Le métavers, l’Internet de demain
Immersion dans un monde parallèle.
Photo : Radio-Canada
Le métavers n’existe pas vraiment. Pourtant, tout le monde en parle. Pour Facebook, rebaptisé Meta, le métavers, c’est l’Internet de l'avenir, rien de moins.
Ce nouvel eldorado est en construction. Et les géants du web investissent des milliards pour être les premiers à établir ses fondations et ses règles.
Le passeport pour accéder à ce monde parallèle, c’est le casque de réalité virtuelle. L’immersion proposée va tromper le cerveau.
Ce monde est rempli de promesses. On dit que c’est là où nous irons nous divertir, travailler, consommer et même interagir avec nos proches.
« Ça va être un espace d'innovation incroyable. Toutes les sphères de nos vies vont avoir une vitrine sur le métavers, que ça soit le monde du travail, les commerces qu'on fréquente, la société civile. Tout ça va avoir un espace dans le virtuel ainsi qu'un espace dans le réel. »
Un mélange techno
Rapidement, on comprend que le métavers est un mélange de technologies existantes : réalité virtuelle, réalité augmentée, immersion 3D, etc.
Sur cette plateforme en devenir, on plonge littéralement dans une expérience immersive et interactive. C’est un monde ludique peuplé d’avatars.
« Ce qu'on est en train de créer, c'est beaucoup pour Monsieur et Madame Tout-le-Monde. La quantité et la qualité des expériences vont toucher toutes les sphères d'intérêt. Au tout début d’Internet, c'était surtout les gens en informatique qui s'y intéressaient. Et puis, ça s'est démocratisé. »
Dans ce monde, rien n’est statique. L’avatar n’est pas spectateur. Il interagit avec son environnement, avec les autres aussi.
« C’est ça, la grande nouveauté : c'est que non seulement on peut interagir, mais on peut aussi vivre des expériences 3D, interagir avec notre environnement, avec nos amis ou nos collègues. »
L’avatar crée son propre environnement. Sa maison, par exemple. Il la décore selon ses goûts. Il appose sur son mur une œuvre d’art. Il peut même acheter une table virtuelle dont le design a été conçu par un vrai artiste. Bref, à sa façon, il donne vie à son chez-lui virtuel.
Des jeux et des profits
Mais LA promesse du métavers, c’est le divertissement. On l’oublie, mais le jeu vidéo, c’est une industrie monstre. Presque trois milliards de joueurs. Imaginez participer à un concert immersif à 360 degrés, à un spectacle qui réunit cinq millions d’admirateurs, dont vos meilleurs amis. Tout le monde est aux premières loges.
Si le métavers est un projet techno, c’est aussi un projet mercantile dont les entreprises veulent tirer profit.
La majorité des biens de consommation se retrouvera dans le métavers. D’ici cinq ans, 70 % des grandes marques y seront présentes. Il sera possible d’habiller son avatar de chaussures à la mode ou de vêtements griffés. Il est désormais possible d'acheter un lopin de terre virtuel pour y bâtir sa maison. Mais dans tous les cas, il faudra sortir de vrais dollars.
« Tout ça sert à faire du profilage. Profilage publicitaire, mais aussi ciblage des offres. En vous connaissant très bien, on pourra savoir à quel moment vous proposer telle chose à acheter ou telle offre. C’est de la manipulation pour augmenter le comportement d'achat. »
Le métavers sera plus qu’un univers qui en mettra plein les yeux. Grâce aux vêtements intelligents, un gant par exemple, il sera bientôt possible de percevoir la texture des objets virtuels. Comme si on les touchait pour de vrai. Il sera même possible de ressentir le câlin donné par un autre avatar.
« On a des capteurs tactiles, par exemple, qui ont plusieurs milliers de minicapteurs à l'intérieur et qui nous donnent un petit peu les pixels du toucher, qui nous permettent de sentir toutes sortes de surfaces avec beaucoup, beaucoup de précision. »
L'intelligence artificielle
Le métavers promet de déjouer tous les sens. Et pour repousser ses limites, on fera appel à l’intelligence artificielle. C’est elle qui donnera aux objets et aux avatars leur air naturel.
« Pour réellement plonger dans une nouvelle expérience, il faut que celle-ci soit reproduite de façon crédible pour nos sens. Il faut que l'algorithme soit capable de générer, par exemple, les conditions des passants qui se promènent autour de vous. Votre avatar doit pouvoir se promener avec eux à la bonne vitesse. »
L'intelligence artificielle offrira du réalisme à ce monde virtuel, mais il animera aussi le comportement de certains avatars, ceux générés par ordinateur. Des créations qui pourraient poser problème.
« On va, avec l'IA, pouvoir avoir des avatars qui vont détecter nos émotions et modifier leurs comportements. Donc, il y a là un pouvoir très fort de manipulation de nos décisions. »
Manipulation : le mot revient souvent chez les spécialistes du métavers.
« Beaucoup de chercheurs travaillent sur les mécaniques de dépendance. On sait très bien ce qui fonctionne. Et donc, il pourrait y avoir des balises très claires qui diraient : cette mécanique n'est pas permise parce qu'elle a des effets négatifs. »
Fuir la réalité
À tort ou à raison, certains craignent que ce futur monde soit si stimulant qu’il devienne un refuge pour fuir la réalité. La professeure Laurence Devillers croit que les gens n’ont pas conscience de ce danger.
« Je pense qu'il y a un risque réel qu'il ne faut pas sous-estimer. C'est une vie parallèle. Le risque, c'est de la dépendance et de l’isolement, mais également le risque d'une vulnérabilité plus forte, mentale et physique. L'immersion va nous mettre dans une situation où l’on ne pourra plus discerner la réalité physique de la réalité immersive. »
Marc Petit est plus optimiste : Effectivement, si on s'isole de la réalité pour aller vers un monde meilleur, ça va poser des gros problèmes de société, mais je n'y crois pas. Peut-être que je suis trop optimiste. Je pense que ça va être fabuleux pour tout le monde.
Laurence Devillers précise : Je pense qu'on va avoir des innovations extrêmement utiles, mais pour que ce soit utile, il faut se préserver des dangers, qu’il faut anticiper.
Le far west virtuel
En ce moment, le métavers est une terre sans balises ni encadrements… comme à l’époque où l'Internet prenait forme. Et Laurence Devillers s’en inquiète. Les citoyens en général, dans ces univers virtuels, arrivent vraiment sans défense. Je pense qu'il manque fortement d'éducation sur ces sujets. Et c'est pour cela que je réclame des règles au sein du métavers.
Même son de cloche du côté de Maude Bonenfant : Les entreprises privées prennent le devant, imposent les manières de faire, les modèles économiques, les règles. Ce n'est pas le fait d'aller dans un métavers qui va être le problème. Ça va être certaines pratiques. Certaines mécaniques. Certains modèles économiques.
« Mon plus grand souhait dans 20 ans, c'est qu'on ait réussi à avancer à la même vitesse sur les plans technologique et social. »
Y aura-t-il un ou plusieurs univers? Pourrons-nous passer d’un monde à un autre? Le métavers est en devenir…
Il est déjà possible de vivre certaines expériences qui, selon plusieurs experts, donnent un avant-goût réussi de ce que pourrait offrir cette nouvelle dimension.
Le reportage de Danny Lemieux et de Christine Campestre est diffusé à l'émission Découverte le dimanche à 18 h 30 sur ICI Radio-Canada Télé.