Quel sera l’impact de la COVID-19 et de l’influenza cet automne et cet hiver?
Comment évoluera la pandémie de COVID-19 au cours des prochains mois? Et quel impact additionnel aura l’influenza? La réponse n’est pas tout à fait claire, mais les experts expliquent les différents scénarios possibles.

Santé Canada a autorisé une nouvelle mouture du vaccin de Moderna comme dose de rappel. Les vaccins contre la COVID-19 offerts jusqu'à présent ciblaient uniquement la souche originelle du virus, tandis que le vaccin bivalent est conçu pour mieux reconnaître le sous-variant Omicron BA.1.
Photo : (Evan Mitsui/CBC)
Si on observe en ce moment une certaine stabilisation des nouvelles infections de COVID-19, Benoit Barbeau prévient que la pandémie n’est pas terminée et qu’il faut demeurer vigilant. « On ne sait pas ce qui se passera à l'automne, mais j'espère que ça sera de bon augure. Mais la partie n’est pas totalement gagnée », dit le professeur au Département des sciences biologiques de l'UQAM et spécialiste en virologie.
Contrairement à l’année dernière, il n’y a plus de mesures sanitaires en place, rappelle M. Barbeau. Lorsque les températures vont descendre, les gens seront plus à l’intérieur, on doit s’attendre à une augmentation des cas.
Selon Marc Brisson, directeur du Groupe de modélisation COVID-19 de l'Université Laval et de l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), qui a récemment publié des scénarios hypothétiques (Nouvelle fenêtre) de l’évolution de l’épidémie, plusieurs facteurs détermineront à quel point la COVID-19 aura un impact au cours des prochains mois, dont le type de variant en circulation et le maintien de l’immunité hybride, soit l’immunité acquise par une infection chez une personne vaccinée.
Sommes-nous protégés par cette dernière vague?
M. Barbeau croit que le fait qu’autant de personnes aient été infectées et vaccinées au cours des derniers mois réduit les risques d’une nouvelle vague importante tôt cet automne.
Si le gouvernement a officiellement recensé moins de 1500 cas par jour cet été, l'INSPQ estime (Nouvelle fenêtre) qu’entre 3,3 millions et 4,6 millions de Québécois ont été infectés depuis mai. Environ un million de Québécois ont été infectés juste en août et en septembre.
Selon le rapport de l'équipe de M. Brisson, en date du 1er juin (avant la dernière vague estivale), on estime que 65 % de la population présentait une immunité hybride; 15 % avaient une immunité naturelle (population non vaccinée, infectée); et 15 % avaient une immunité vaccinale (population vaccinée, non infectée). Moins de 5 % de la population n’a jamais été vaccinée ni infectée.
Une infection permet de renforcer son immunité acquise par un vaccin, mais M. Brisson explique qu’il est encore difficile de dire avec certitude pendant combien de temps ces gens sont réellement protégés par cette immunité hybride. Cette protection diminue avec le temps – surtout face à l'infection et au risque d’hospitalisation
, rappelle-t-il.
Il y a trois mois, l’immunité hybride [observée par l’INSPQ chez des travailleurs de la santé] était très forte. Est-ce qu’on a une baisse graduelle depuis ce temps? Il faut surveiller cet élément.
Au fur et à mesure que l’immunité des gens diminue, les cas de réinfection dans un court laps de temps seront probablement plus fréquents, prévient M. Barbeau.
Avant l’arrivée d’Omicron, on affirmait qu’une réinfection était rare avant 90 jours. La présence de plusieurs sous-variants fait en sorte qu’une personne peut être infectée plusieurs fois par une version différente du virus dans un court laps de temps. On a vu des personnes réinfectées après quatre semaines
, précise-t-il.
Par ailleurs, de nombreuses personnes ont reçu leur dernière dose du vaccin il y a plus de cinq mois, ce qui pourrait avoir un impact sur l'évolution de la pandémie. Seuls 23 % des Québécois ont actuellement une couverture vaccinale contre la COVID à jour, selon le ministère de la Santé et des Services sociaux.

Au Québec, il est possible de se procurer gratuitement une boîte d'autotests par mois dans une pharmacie.
Photo : La Presse canadienne / Jeff McIntosh
Si la situation semble se stabiliser depuis quelques semaines, le nombre de cas et de décès demeure très élevé comparativement à pareille date l’année dernière, prévient M. Barbeau. Toute nouvelle recrudescence pourrait certainement avoir un impact prononcé, dit-il.
C’est aussi ce qu’écrit Patricia Hudson, directrice scientifique de la Direction des risques biologiques à l’INSPQ, dans le rapport préparé avec M. Brisson.
Même si les nouveaux variants sont moins sévères, le nombre important de cas pourrait causer des perturbations importantes dans la société et des pressions sur le système de santé.
D’ailleurs, rappelons que le nombre très élevé d'infections par Omicron a mené à un nombre significatif de décès. Par exemple, du 1er août au 15 septembre 2022, près de 700 Québécois sont morts de la COVID-19. En comparaison, pendant cette même période, il y a eu 84 décès en 2020 et 49 en 2021.
Dans les scénarios étudiés par M. Brisson, si l’immunité hybride se maintient, l’impact d’une nouvelle vague causé par un variant semblable à BA.4 et BA.5 pourrait être limité.
Advenant une perte d’immunité (naturelle, vaccinale ou hybride), une recrudescence des cas et hospitalisations pourrait survenir.
Si un nouveau variant échappe à l’immunité hybride, le nombre de cas pourrait surpasser celui de la vague Omicron et entraîner un nombre important d’hospitalisations.
Les variants à surveiller
Pour l’instant, il est encore difficile de dire avec certitude quel variant prendra la place du BA.4 et du BA.5 qui dominent actuellement à travers le monde. Un des variants en circulation deviendra-t-il dominant? Ou verra-t-on apparaître un autre variant, comme ce fut le cas avec Omicron?
Ce qui sera déterminant, c’est à quel point ce nouveau variant sera différent de BA.4 et de BA.5. Si ces sous-variants sont suffisamment différents, ils pourraient mener à une nouvelle hausse des infections assez importante.
On surveille notamment le BA.4.6. Au Royaume-Uni, la proportion de cas causés par ce sous-variant est passée de 3,3 % à près de 10 % en un mois. Ce même variant représente actuellement 10 % des cas aux États-Unis. Au Québec, il représente près de 20 % des nouveaux cas.
Les premières données montrent que le BA.4.6 n’est pas plus sévère que le BA.4 ou le BA.5, mais qu’il serait encore plus transmissible et plus habile à échapper à la protection immunitaire.
Une étude préliminaire (Nouvelle fenêtre) qui n’a pas encore été révisée par les pairs a par ailleurs montré que les traitements d’anticorps monoclonaux semblent moins efficaces contre le BA.4.6.
De plus, cette semaine, l'OMS (Nouvelle fenêtre) a recommandé de ne plus utiliser deux autres traitements d’anticorps monoclonaux – le sotrovimab et le casirivimab/imdevimab – puisqu’ils ne sont plus considérés efficaces contre les différents sous-variants d’Omicron.
Un autre sous-variant d’Omicron, le BA.2.75 (Nouvelle fenêtre), est responsable de hausses d’infections, notamment en Inde, et a été détecté dans une vingtaine de pays. S’il ne s’est pas encore propagé significativement à travers le monde, les scientifiques le surveillent, puisqu’il est plus transmissible que le BA.5 et semble causer davantage de réinfections.
Se préparer à une forte saison d’influenza
Chaque année, les pays de l’hémisphère Nord observent la saison d’influenza dans l’hémisphère Sud pour avoir une meilleure idée de ce qui nous attend et pour adapter les vaccins aux souches en circulation.
Cette année, l’Australie a connu (Nouvelle fenêtre) sa plus forte saison d’influenza depuis les cinq dernières années. La saison a aussi débuté plus tôt. Ce sont majoritairement les jeunes enfants qui ont été infectés. Par contre, les complications sévères ont été observées davantage chez les aînés. Le pays rapporte 295 décès liés à l’influenza et l’âge médian des personnes décédées était de 82 ans.

Nombre de cas d'influenza en Australie. La ligne en rouge représente l'année 2022.
Photo : Département de santé de l'Australie
C’est pour cette raison que le gouvernement du Québec a choisi de devancer sa campagne de vaccination contre l’influenza. On recommande fortement aux aînés et aux personnes vulnérables de recevoir un vaccin. Il est possible d’obtenir un vaccin contre la COVID-19 en même temps que le vaccin contre la grippe.
M. Barbeau rappelle qu’il est possible d’être infecté successivement par la grippe et la COVID-19 et qu’il est possible qu’une personne soit infectée en même temps par la COVID-19 et par l’influenza. Un vaccin contre la COVID-19 ne protège pas contre l’influenza.
Peut-on distinguer les deux virus?
Oui, les deux virus causent des symptômes semblables, dit M. Barbeau, mais il demeure important de se tester pour la COVID-19. Il s’agit de la seule façon de distinguer avec certitude les deux virus et les autotests demeurent un outil important, dit-il.
Une étude publiée cette semaine dans le British Medical Journal (Nouvelle fenêtre) montre que l’efficacité des autotests pour la COVID-19 diminue d’environ 80 % à environ 70 % pour le variant Omicron. Toutefois, les personnes qui prennent un échantillon non seulement dans le nez, mais également dans la gorge et les joues, voient l’efficacité de l’autotest revenir à près de 80 %. C’est d’ailleurs ce que recommande le gouvernement du Québec depuis plusieurs mois.

Afin d’augmenter les chances de détecter le virus, on recommande de frotter l’intérieur de chaque joue pendant au moins 5 secondes avant de procéder au prélèvement dans les deux narines.
Photo : AFP / PATRICK T. FALLON
Il recommande que les personnes qui n'ont pas eu de dose de vaccin contre la COVID-19 depuis plus de cinq mois aillent chercher une nouvelle dose.
M. Barbeau rappelle que toute personne qui a des symptômes ressemblant à la grippe ou à la COVID-19 devrait prendre des précautions comme porter un masque en public et rester à la maison.
Ce n’est pas une question d’être alarmiste, mais d’avoir une conscience. Il faut poser des gestes pour éviter qu’on soit une source de transmission. Le virus [de la COVID-19] est moins actif en ce moment, mais on ne veut pas lui donner un élan qui pourrait nous amener vers une autre vague plus difficile que les précédentes.
Enfin, M. Barbeau croit qu’il faut davantage parler de s’adapter au virus que de vivre avec le virus
.
Le virus continue de s’adapter et nous devons le faire aussi, en fonction de ce que le virus nous donne
, dit-il, en ajoutant qu’un jour le virus devrait devenir plus stable, comme c’est le cas avec la grippe.