Hausse du taux directeur : inquiétude pour les hypothèques à taux variable

La Banque du Canada a relevé son taux directeur de 75 points de base mercredi (archives).
Photo : Radio-Canada
La nouvelle hausse du taux directeur de la Banque du Canada sème l’inquiétude chez les détenteurs d'une hypothèque à taux variable. Par ailleurs, il demeure difficile d’en mesurer les conséquences sur le marché immobilier d’Ottawa et de Gatineau puisque plusieurs facteurs, tels que la crise du logement, l’inflation et le faible taux d'inoccupation, entrent en compte.
Le taux directeur n’a présentement aucun effet sur les taux fixes, il fait varier les taux variables, les demandes de crédit, les prêts personnels et les marges de crédit
, dit d’entrée de jeu Mario Lepage, courtier hypothécaire dans la région de l’Outaouais depuis plus de 20 ans.
Rappelons que la Banque du Canada a relevé son taux directeur de 75 points de base mercredi, le faisant donc passer à 3,25 %. On justifie cette décision par le fait que l’inflation demeure élevée pour le moment et que les politiques monétaires doivent être resserrées.
La hausse du taux directeur touche principalement ceux qui détiennent une hypothèque à taux variable, puisque dans la plupart des cas, cela représente une hausse des paiements mensuels, explique M. Lepage. Ainsi, les détenteurs d’une hypothèque à taux fixe ne sont pas touchés par cette hausse, mais pourraient l’être s’ils doivent renégocier leur hypothèque sous peu.
Par contre, Mario Lepage se fait rassurant, il estime que, selon certains économistes, le taux fixe va baisser dans les prochains mois, disons d’ici décembre ou janvier
.
Il explique aussi que plusieurs banques acceptent d’offrir un taux fixe à leurs clients qui possèdent un taux variable, et ce, sans frais. Toutefois, ces clients doivent tout de même s’attendre à ce que leur taux soit plus élevé. Le courtier hypothécaire suggère aussi aux nouveaux acheteurs de contracter un prêt hypothécaire avec un taux fixe pour un an, pour ensuite renégocier leur taux.
De même, cela a peu d’impact pour les nouveaux acheteurs qui souhaitent se qualifier pour un prêt hypothécaire, dit-il, car ce taux demeure autour de 5 %. Selon lui, la hausse du taux directeur a déjà fonctionné, car l’inflation s’est calmée
.
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Des propriétaires inquiets
J’ai un taux fixe, mais je pense que la prochaine fois, je vais devoir prendre un taux variable
, indique Daniel Lachance, un propriétaire de Gatineau.
Il se dit inquiet
pour le renouvellement de son hypothèque qui doit avoir lieu dans deux ans : Je ne sais vraiment pas ce qui va se passer, c’est imprévisible, car le prix des maisons continue à augmenter pareil.
Même son de cloche pour Vilar qui dit que ça se fait sentir
sur son budget : J'ai un taux variable qui sera à renouveler l’année prochaine et je m’inquiète à savoir si je vais être en mesure d’affronter le coût.
Le Gatinois explique que sa banque ne lui a pas recommandé de faire le saut vers un taux fixe, puisque le taux fixe et le taux variable sont presque les mêmes en ce moment
.
En tant que consommateur, on est mal pris
, dit-il.
Pour Kristina Jensen, la hausse du taux directeur met surtout un frein sur ces projets d’emprunt
d’argent, mais elle dit être en accord avec les politiques de la Banque du Canada : Je trouve qu’à ce jour, ils ont fait une bonne démarche avec un climat économique sans pareil donc j’espère qu’ils ne vont pas plier aux pressions politiques.
Le ralentissement se fait déjà sentir
On s’attend à un ralentissement et on a déjà commencé à observer un ralentissement sur le marché
, dit pour sa part Patrick Perrier, économiste en chef adjoint de la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL).
À son avis, l’augmentation des coûts pour les nouveaux acheteurs, de même que l’augmentation des taux d’intérêt sur les hypothèques, aura inévitablement un impact sur le marché immobilier, mais dans d’autres secteurs aussi.
Il va y avoir un impact économique indirect, peut-être des conditions d’emploi qui vont se détériorer, des conditions de revenu qui vont se détériorer et tout ça va faire en sorte de ralentir davantage la demande sur le marché de l’habitation
, explique-t-il.
L’économiste de la SCHLC’est beaucoup plus large que le marché hypothécaire, c’est de maîtriser l’inflation ou de la maintenir dans une fourchette cible de 1 % à 3 % et pour y arriver, elle doit jouer avec les taux d’intérêt.
Par ailleurs, on s’attend aussi à une diminution du coût des habitations, puisque la demande additionnelle pour le logement a fait gonfler les prix au cours des dernières années
, tandis que les revenus des ménages n’ont pas nécessairement augmenté au même rythme.
M. Perrier se fait également un peu plus pessimiste dans ses prévisions. Il estime que la Banque du Canada va probablement annoncer d’autres hausses au courant des prochains mois et que le ralentissement sera plus prononcé que prévu
.
Il y a beaucoup d'incertitudes pour le moment
, conclut-il.
Avec les informations de Rémi Authier et Julien David-Pelletier.