AnalyseÉlections 2022 : 10 bonnes mesures économiques

Tour d'horizon des propositions économiques des principaux partis politiques du Québec.
Photo : Radio-Canada / Raphaël Beaumont-Drouin
Individuellement, nous souhaitons tous que notre pouvoir d’achat s’améliore. Et une baisse d’impôt peut tout à fait paraître alléchante, surtout avec la hausse du coût de la vie ces jours-ci. Mais, si l'on baisse les impôts, on le fait à quel prix? On pige dans le Fonds des générations, qui a été créé pour permettre une baisse de l’endettement à long terme? On fait des déficits à répétition, des déficits structurels? On coupe dans les services publics?
Je suis particulièrement étonné de voir la CAQ, le PLQ et le PCQ proposer des baisses d’impôts qui vont priver les réseaux de la santé et de l’éducation de plusieurs milliards de dollars dans les prochaines années. Nous savons combien les réseaux ont besoin de soutien, combien les infrastructures ont besoin d’amour et d’argent. Et nous savons aussi que notre croissance sera amputée dans les prochaines décennies par un vieillissement de la population parmi les plus importants dans le monde.
Alors, dans le petit palmarès sans prétention que je vous propose aujourd’hui, vous comprendrez que j’ai du mal à insérer les propositions de baisses d’impôt comme étant de bonnes mesures économiques. Les Québécois sont largement taxés, c’est vrai. Mais, ils bénéficient également de services publics étendus et d’un filet social important. Surtout, est-il souhaitable, dans un contexte de possible récession en 2023, de risquer de revenir à des déficits structurels et de devoir, dans quelques années, annoncer aux Québécois qu’il faut finalement relever les impôts?
Par ailleurs, beaucoup de mesures ont été présentées comme étant des solutions de lutte contre l’inflation. C’est une description franchement abusive. Baisser les impôts et donner des chèques, ce sont des mesures qui peuvent avoir l’effet inverse : stimuler la consommation, alimenter davantage l’inflation. Je suis convaincu que nos leaders le comprennent, mais ils cèdent vraisemblablement aux sirènes électorales…
Et puis, à propos du Fonds des générations, Québec solidaire a précisé vendredi que le parti veut mettre fin aux contributions au Fonds, contributions qui arriveront bientôt à 5 milliards de dollars par année. La Coalition Avenir Québec, de son côté, veut utiliser 40 % des versements prévus pour baisser les impôts. Ce sont des propositions légitimes, mais puisque le Fonds des générations est un outil très important de stabilité financière au Québec, ne mérite-t-il un débat plus large et plus long, et plus fondamental?
Voici donc 10 bonnes mesures économiques qui semblent tout à fait intéressantes pour l’avenir du Québec. Ce palmarès n’est pas exhaustif, d’autant que d’autres promesses sont à venir. Mais, tout de même, plusieurs mesures méritent qu’on s’y attarde.
À lire aussi :
1- Une PasseClimat
de 365 $ – PQ
L’une des propositions les plus originales de la campagne, c’est possiblement celle du Parti québécois de mettre en place une PasseClimat
de 365 $ par année pour donner un accès illimité à tous les transports en commun du Québec. Ce passeport serait gratuit pour les personnes âgées de 65 ans et plus. Soulignons que Québec solidaire, pour sa part, propose d’abaisser de 50 % les tarifs des transports en commun et de créer Québec Rail et Québec Bus pour s’assurer d’une offre de transport partout au Québec, entre les villes.
2- De l’argent pour les aînés – CAQ et PLQ
Environ le tiers des aînés touchent le Supplément de revenu garanti. Comme le soulignait la CAQ dans un communiqué à la fin août, près de la moitié des personnes de 70 ans et plus ont un revenu inférieur à 25 000 $ au Québec. Et 8 % ont moins de 15 000 $ par année. La CAQ propose donc de bonifier le Crédit d’impôt pour soutien aux aînés pour le faire passer de 411 $ à 2000 $. La somme maximale serait octroyée aux personnes qui touchent moins de 24 195 $ par année et serait progressivement réduite selon le revenu, jusqu'à un plafond de 64 195 $. Cette mesure vise une population qui a besoin d’un nouveau soutien financier de l’État. Ajoutons que le PLQ propose une allocation aînés
de 2000 $ pour les personnes gagnant moins de 50 000 $ avec une réduction progressive au-delà de ce revenu.
3- Bonification du crédit d’impôt solidarité – PQ et PLQ
Le crédit d’impôt pour solidarité est versé aux personnes à faibles revenus. Le Parti québécois propose de doubler le crédit alors que le PLQ propose de le bonifier d’ici quatre ans. Selon la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke, plus de 2,8 millions de ménages ont bénéficié du crédit en 2018, pour une dépense totale de 1,74 milliard $. Selon le cadre financier du PLQ, la bonification du crédit coûterait près de 500 millions de dollars de plus à terme.
4- Assurance dentaire universelle – QS
S’il y a une faille dans la protection publique en matière de santé, c'est la couverture des soins dentaires. Le gouvernement Trudeau a annoncé jeudi le début du processus visant la mise en place d’une assurance dentaire publique. Québec solidaire s’est emparé du même projet et propose de mettre en place, s’il est porté au pouvoir, dans un premier mandat, une assurance qui viendrait couvrir les frais dentaires pour les jeunes de moins de 18 ans, les prestataires de l’aide sociale et les personnes qui touchent le Supplément de revenu garanti. Une partie des frais de nettoyage, des soins de prévention, des plombages et des traitements de canal seraient également couverts par cette assurance. Notons que le Parti québécois propose un programme semblable pour les enfants et les personnes à faibles revenus.
5- Ne plus taxer les biens de première nécessité – PLQ et QS
Baisser les impôts ou envoyer des chèques, ce sont des mesures qui pourraient être bien accueillies par la population, mais qui pourraient amplifier le problème de l’inflation au lieu de le diminuer. En abolissant la TVQ sur les biens de première nécessité, le PLQ mettrait en place une mesure efficace contre l’inflation qui profiterait à tous, mais davantage aux moins bien nantis, dont la part du budget consacré aux produits alimentaires est bien plus élevée que celle des personnes plus riches. Signalons que Québec solidaire propose une mesure semblable, mais qui serait temporaire, le temps que l’inflation revienne sous la barre des 3 %, une proposition qui serait moins coûteuse pour l’État à long terme.
6- Augmenter l’exemption de base – PCQ
S’il y a une baisse d’impôt qui mérite d’être saluée, c’est celle du Parti conservateur du Québec qui s’adresse aux plus pauvres de la société. Le Parti conservateur voudrait, s’il était porté au pouvoir, faire passer l’exemption personnelle de base de 15 728 $ à 20 000 $. Certes, tout le monde pourrait en profiter. Mais, ce qu'il est important de comprendre, c’est que les baisses de paliers d’imposition proposées par la CAQ, le PLQ et le PCQ ne profitent pas aux plus pauvres. Augmenter l’exemption de base permettrait aux plus démunis de bénéficier d’une forme de baisse d’impôt. Le Parti libéral propose de rehausser l’exemption, pour les travailleurs âgés de 65 ans et plus, de 15 728 $ à 30 000 $, une baisse d’impôt qui pourrait encourager les aînés à rester ou à revenir au travail, un apport essentiel dans un contexte de pénurie de main-d'œuvre.
7- Plafonner les tarifs gouvernementaux – CAQ
C’est probablement la mesure qui s’approche le plus du concept et de la philosophie d’un bouclier anti-inflation. Comme en France, imposer un cran d’arrêt sur une hausse a pour objectif de protéger la population d’une croissance trop forte des prix. Ainsi, la CAQ propose de plafonner la hausse des tarifs gouvernementaux à 3 %. Si l’inflation est plus faible que ce niveau, la hausse serait alors plus faible pour l'électricité, les garderies, l'immatriculation, le permis de conduire et les droits de scolarité. La CAQ évalue que les Québécois pourraient ainsi économiser près de 2,2 milliards $ au cours des quatre prochaines années. Après avoir décidé d’arrimer la hausse des tarifs d’électricité à l’inflation, la CAQ a choisi de plafonner la hausse à 3 % en raison du risque de voir les tarifs augmenter de 6 à 8 % en avril 2023. Un projet de loi a été déposé avant l’élection, qui est toutefois mort au feuilleton. Le parti entend élargir le plafonnement des hausses de tarifs, s’il est réélu.
8- Des maisons et des condos abordables – QS
Les partis ont tendance à faire de grandes promesses sur le logement social et abordable à chaque élection. Malheureusement, les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous, et beaucoup de ménages ont du mal à avoir un logement approprié pour leur famille. Québec solidaire propose une idée originale, dont l’application serait complexe, mais qui mérite d’être étudiée. Inspiré par Bernie Sanders, à l’époque où il était maire de Burlington au Vermont, Québec solidaire veut rendre 10 000 maisons et copropriétés abordables par l'intermédiaire de fiducies foncières. QS propose de créer un Fonds anti-spéculation de 1 milliard de dollars, géré par la Société d’habitation du Québec et des organismes locaux, qui pourraient racheter des propriétés et les revendre, mais tout en conservant les terrains. Ça permettrait de réduire les prix de vente de 25 %. C’est une idée complexe, et les effets de marché sont peut-être sous-estimés. Mais c’est une idée qui mérite d’être examinée.
9- Morceler les terres agricoles – PLQ
Quiconque fréquente un peu la campagne a déjà entendu parler des difficultés pour les jeunes d’avoir accès à des terres, qui sont souvent impossibles à diviser. Le PLQ, s’il prenait le pouvoir, voudrait permettre le morcellement des terres pour différents projets d’agriculture. De telles initiatives pourraient soutenir le développement d’une agriculture différente, intensive et biologique, le modèle que met en avant le jardinier maraîcher Jean-Martin Fortier. Notons que Québec solidaire souhaite également encourager le développement de l’agriculture sur de petites parcelles.
10- Repenser le Fonds des générations – PLQ
Cette campagne est venue relancer le débat sur l’avenir du Fonds des générations. Si la CAQ propose de se servir de 40 % des versements pour baisser les impôts, et que Québec solidaire veut cesser de verser des sommes dans le Fonds, la proposition du PLQ semble plus raisonnable et pourrait nous donner le temps de débattre sereinement de la pertinence du Fonds. Le PLQ propose d'y maintenir les versements jusqu’à ce que la dette nette du Québec, actuellement à 38 % du PIB, rejoigne la moyenne canadienne, à 32 %.
Ce sont là quelques mesures qui peuvent avoir un impact réel et positif sur l’économie, sur les finances personnelles des personnes qui ont besoin d’appui. D’autres propositions des partis méritent sans doute une plus grande attention. Il y aura d’autres propositions.