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La gestion de la pandémie, « un échec massif mondial », selon des experts

Un homme marche devant une murale représentant une travailleuse de la santé.

Un homme marche devant une murale représentant une travailleuse de la santé dans la rue Rideau à Ottawa, en 2021.

Photo : Radio-Canada / Andrew Lee

À l’échelle mondiale, la réponse à la pandémie de COVID-19 a été une succession d’« échecs mondiaux massifs », écrit un groupe d’experts dans un nouveau rapport publié dans The Lancet mercredi. Ils avertissent que sans coopération mondiale, la pandémie risque de perdurer.

Ce rapport est le fruit de deux ans de travail d’une commission établie par le journal The Lancet (Nouvelle fenêtre)composée de 28 experts mondiaux en politique publique, gouvernance internationale, épidémiologie, vaccinologie, économie, finance internationale et santé mentale.

Une centaine d'autres experts ont contribué à la rédaction de ce rapport hautement critique de la gestion pandémique, et ce, sur tous les plans et dans la plupart des pays.

Ces chercheurs, qui s’appuient sur près de 500 études et rapports, font le constat d'une situation où les échecs ont succédé aux échecs sur les plans de la prévention, de la transparence, de la prise de décisions rationnelles, de la mise en place de mesures de santé publique de base et de la coopération en matière de solidarité internationale.

Le bilan faramineux des décès au cours des deux premières années de la pandémie de COVID-19 est une profonde tragédie et un échec de société massif sur plusieurs plans, a déclaré Jeffrey Sachs, président de la commission et professeur à l'Université Columbia.

COVID-19 : tout sur la pandémie

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Une représentation du coronavirus.

Nous devons faire face à de dures vérités : trop de gouvernements n'ont pas respecté les normes fondamentales de rationalité et de transparence institutionnelles; trop de personnes ont protesté contre les mesures de base en matière de santé publique, souvent influencées par la désinformation; et trop de nations ont échoué à promouvoir une collaboration mondiale pour maîtriser la pandémie, déplore M. Sachs.

Un échec collectif sur tous les plans

Le rapport dresse la liste de dix erreurs majeures qui ont contribué à ce que la pandémie perdure plus de deux ans, dont :

  • un délai trop long avant l’annonce des premiers cas de COVID-19;

  • une reconnaissance tardive du fait que le virus se transmet par aérosols;

  • un manque de coordination entre pays;

  • un échec des gouvernements à adopter les meilleures pratiques sanitaires;

  • un manque de données;

  • une incapacité à combattre la désinformation.

Les auteurs affirment que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a agi trop prudemment et trop lentement sur plusieurs enjeux importants, notamment la reconnaissance du mode de transmission aérienne du virusla recommandation du port du masque, la déclaration d’un état de pandémie et la publication de protocoles de voyages internationaux.

Ils notent toutefois que le travail de l'OMS a été grandement affaibli par certaines interventions politiques. Ils citent en exemple la menace des États-Unis de se retirer de l’OMS et les tensions entre la Chine et les États-Unis à propos de l’origine du virus comme éléments qui ont ralenti et influencé les actions de l’organisation. Cela a également contribué à miner la crédibilité de l’organisation auprès du public.

Le logo de l'Organisation mondiale de la santé au siège social européen de l'ONU, à Genève.

La réaction de l'OMS à la pandémie fera l'objet d'une évaluation indépendante.

Photo : Reuters / Denis Balibouse

La majorité des gouvernements ont eux aussi tardé à reconnaître l’importance du virus et ont été trop timides dans leurs interventions, écrivent les auteurs.

Seules les régions du Pacifique occidental, y compris l'Asie de l'Est et l'Océanie, qui ont connu par le passé d’autres épidémies de maladies respiratoires graves, ont réagi avec urgence et ont adopté des stratégies dans le but d’éliminer le virus. Ces régions ont généralement connu une mortalité moins importante (environ 300 par million de personnes, comparé à 4000 par million de personnes en Europe et dans les Amériques) et des impacts économiques moins considérables.

Si tous les pays avaient choisi des stratégies de suppression [au début de la pandémie], il aurait été possible d'arrêter la maladie sans avoir recours à des fermetures et à des confinements prolongés et à l’arrêt des voyages internationaux, indique le rapport.

Dans bien des cas, la réponse de plusieurs gouvernements a été davantage guidée par des considérations politiques et administratives que par des recommandations d'experts de la santé, ajoutent les chercheurs. Dans de nombreux cas, les politiques et la prise de décision n'ont pas été éclairées par des synthèses de preuves mises à jour en permanence, écrivent-ils.

Le rapport indique que, trop souvent, les gouvernements ont adopté des mesures moins strictes ou ont relâché les restrictions simplement parce qu’ils ont imité d’autres pays pour éviter la grogne populaire. Parfois aussi, ils ont imposé des mesures sans tenir compte des effets sur d'autres pays ou régions ou provenant de ces derniers.

Les gouvernements auraient dû fournir davantage de soutien pour que le public puisse adhérer aux mesures sanitaires, ce qui inclut :

  • le déploiement de tests de haute qualité, facilement accessibles et abordables;

  • des sites où s'isoler pour ceux qui ne peuvent pas le faire à la maison;

  • un soutien financier pour les personnes en isolement;

  • l'imposition de normes de qualité de l’air au-delà des normes de base encourageant l’utilisation de meilleurs systèmes de filtration et de ventilation;

  • une vaccination gratuite et facilement accessible.

Un manque de collaboration et de coordination internationale

Une approche coopérative était nécessaire, mais a été peu adoptée, déplorent par ailleurs les auteurs. Personne n'est en sécurité jusqu'à ce que tout le monde le soit est un concept épidémiologique qui a été généralement ignoré.

D'ailleurs, plus d’un an après le début de la campagne de vaccination contre la COVID-19, seulement une personne sur sept dans les pays à faible revenu a été vaccinée, comparativement à une personne sur quatre dans les pays à revenu élevé. Cela augmente non seulement le nombre d’infections à l'échelle mondiale, mais aussi le risque qu’un nouveau variant surgisse.

Les auteurs jettent en outre une part du blâme sur le public : Le contrôle de la pandémie a été sérieusement entravé par l’opposition publique aux mesures sanitaires, comme le port de masques et la vaccination.

Cette opposition a eu trop d’influence sur les décisions politiques, peut-on lire dans le rapport. Les auteurs ajoutent que la faible littératie scientifique, l'incohérence des décisions gouvernementales et les vastes campagnes de désinformation sur les réseaux sociaux ont amplifié cette opposition.

Les politiciens auraient dû avoir davantage recours aux recommandations des experts en sciences comportementales pour s’assurer que le public adhère aux mesures sanitaires, croient les auteurs du rapport.

Des millions de morts évitables

Au loin, un homme marche dans un océan de petits drapeaux plantés au sol.

À Washington, un homme marche dans le mémorial pour les Américains décédés de la COVID-19. Les États-Unis ont rapporté plus d'un million de décès depuis le début de la pandémie.

Photo : Reuters / LEAH MILLIS

Tous ces échecs ont eu un effet dévastateur et ont causé des millions de décès évitables, indique le rapport.

L'Institute for Health Metrics and Evaluation (IHME) estime que le bilan des morts dans le monde est au moins deux fois plus élevé que les 6,9 millions de morts rapportés au 31 mai 2022.

L’IHME pense par ailleurs que 4,3 milliards de personnes, ou 54 % de la population mondiale, ont été infectées seulement entre le 1er décembre 2021 et le 31 mai 2022.

On estime aussi que de 100 000 à 200 000 Américains ont perdu la vie en raison de la COVID-19 après avoir refusé d’être vaccinés.

Vers la fin de la pandémie

Un enfant lève sa manche pour montrer un pansement après avoir reçu un vaccin contre la COVID-19 à Vancouver, le lundi 29 novembre 2021.

Plus de 12,66 milliards de doses de vaccin contre la COVID-19 ont été administrées dans le monde. Dans les pays à faible revenu, seulement 21 % de la population a reçu au moins une première dose.

Photo : Radio-Canada / Maggie MacPherson

Seule une meilleure coopération multilatérale mettra fin à la pandémie, affirment les auteurs. Ils préviennent que le risque qu’un nouveau variant apparaisse demeure élevé et qu'il existe des incertitudes quant à la durée à long terme de l’immunité conférée par la vaccination et par une infection.

C’est pourquoi le rapport suggère que les pays adoptent une stratégie vaccinale-plus qui comprend :

  • la vaccination de masse;

  • une meilleure disponibilité de tests et de traitements abordables;

  • un meilleur accompagnement des personnes atteintes de la « COVID longue »;

  • l'encouragement du port du masque;

  • un soutien pour les personnes qui doivent s’isoler;

  • un appui aux pays moins nantis pour l’achat de vaccins et de traitements.

Ces stratégies doivent être mises en place de façon soutenue, pas seulement lorsque les signes pointent vers une nouvelle vague.

Les auteurs soulignent également que la levée prématurée des mesures sanitaires comporte de nombreux problèmes.

D'abord, le virus n’est pas au stade endémique et ne montre pas encore de cycle saisonnier et prévisible, comme la grippe. Il y a peu de probabilité que nous ayons atteint une telle prévisibilité, et la grippe aussi peut donner lieu à de nouveaux variants dévastateurs et à des pandémies, comme les épidémies de 1957-1958 et de 1968 qui ont tué entre 1 et 4 millions de personnes, peut-on lire dans le document.

Puis, la levée trop rapide des mesures met inutilement en danger les personnes immunodéprimées, qui ne peuvent pas acquérir une immunité assez robuste.

Enfin, notent les auteurs, plus il y aura d’infections, plus il y aura de personnes souffrant de COVID longue, ce qui aura un impact majeur sur les systèmes de santé. Ils soulignent que jusqu’à 35 % de personnes atteintes de COVID-19 et près de 90 % de celles qui ont été hospitalisées à cause de la maladie vivent avec des symptômes à long terme.

Les auteurs avertissent que les échecs constatés depuis le début de la pandémie doivent servir de leçon pour les dirigeants, qui doivent aussi composer avec d’importants défis mondiaux comme l’urgence climatique, la perte de la biodiversité, la pollution de l'air, du sol et de l'eau, et la migration à grande échelle de personnes en raison de conflits, de pauvreté et de catastrophes environnementales.

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