Main-d’œuvre : les cibles d’immigration « ratent la cible » des hôteliers

Reportage de Pierre-Alexandre Bolduc sur les cibles d'immigration et les demandes des hôteliers.
Photo : Radio-Canada / Guillaume Croteau-Langevin
Le débat sur les seuils d'immigration des partis politiques irrite des acteurs économiques, dont les hôteliers et les restaurateurs de Québec. Face à une pénurie de main-d'œuvre qui s'accélère, ils demandent plutôt aux principaux partis de faciliter l'arrivée des travailleurs dans leur secteur.
Tour à tour, les partis ont avancé leur cible d'immigration s'ils sont élus le 3 octobre prochain.
Je trouve qu'on parle beaucoup de chiffre global, mais qu'on passe souvent à côté de la cible d'autres actions concrètes
, déplore Chantal Nadeau, copropriétaire de Nadeau Groupe Hôtelier qui possède trois hôtels à Québec.
Elle aurait aimé entendre des propositions pour rendre disponible une main-d'œuvre qui se trouve déjà sur le territoire.
On a déjà de la main-d'œuvre qui est ici, dans la région de Québec, mais qui est limitée dans leur pouvoir de travailler. Je pense aux étudiants qui ont des permis d'études internationaux et qui ne peuvent pas travailler plus de 20 h semaine. Je pense au Cégep qui commence très tôt. Le calendrier scolaire commence avant la fin de la période d'été. Je pense aux gens à la retraite [...] qui n'ont aucun avantage fiscal
, énumère la propriétaire.
De son côté, l'Associtation hôtelière de la région de Québec (AHRQ) concède qu'il ne lui revient pas de déterminer les seuils d'immigration. N'empêche, le secteur est tellement touché par la pénurie d'employés qu'il demande d'être priorisé dans les mesures à prendre.
Ce n’est pas tant la cible qui compte, c'est plutôt la pointe de tarte dans la cible totale qui est allouée au secteur de l'hôtellerie. On est l'enfant pauvre
, prévient Alupa Clarke, directeur général de l'AHRQ . L'état québécois ne nous priorise pas
.
Alupa Clarke demande l'accélération des dossiers des travailleurs en hôtellerie.
Ça nous prend des travailleurs
Matthew Pettigrew, copropriétaire du restaurant le Continental et du Conti, est du même avis. Moi les chiffres, peu importe. Nous autres, ça nous prend des travailleurs. On sait que les travailleurs étrangers, c'est la solution à court terme.
Il croit qu'accueillir le maximum d'immigrant pourrait peut-être sauver les meubles. Entre 35 000 et 85 000, la différence est immense, on aimerait qu'il y en ait le plus possible. Le Québec a besoin du plus grand nombre pour espérer ouvrir cinq jours par semaine. J'ai des travailleurs qui sont en attente de traitement de dossier. Une attente qui ne finit plus. On se bat corps et âme
, avance le restaurateur qui n'a pas pris de vacances depuis l'automne dernier.
Il affirme n'avoir eu presque aucune candidature de Québécois dans la dernière année.
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80 000 employés marquants
L'enjeu numéro un de tous les employeurs au Québec, c'est la pénurie de main-d'œuvre
, explique sans détour Karl Blackburn, PDG du Conseil du patronat du Québec (CPQ).
Celle-ci n’est pas due à la COVID, mais à la courbe démographique. Le nombre de gens qui quittent le marché du travail est nettement supérieur à ceux qui y entrent. Selon nos estimations, nous en avons au moins jusqu'en 2030 avant que la situation s'améliore
, rapporte M. Blackburn.
En 2017, le gouvernement du Québec estimait que la province avait besoin de 64 000 immigrants par année. En 2022, en actualisant les chiffres et en prenant compte du retard des dernières années, le CPQ
estime qu'il faudrait 80 000 immigrants par année pour répondre à la demande.Faux débat
Le CPQ
rejette l'argument de la CAQ qui souhaite limiter l'arrivée de nouveaux immigrants pour préserver la langue française.« C'est un faux débat; 80 % de l'immigration économique qui entre au Québec parle en français. On demande aux immigrants qui arrivent ici de passer un test de français de niveau 7. C'est beaucoup plus que ce que la majorité des Québécois sont capables de réussir concernant la littératie. »
Les chiffres de la Fondation pour l'alphabétisation donnent raison à M. Blackburn. Selon une récente étude, 46 % de la population québécoise n’atteindrait pas le niveau 3 des compétences en littératie en 2022.
Associer le déclin de la langue française à l'immigration, malheureusement, c'est faux
, conclut M. Blackburn.
Avec les informations de Pierre-Alexandre Bolduc