Le bilan des 12 dernières années de Jim Watson à la mairie d’Ottawa

Sous le règne de Jim Watson, la population de la ville d'Ottawa a atteint un million de personnes, l'été 2019 (archives).
Photo : Radio-Canada / Kate Porter
Après un règne de 12 années consécutives à la mairie d’Ottawa, Jim Watson tire sa révérence avec le sentiment du devoir accompli. En tenant son « livre de promesses », il assure fièrement avoir respecté presque toutes celles-ci.
Seule exception qui l'empêche de se targuer d’un tableau de chasse sans faute : sa promesse électorale, en 2010, de réduire le nombre de membres au conseil municipal.
Je suis très satisfait que mon programme ait été adopté parce qu’il avait le soutien de la majorité des gens à Ottawa
, a résumé le maire sortant, qui avait également occupé le poste de premier citoyen de 1997 à 2000 avant de se tourner vers la politique provinciale, puis de reprendre du service à la Ville, une décennie plus tard.
C’est un record enviable pour tout politicien. Il est indéniable que M. Watson a fait avancer certains dossiers importants à l’hôtel de ville, comme le réaménagement de Lansdowne, la nouvelle galerie d’art de la ville et le lancement de la ligne de la Confédération, bien que le moment choisi ait été contesté.
Une expansion substantielle des systèmes ferroviaires de la ville et une nouvelle bibliothèque centrale- une promesse électorale de 2014 - sont également en cours.
Comme beaucoup de gens, j'en ai assez des politiciens qui sortent et promettent le monde, puis qui arrivent au conseil et ne peuvent tenir leurs promesses, puis qui blâment le conseil. Pourquoi avez-vous fait une promesse si vous saviez que vous n'aviez pas de soutien?
a demandé celui qui a battu un record de longévité à la mairie d'Ottawa.
Cela n’a pas été un problème pour Jim Watson. Mais on lui reproche la manière dont il s’est assuré ce soutien autour de la table du conseil municipal, particulièrement au cours de son dernier mandat. En théorie, la Ville d’Ottawa est censée réunir 24 élus indépendants, mais beaucoup d’entre eux ont constaté une division. D’un côté, il y avait le « Watson club ». D’un autre, les « outsiders ».
La tension entre les deux groupes a atteint son paroxysme lors d'une réunion spéciale du conseil, le 16 février, en plein convoi des camionneurs, au moment où la police d’Ottawa peinait à reprendre le contrôle de la situation. Ce soir-là, plus de 70 000 personnes ont écouté cette réunion qui s’est terminée avec un congédiement et des démissions à la Commission de services policiers d’Ottawa.
La veille de ce conseil houleux, le chef de police Peter Sloly avait déjà remis sa démission pour être remplacé sur une base intérimaire par son adjoint, Steve Bell.
Que s’est-il passé?
Il est quelque peu ironique que Jim Watson laisse derrière lui une culture de conseil fracturée, étant donné qu'il est arrivé au pouvoir en 2010 après quatre années tumultueuses à l'hôtel de ville. Il a gagné sur le slogan de stabilité, fiabilité et crédibilité
.
Et il a tenu sa promesse de travailler de manière plus collaborative avec ses collègues du conseil, ce qui a été fait.
Mais après les élections de 2018, les choses ont changé.
Le conseil a accueilli certains membres entrants très ouverts sur le fait qu'ils n'étaient pas d'accord avec toutes les politiques du maire, comme les discussions sur les tarifs de transport en commun.
Ces nouveaux élus n'ont d’ailleurs pas hésité à parler sur le fait qu'ils n'avaient pas peur de s'opposer. La réponse de Jim Watson à cette opposition flagrante a été de mettre de côté ceux qui n'étaient pas d'accord avec lui.
Pour la conseillère sortante Diane Deans, c’est comme si le maire avait décidé qu’il n’allait pas se représenter, alors il a fait les choses très différemment au début de ce mandat
, a-t-elle dit à propos de celui qui a annoncé, en décembre 2021, qu’il ne sera pas candidat aux élections du 24 octobre 2022.
Dès la deuxième réunion du conseil en 2018, Jim Watson a nommé de nouveaux conseillers à la présidence et au poste d’adjoint du maire, au lieu de suivre la pratique habituelle consistant à faire appel à ceux qui ont davantage d’expérience. Des conseillers municipaux ont alors rapidement fait part de leur mécontentement.
Lorsque la conseillère Jenna Sudds s’est retirée de la présidence du comité des services communautaires et de protection, Jim Watson a remplacé celle qui a ensuite fait le saut en politique fédérale par Matthew Luloff, même s’il présidait déjà un autre comité.
J'ai proposé les noms de personnes avec qui je pensais pouvoir bien travailler, qui, je pense, ont l'expérience et les aptitudes pour faire un très bon travail. C'est la partie du leadership que je trouve importante
, se défend-il.
En entrevue à CBC, le maire sortant a convenu que ces décisions prises au début de son dernier mandat ont créé une mentalité de Newsnous contre eux
dès le départ. Il a également concédé qu’il ne s’est pas efforcé de rallier tout le monde à sa cause.
Nous savons qu'il y a des membres du conseil qui ne voteront jamais avec moi ou qui ne voteront jamais de ce côté. Et nous n'allons pas leur faire perdre leur temps. Nous n'allons pas perdre notre temps.
« Donc, en fin de compte, l'objectif était d'essayer de trouver une majorité claire, qui était généralement de 15 ou 16, ce que nous avons plutôt bien réussi. »
L’étymologie du « Watson club »
L’expression « Watson club » a été utilisée pour la première fois par le conseiller municipal sortant, Mathieu Fleury, il y a trois ans, après que le bureau du maire ait bloqué les derniers efforts du conseiller de Rideau-Vanier pour empêcher la construction du refuge controversé de l’Armée du Salut prévu à Vanier, ainsi que l’ajout décrié à l’hôtel historique Château Laurier.
Élu contre toute attente à l’âge de 24 ans, en 2010, Mathieu Fleury a pu constater une différence de climat importante entre son arrivée à la Ville d’Ottawa et son départ, annoncé en mai dernier. Ce qui était une collaboration
au départ est devenu des manœuvres procédurales du maire pour parvenir à ses fins, comme essayer d'éviter de voter sur une motion pour une enquête judiciaire sur la ligne de la Confédération.
Selon Mathieu Fleury, qui a songé à briguer la mairie, lorsque vous êtes en désaccord avec Jim Watson, cela peut devenir personnel et mesquin.
Un exemple : M. Watson, appuyé par une majorité de conseillers, a nommé George Darouze, qui est l'un des maires adjoints et conseiller d'Osgoode, au conseil d'administration du Centre Shaw. Normalement, le siège aurait dû revenir à Mathieu Fleury, dont le quartier comprend le centre des congrès.
La politique a été blessante et, d'une certaine façon, a nui à notre collaboration.
Bien qu'elle soit une conseillère municipale chevronnée, Diane Deans dit qu'elle s'est sentie exclue dès le premier jour de ce mandat.
Le maire l'a réprimandée à plusieurs reprises. Au lieu de simplement voter contre une motion de Mme Deans visant à réduire les tarifs de transport en commun en 2019, M. Watson l'a qualifiée de pire motion
qu'il ait jamais vue. Une fois, il lui a même refusé de poser une question lors de la réunion du comité des finances, dont elle ne fait pas partie, ce qui est pratiquement du jamais vu.
Plus récemment, il lui a coupé le micro lors d'une réunion de Zoom pendant un marchandage procédural sur une motion demandant une enquête judiciaire sur les problèmes de la ligne de la Confédération.
Mme Deans a siégé pour la première fois au conseil avec M. Watson en 1994, et ce n'est pas un secret que les deux ne s'entendent pas.
En fait, ils ne se parlent tout simplement pas, selon l’élue sortante, qui a déclaré que le maire ne veut pas me donner son numéro de téléphone
. Une affirmation démentie par le principal intéressé.
Destituée de son poste de présidente de la Commission de services policiers d’Ottawa pendant le convoi des camionneurs, Diane Deans a finalement annoncé, au mois de juin, qu’elle mettait un terme à sa carrière de politicienne. Elle avait pourtant manifesté son intérêt de se porter candidate à la mairie d’Ottawa quelques semaines avant l’arrivée du convoi des camionneurs.
Le maire défend son style de leadership
L’expression « Watson club » ne dérange pas le maire sortant, ajoutant qu’il a déjà été la cible de qualificatifs nettement plus blessants. Son travail consiste à convaincre suffisamment de conseillers autour de la table pour le soutenir.
Je ne pense pas que ce soit approprié quand les gens partent en trombe et font une crise de colère, par exemple, parce qu'ils n'ont pas gagné un vote. Je pense que certaines personnes ont eu l'impression qu'elles ont perdu tellement de votes que le système est truqué.
Pour de nombreux conseillers sortants, la rancœur au sein du conseil a été frustrante et démoralisante. Le conseiller municipal sortant, Keith Egli, est un avocat spécialisé dans la médiation dont le travail consiste à essayer d'amener les parties opposées à discuter.
Comme son collègue Scott Moffatt, il dit avoir été attiré par la politique municipale en raison, notamment, de l'absence de partis politiques et que les conseillers trouvent une variété d'alliés sur différentes questions.
Cela s'est produit sur certains dossiers, notamment avec le plan officiel approuvé presque à l'unanimité et le plan directeur sur le changement climatique. Mais le dernier mandat a été plus partisan, dit-il.
C'est presque comme si nous avions un gouvernement et une opposition
, a résumé M. Egli, qui a également été président du Conseil de santé d'Ottawa.
Étant philosophiquement aligné avec le maire, Keith Egli s’est rangé derrière Jim Watson, bien qu’il y ait eu quelques exceptions. Selon le conseiller sortant, la discorde au sein du conseil ne peut pas être entièrement imputée au chef d’orchestre de l’hôtel de ville.
Scott Moffatt souligne que les conseillers qui ont été les plus vocaux pendant la réunion du 16 février étaient ceux qui ont voté contre la motion de destitution de Diane Deans. Cette motion a été déposée par M. Moffatt lui-même. Il soutient que les conseillers doivent travailler en coulisses pour trouver une solution aux problèmes.
La façon d'arriver au résultat ne consiste pas toujours à monter sur une tribune et à crier au scandale sur la façon dont les choses se passent
, a-t-il expliqué, ajoutant qu’il y a une certaine notion de spectacle
dans l’univers de la politique municipale.
Les conseillers de l'extérieur ne voient pas les choses de cette façon. Mathieu Fleury soutient que les discussions doivent avoir lieu lors de réunions ouvertes, afin que le public puisse comprendre comment les décisions sont prises.
Tous les conseillers rencontrés par CBC conviennent que quelque chose doit changer. News
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Un nouveau mélange de personnalités apportera sa propre dynamique interpersonnelle à l'hôtel de ville, ce que les membres du conseil sortant espèrent être une amélioration. Et ils suggèrent que le conseil fasse un effort concerté pour élaborer un plan stratégique, voire même qu'il parte en retraite fermée.
Car en fin de compte, ce qui importe le plus aux citoyens, a déclaré M. Moffatt, c'est que leur conseil les rende fiers de leur ville
.
Avec les informations de Joanne Chianello, de CBC News