissance. Certains de ses frères et sœurs ont été enlevés à leur mère, qui était une survivante des pensionnats pour Autochtones et de la rafle des années 60.
Des années plus tard, quand la Winnipégoise s'est elle aussi retrouvée dans le système et qu'elle est tombée enceinte de son quatrième enfant, elle a décidé de briser le cycle.
Elle a fait appel à des militants et à des groupes de parents des Premières Nations pour renouer avec sa culture.
« Le fait d'apprendre à connaître ma culture et mes traditions m'a vraiment sauvée. »
Elle s'occupe aujourd'hui de sa petite-fille et de son fils de 4 ans. J'ai vraiment guéri. J'ai appris à bien gérer les deuils et les pertes
, précise-t-elle.
La Winnipégoise ajoute que, même si le système de protection de l'enfance s'est amélioré, grâce à l'intervention des autorités et des travailleurs sociaux des Premières Nations, il reste des problèmes à résoudre. [Le processus] devrait tout faire pour aider les familles à rester unies et soutenir les parents
, dit-elle.
« Des attaques intergénérationnelles »
Directrice générale du centre familial autochtone Carrier Sekani Family Services, en Colombie-Britannique, Mary Teegee affirme que plusieurs générations d'enfants ont été enlevées à leurs familles avec les pensionnats pour Autochtones et la rafle des années 60.
Elle ajoute qu'ils ont été élevés sans le soutien de leurs familles, de leur culture ou de leurs communautés, ce qui a contribué à des problèmes de dépendances et de santé mentale.
Ce n'est pas parce que les Autochtones ne peuvent pas prendre soin de leurs enfants. C'est à cause des attaques intergénérationnelles contre les structures familiales et nationales
, estime Mme Teegee.
De son côté, Cora Morgan, protectrice des enfants autochtones du Manitoba, dit que, sans des investissements suffisants en prévention et en soutien, les réformes gouvernementales ne peuvent pas s'attaquer aux racines du problème.
En ce moment, le gouvernement dicte la manière dont les choses vont se dérouler [...] Il doit y avoir plus de liberté pour que nos nations puissent ramener leurs enfants chez eux
, soutient-elle.
Le gouvernement fédéral de Justin Trudeau a légiféré en 2020 pour renforcer le droit des Premières Nations, des Inuit et des Métis à exercer leur autorité en ce qui concerne les services de protection de l'enfance, dans le but de réduire le nombre d'enfants autochtones placés.
Services aux Autochtones Canada note que, au mois de juillet, 37 groupes autochtones avaient signifié leur intention d'exercer seuls cette autorité et que 27 comptaient élaborer des ententes de coopération avec un gouvernement provincial ou le gouvernement fédéral.