Un surplus budgétaire de 135 M$ au Nouveau-Brunswick
Le ministre des Finances du Nouveau-Brunswick, Ernie Steeves
Photo : Radio-Canada / Pascal Raiche-Nogue
Le gouvernement du Nouveau-Brunswick prévoit un surplus budgétaire quatre fois plus élevé que ce qui était planifié dans le dernier budget provincial.
C'est ce qu'a annoncé le ministre des Finances, Ernie Steeves, qui a présenté les états financiers pour le premier trimestre de 2022-2023.
Lors du dépôt du budget provincial, au mois de mars, le gouvernement Higgs prévoyait un surplus budgétaire de 35 millions de dollars.
Plusieurs critiques estimaient que ce surplus était sous-évalué.
Les plus récentes données semblent leur donner raison : le surplus prévu s'élève maintenant à 135 millions de dollars, soit près de quatre fois plus.
L'augmentation des revenus s'explique, entre autres, par une hausse des impôts sur le revenu de 86 millions, une hausse des subventions fédérales en santé de 41 millions, et une hausse des revenus de la taxe de vente harmonisée de 41 millions.
Le gouvernement pourrait réduire les impôts
Le ministre des Finances dit que le gouvernement n'a pas encore décidé ce qu'il compte faire du surplus budgétaire. Toutefois, Ernie Steeves ouvre toute grande la porte à une réduction d'impôts ou de taxes, sans être plus spécifique.
Je veux qu'il fasse partie de la culture du Nouveau-Brunswick que nous réduisons régulièrement les impôts, au lieu de les augmenter, alors nous examinons cela, et nous sommes allés jusqu'à parler de certaines suggestions que nous avons avec le cabinet la semaine dernière
, a lancé le ministre Steeves.
Ernie Steeves estime par contre qu'il n'est probablement pas nécessaire d'investir davantage en santé. L'argent n'arrange pas toujours tout, vous savez quoi, ce qui se passe ici, c'est une pénurie d'infirmières, une pénurie de personnel formé pour le système hospitalier
, dit-il.
Pour ce qui est d'aider les familles à faible revenu aux prises avec les effets de l'inflation, le ministre n'a pas prévu de nouvelle aide directe.
Le ministre Steeves soutient que malgré ces surplus importants, les finances publiques de la province font toujours face à de grands défis à moyen et long terme, et qu'il faut rester prudent dans la gestion du budget.
Les évaluations du gouvernement sont critiquées
L'économiste et consultant en politiques publiques, Richard Saillant, croit que le gouvernement conservateur sous-estime, encore une fois, l'état réel de ses finances, comme il l'a fait l'an dernier et l'année précédente. Selon lui, le surplus, une fois l'année financière terminée, sera encore plus élevé que ce qui est annoncé. Je pourrais voir un surplus considérable, peut-être autour d'un quart de milliard
, estime-t-il.
Selon lui, contrairement à ce qu'avance le ministre des Finances, la situation financière de la province devrait rester bonne encore pour plusieurs années. La situation fiscale du Nouveau-Brunswick est bien meilleure qu'elle ne l'était auparavant, on a bien davantage de coudées franches pour réinvestir.
Et cette situation demeurera favorable, même si la province fait les investissements nécessaires. Si on lit attentivement les plus récents rapports du directeur parlementaire du budget, essentiellement ce que celui-ci nous dit, c'est que d'ici 25 ans, le Nouveau-Brunswick, même s'il fait les dépenses nécessaires pour faire face au défi du vieillissement démographique, le rapport dette/PIB du Nouveau-Brunswick d'ici 25 ans ne sera pas plus élevé qu'il ne l'était il y a 7 ou 8 ans
, souligne Richard Saillant.
Dans ce contexte, l'économiste soutient que le gouvernement devrait investir en santé, dans le logement, ainsi que dans l'aide aux ménages les plus durement touchés par l'inflation.
On est en très bonne posture fiscale, largement à cause de l'inflation, mais les Néo-Brunswickois souffrent de cette inflation-là, et je pense que ça serait la chose à faire que de commencer à investir un peu, particulièrement pour venir en aide aux Néo-Brunswickois qui sont les plus affectés par cette hausse des prix
, dit-il.
L'opposition demande de l'aide pour le logement et la santé
Le député libéral de Moncton-Centre, Robert McKee, croit qu'il n'est pas temps d'annoncer des baisses d'impôt, surtout dans le contexte actuel. On devrait regarder les différentes crises actuelles auxquelles la province fait face, notamment en santé et aussi la crise de logement, que l'on doit adresser avec des investissements ciblés, il faut avoir une stratégie en place
, suggère-t-il.
Pour ce qui est de la santé, les libéraux proposent d'offrir davantage d'aide aux personnes qui étudient en soins infirmiers. On pourrait aller chercher les étudiantes en soins infirmiers dans la province, on pourrait leur garantir des positions, on pourrait leur donner des incitatifs pour les attirer, on pourrait aussi leur donner des subventions pour leurs coûts pendant leurs études
, dit Robert McKee.
Le député du Parti vert de Kent-Nord, Kevin Arseneau, estime lui-aussi que ce n'est pas le temps d'annoncer des baisses d'impôt. On a des services publics qui s'écroulent, on a des gens qui ont de la misère à faire face à l'inflation
, rappelle-t-il.
Les surplus budgétaires devraient être utilisés pour répondre aux besoins actuels, selon lui.
Les soins de santé sont les premiers qui viennent en tête, étant donné la situation actuelle, mais aussi de venir en aide aux gens les plus vulnérables qui sont affectés de façon démesurée par l'inflation, l'augmentation du coût de la vie
, insiste-t-il.
Justice sociale : des actions concrètes demandées
Janelle LeBlanc, la coordonnatrice provinciale du Front commun pour la justice sociale du Nouveau-Brunswick, demande au gouvernement conservateur de se servir de ses énormes surplus budgétaires pour venir en aide aux plus démunis dans la province.
On voudrait des solutions permanentes comme une augmentation des taux de l'aide sociale, une augmentation du salaire minimum à un salaire de subsistance de 20 dollars de l'heure, peut-être même le transport en commun gratuit, le développement d'un transport en commun rural
, rappelle-t-elle.
Janelle LeBlanc dit que l'aide ponctuelle de 225 dollars pour les personnes seules et de 450 dollars pour les familles était loin d'être suffisante pour faire face à la crise actuelle. Cet argent, souligne-t-elle, a été vite dépensé. C'est que, sur une base quotidienne, les besoins de base de milliers de personnes vivant avec un faible revenu sont loin d'être comblés.
Ils trouvent ça très difficile de faire les épiceries, de payer le loyer, de payer l'électricité. Le Nouveau-Brunswick a le taux le plus élevé d'insécurité alimentaire aux provinces atlantiques
, déplore-t-elle.
La coordonnatrice du Front commun est surprise de voir que le gouvernement dégage autant de surplus depuis le début de la pandémie. On ne devrait pas avoir de surplus dans le temps d'une pandémie, on devrait utiliser cet argent pour protéger la population, pour améliorer les conditions de travail des travailleuses et travailleurs de première ligne, améliorer la ventilation dans les écoles, avoir accès aux masques, aux tests rapides, donc ça nous étonne
, dit-elle.
Avec des informations de Michel Corriveau