In Her Hands, un documentaire au TIFF « pour ne pas oublier l’Afghanistan »

Le documentaire « In Her Hands » suit les traces Zarifa Ghafari, jeune femme mairesse en Afghanistan.
Photo : Netflix
Présenté en première mondiale au Festival international du film de Toronto (TIFF), le documentaire In Her Hands suit les traces de Zarifa Ghafari, jeune mairesse afghane, alors que son pays retombe sous l’emprise des talibans.
Zarifa Ghafari avait 26 ans lorsqu’elle est devenue mairesse de Maidan Shar, capitale de la province de Wardak, près de Kaboul. En choisissant de placer cette jeune politicienne au centre de leur documentaire, la journaliste et cinéaste afghane Tamana Ayazi et le réalisateur allemand Marcel Mettelsiefen (connu pour son travail au Moyen-Orient) voulaient au départ raconter l’histoire d’une génération de femmes qui se battent pour un changement en Afghanistan.
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Cette jeune génération, incroyable, de femmes autonomes qui essayaient de changer le pays, mais qui en même temps faisaient face à tant de défis - sur le plan de la sécurité - et confrontées à une mentalité et un contexte conservateur, même au sein de leurs familles
, décrit Marcel Mettelsiefen.
Le film n’est pas une biographie, mais plutôt le récit d’une tranche de la vie de Zarifa. Lorsque le tournage commence début 2020, les États-Unis sont en pleins pourparlers avec les talibans en vue du retrait de leurs troupes du pays.

Les réalisateurs Tamana Ayazi et Marcel Mettelsiefen étaient de passage à Toronto pour présenter leur documentaire « In Her Hands ».
Photo : Radio-Canada / Mehrdad Nazarahari
Dans les mois qui suivront, et jusqu’à la chute de Kaboul en août 2021, les deux réalisateurs accompagneront la jeune femme au quotidien, montrant les transformations dans le pays ainsi que son propre destin tragique : elle survit à trois tentatives de meurtre, son père est assassiné.
Lorsque Kaboul tombe, elle devra fuir vers l’Allemagne, tout comme la réalisatrice Tamana Ayazi qui explique qu’elle a tenu à emporter avec elle ce projet de film.
Je crois que c’était important de raconter cette histoire au monde et de montrer ce qui se passe en Afghanistan. C’est encore un traumatisme pour nous, mais c’était important de documenter ce que nous avons traversé
, confie-t-elle.
Quand les gens me demandent ce que j’espère pour le film, je dis que je souhaite que le monde n’oublie pas les Afghans restés en Afghanistan, et ceux qui ont dû fuir et devenir réfugiés.
Un pays divisé
Le documentaire est aussi basé, en parallèle, sur des entrevues avec des talibans. Un choix controversé que les deux réalisateurs défendent.
Nous n’avons jamais voulu humaniser les talibans, ou les justifier. Nous voulions simplement comprendre ce qui se passait dans le pays, soutient Tamana Ayazi. Et on ne pouvait pas ignorer le fait que les talibans étaient là et avaient leurs propres territoires, étaient en position de pouvoir dans plusieurs provinces, villages et districts.
Il y a ce mot, "taliban". Mais qui sont-ils?
, questionne Marcel Mettelsiefen, affirmant avoir voulu représenter dans le film deux visions d'un pays divisé
.
À la recherche d’un plus grand public
Après son passage au TIFF, le film doit sortir sur la plateforme de diffusion Netflix en novembre. Parmi ses producteurs exécutifs, deux noms risquent d’attirer l’attention : Hillary et Chelsea Clinton.
L’ancienne secrétaire d'État et ex-candidate à la présidence des États-Unis et sa fille étaient présentes lors de la première torontoise, où elles ont prononcé quelques mots d’introduction, soulignant que cette histoire presque inimaginable
est celle de tant d’autres femmes
.
Zarifa Gharifa, elle aussi à Toronto pour le festival, y a découvert pour la première fois le documentaire sur grand écran. Après deux ans et demi, lui montrer le film à elle et sa famille, c’était délicat. Il y a tant d’attentes […]. Tout le monde a pleuré, c’était intense
, raconte Marcel Mettelsiefen.

De gauche à droite, Marcel Mettelsiefen, Zarifa Ghafari, Tamana Ayazi et Thom Powers (programmateur au TIFF), lors de la première du film « In Her Hands » à Toronto.
Photo : Radio-Canada / Camille Gris Roy
Les coréalisateurs souhaitent en tout cas que la conversation ne s’arrête pas là. C’est un sujet politique, dans une langue étrangère. Un documentaire sur quelqu’un qui n’est pas connu de 99 % de la planète, note Marcel Mettelsiefen. Aborder un contexte politique complexe tout en essayant de le transposer en voyage, et sur le plan émotionnel, pour qu’un public étranger puisse s’identifier, c’est un défi pour des cinéastes.
La pandémie, l’Afghanistan, l’Ukraine... Il y a tellement de choses qui se passent. Et il y a aussi une certaine fatigue des catastrophes. Je crois que c’est une situation commune et compréhensible, mais c’est d’autant plus important de trouver d’autres façons de raconter ces histoires.
Pendant ce temps, l’une des pires crises humanitaires au monde continue de ravager l’Afghanistan, et les droits des femmes continuent d’être drastiquement entravés, rappelle Tamana Ayazi. Mais des femmes et des filles afghanes sont dans la rue pour protester
, ajoute-t-elle.
Elles livrent un vrai combat à Kaboul et dans d’autres provinces. Et ça me donne espoir. On n’abandonnera pas. Mais on a aussi besoin que le monde nous soutienne.