Lequel est un Basquiat : portraits de l’artiste en quête de modèles

Philippe Racine a écrit, mis en scène et mis en musique la pièce «Lequel est un Basquiat», en plus d'y assurer les rôles principaux.
Photo : Valérie Remise
Le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui présente dès mardi la pièce Lequel est un Basquiat, un solo de Philippe Racine sur l’identité noire et la recherche d’authenticité inspirée par le légendaire artiste-peintre new-yorkais Jean-Michel Basquiat, décédé en 1988 dans la fleur de l’âge.
Roulant sa bosse dans les milieux de la scène, de la télévision et du cinéma québécois depuis environ deux décennies, Philippe Racine propose ici son œuvre la plus personnelle. L’acteur et dramaturge a d'ailleurs bénéficié du soutien du Théâtre de La Sentinelle, jeune compagnie montréalaise qui se consacre à promouvoir les talents de la diversité et dont il est le directeur artistique.
Comme son titre le suggère, Lequel est un Basquiat prend la forme d’une interpellation, à la fois intime et sociopolitique. Philippe Racine s’interroge sur son propre parcours artistique à l’intérieur d’une industrie culturelle par moments incompatible avec ses aspirations créatives.
Ce questionnement, il le théâtralise en faisant dialoguer plusieurs personnalités. La principale est celle de Samy, un jeune grapheur montréalais d’origine haïtienne qui hésite à devenir un faussaire de Jean-Michel Basquiat.
Samy, Basquiat et moi, ça donne trois archétypes du Québécois noir de deuxième génération qui, bon an mal an, se cherche
, explique Philippe Racine en entrevue à Radio-Canada.
Samy, c’est celui que j'aurais pu être si j’avais pris les mauvaises décisions, poursuit-il. Est-ce que j'aurais pu être autant à la recherche de réconfort auprès d’autres humains, puis malheureusement me retrouver dans un environnement qui m'exploite plus qu'il prend soin de moi?
« Des modèles noirs québécois, plus jeune, je ne les voyais pas, je les cherchais. Alors Basquiat est devenu un modèle pour moi, à tort ou à raison. »
Jeu de miroirs
Lequel est un Basquiat mise beaucoup sur le concept de filiation entre le sujet et l’artiste. Philippe Racine a adopté la même approche dans la dernière œuvre qu’il a montée avec La Sentinelle, M'appelle Mohamed Ali, qui est présentée au Théâtre de Quat'Sous jusqu’au 21 septembre.
Les deux pièces se font écho
, précise-t-il. Adaptée d’un texte de l’auteur congolais Dieudonné Niangouna, M'appelle Mohamed Ali examine notamment la condition du comédien qui doit tout le temps entrer dans la peau de quelqu'un d'autre et qui finit par se perdre, parce qu'il ne se retrouve pas dans les personnages qu’il doit jouer.
Cet état d’esprit, Philippe Racine le qualifie de diagnostic de dissociation
, et tente de le surmonter sur les planches avec des créations auxquelles il s’identifie. Il cherche à travers son art à se définir lui-même afin de rester à flot dans ce monde qui nous tire vers le bas
.
Pour ce faire, il a déconstruit dans ses deux derniers spectacles les idées reçues concernant les artistes racisés pour ensuite se les réapproprier. Basquiat m’a aidé un peu à canaliser tout ça, admet-il. D’une certaine façon, il détournait les clichés que l'intelligentsia blanche posait sur lui, et s'en amusait.
Passeur de culture
Au-delà des questions existentielles relatives à son cheminement d’artiste, Philippe Racine souhaite transmettre sa passion pour Jean-Michel Basquiat, une figure majeure de l’avant-garde picturale, qui a été parrainé un certain temps par le maître du pop art, Andy Warhol, et qui est disparu trop tôt, à l’âge de 27 ans.
Je brise le quatrième mur, et je pose cette question : qu'est-ce qui nous parle dans un Basquiat?
Il souhaite que le public vive son spectacle comme lorsqu'on expérimente un tableau. Un pastiche d’une toile de Basquiat, réalisée par Samy, sera en outre exposé sur scène.
De mon côté, Basquiat, c'est plusieurs choses
, dit Philippe Racine, qui a découvert l’artiste dans la jeune vingtaine alors qu’il étudiait à l'Université du Québec à Trois-Rivières.
C'est la fureur, les positions politiques ou sociales, le langage, le discours qu'il met dans ses toiles qui me parlent. Il a rendu hommage à Miles Davis, à Billie Holliday, à Mohammed Ali, tout ça dans la recherche de modèles.
On peut en comprendre ce qu'on veut. C'est à nous de faire ce chemin en tant qu’observateurs de cette œuvre, et je propose la même chose avec ma pièce
, conclut-il.
Lequel est un Basquiat est présentée jusqu’au 1er octobre au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui. Trois supplémentaires ont été ajoutées : le samedi 24 septembre, le mardi 4 et le mercredi 5 octobre. Les billets sont en vente en ligne (Nouvelle fenêtre).