La Vérif : les finances publiques sont-elles aussi sombres que le prétend le PCQ?
Le chef du Parti conservateur du Québec a affirmé que le gouvernement caquiste a accumulé « le pire déficit de l'histoire du Québec ».

Éric Duhaime critique vertement la proposition de la CAQ de piger dans le Fonds des générations.
Photo : Radio-Canada / Jacob Côté
La promesse de la CAQ de financer des baisses d'impôt en utilisant le Fonds des générations a braqué les projecteurs sur l'état des finances publiques au Québec. Le chef conservateur Éric Duhaime s'est attaqué à la gestion des finances du gouvernement Legault au cours des quatre dernières années.
De passage en Mauricie, Éric Duhaime a affirmé : Le gouvernement Legault a accumulé le pire déficit de l’histoire du Québec alors qu’il nous avait promis qu’il balançait le budget. C’est lui qui a fait augmenter la dette le plus vite dans l’histoire du Québec.
Le portrait que brosse le chef conservateur des finances publiques de la province est plutôt sombre. Mais la réalité est beaucoup plus nuancée… et optimiste.
Il est vrai qu’en 2020-2021, le gouvernement du Québec a affiché un déficit qualifié d’historique, de l’ordre de 10,8 milliards de dollars.
Ce déficit inclut des modifications comptables et le fameux versement au Fonds des générations, qui fait couler beaucoup d’encre depuis le début de la campagne.
Les sommes versées à ce fonds servent au remboursement de la dette, afin d’en réduire le fardeau sur les prochaines générations.
À cette période, le Québec était plongé dans une crise sanitaire mondiale, l’économie avait été stoppée net par la COVID-19 et le gouvernement avait dû dépenser des sommes colossales en santé, notamment.
Ce solde budgétaire avait toutefois été épongé par la réserve de stabilisation, une sorte de fonds de réserve pour les imprévus.
Mais lorsqu’on veut comparer les déficits dans le temps, il faut prendre des bases comparables, nous indique le professeur d’économie à Polytechnique Montréal et spécialiste des finances publiques Marcelin Joanis.
Comme le Fonds des générations n’existe que depuis 2006, il vaut mieux comparer les surplus ou déficits au sens des comptes publics (donc avant le versement au Fonds ou les modifications comptables).
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Ce déficit s’établissait alors à 4,2 milliards de dollars pour la première année pandémique de 2020-2021. Selon les statistiques budgétaires du Québec, du ministère des Finances, ce montant représentait 0,9 % du PIB.
Ce choc sanitaire, c’est sûr qu’à court terme, il a détérioré l’état des finances publiques. Depuis, l’économie du Québec et les finances publiques font particulièrement bonne figure
, estime M. Joanis.
Si on remonte à l’année financière 1991-1992, le déficit budgétaire était d’un montant similaire, soit 4,3 milliards de dollars… mais cela représentait 2,7 % du PIB.
Même qu’en 1980-1981, le déficit représentait 4,7 % du PIB.
Pour toutes les autres années du mandat Legault (2018-2019 à 2022-2023), le gouvernement a affiché des surplus, avant le versement au Fonds des générations.
Quand on prend en compte ce versement toutefois, le retour à l’équilibre budgétaire n’est pas prévu avant 2027-2028, selon les prévisions du ministère des Finances.
Ratio dette/PIB
Au-delà du déficit, ou de la dette nominale, François Legault affirme que ce qui est important, c’est le poids de la dette
.
Des économistes sont d’accord avec le chef caquiste : le poids de la dette par rapport à la taille de l’économie est un meilleur indicateur de la santé financière de l'État.
En termes absolus, la dette augmente au Québec chaque année. Mais il faut l’évaluer selon son ratio au PIB, puisque l’économie de la province augmente également, précise l’économiste Marcelin Joanis.
Quand on compare les déficits d'aujourd'hui et la dette d'aujourd'hui au passé plus ou moins lointain, on voit qu'en pourcentage du PIB, c'est plus faible aujourd'hui que ce ne l’était.
En ce moment, la dette nette est de 192 milliards de dollars et représente 38 % du produit intérieur brut.
Dans cinq ans, on prévoit qu'elle atteindra 206 milliards, environ 32 % du PIB... un fardeau qui sera donc moins lourd à porter.
Incertitudes
Le portrait des finances publiques aujourd’hui est donc positif, affirme Marcelin Joanis, et le rapport préélectoral entériné par la vérificatrice générale avant le déclenchement des élections est plutôt optimiste pour les années à venir.
Les coffres se sont renfloués plus vite, notamment grâce à l’inflation et les salaires, qui sont à la hausse. Mais il faut être prudent, selon le professeur. Il y a des risques que les circonstances changent.
Avec la collaboration de Nathalie Lemieux et d'Olivier Bachand