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Nomination de la juge autochtone Michelle O’Bonsawin : entre fierté et questionnements

Michelle O'Bonsawin devant un comité parlementaire à Ottawa.

La juge Michelle O'Bonsawin sera la première Autochtone à siéger à la Cour suprême du Canada.

Photo : La Presse canadienne / Justin Tang

Pour la première fois, jeudi, une juge autochtone entrera officiellement en fonction à la Cour suprême du Canada (CSC), soit la plus haute instance juridique au pays. Si cette consécration en réjouit plus d'un, elle intervient néanmoins au sein d’une institution symbole de colonialisme pour certains.

La sénatrice indépendante, Renée Dupuis travaille à titre d’avocate avec les Premières Nations depuis 1972.

À ses yeux, cette nomination revêt une symbolique importante, d'autant plus que les juges de la Cour suprême ne sont pas des experts du droit autochtone.

La sénatrice Renée Dupuis.

Renée Dupuis, sénatrice indépendante au Sénat du Canada

Photo : Sénat du Canada

« Sa présence est un symbole important parce que c'est une femme qui est nommée et parce que c’est une femme autochtone. »

— Une citation de  Renée Dupuis, sénatrice indépendante au Sénat du Canada

Selon elle, il y a deux symboles : Il faut réfléchir à ce que représente cette nomination, à la fois pour les femmes dans la société en général et à la fois pour les femmes autochtones dans leurs communautés, mais aussi dans la société en général.

À entendre la sénatrice Dupuis, la détermination de Michelle O’Bonsawin sera une source d’inspiration pour toutes les jeunes femmes et jeunes filles du Canada, qu’elles soient autochtones ou non.

Une page d'histoire qui se tourne

Le député de la circonscription de Sydney-Victoria, Jaime Battiste, se réjouit lui aussi de cette nomination : Nous avons beaucoup de raisons d'être fiers et de pouvoir dire que cette personne comprend notre réalité et ressent ce que c’est qu’être autochtone.

Celui qui est aussi un Mi'kmaw de la Nouvelle-Écosse estime qu'il s'agit d'une véritable page d'histoire qui se tourne.

Jaime Battiste, souriant.

Jaime Battiste est le député de la circonscription de Sydney-Victoria (archives).

Photo : Facebook / Jaime Battiste

Depuis quelques générations, les Autochtones du Canada regardaient la Cour suprême [comme] une cour qui ne reflétait pas qui ils étaient, poursuit M. Battiste.

Il croit que cette nomination est le fruit d'un travail acharné des aînés, des professeurs et des mentors autochtones.

De la fierté, mais...

Si le chef de la communauté innue d’Ekuanitshit sur la basse Côte-Nord, Jean-Charles Piétacho, accueille avec fierté cette nomination, il vit avec des appréhensions : Je ne suis pas certain de ressentir une fierté à me rendre à la Cour suprême pour me faire dire que nous avons le droit de ceci ou nous n'avons pas le droit de cela.

Il ne cache pas son agacement quand il entend Michelle O’Bonsawin dire qu’elle est d’abord une juge, puis une femme autochtone franco-ontarienne.  (Nouvelle fenêtre)

Jean-Charles Piétacho, chef de la communauté d'Ekuanitshit, en marge de l'assemblée générale annuelle de l'Assemblée des Premières Nations du Canada.

Jean-Charles Piétacho est le chef de la communauté d'Ekuanitshit (archives).

Photo : Radio-Canada / Guy Bois

Il rappelle par ailleurs qu’il s’avère primordial de considérer la responsabilité qui se rattache au mandat de la nouvelle juge puisqu'elle représentera une institution de la plus haute autorité juridique qui peut changer nos droits.

Les juges à la Cour suprême du Canada écrivent d’importants jugements dont ceux liés aux enjeux autochtones, souligne le chef Piétacho.

L’indépendance des juges est une pierre angulaire du système judiciaire canadien. L’indépendance judiciaire garantit que les juges sont en mesure de rendre des décisions libres de toute influence et fondées exclusivement sur les faits et le droit.

Source : Gouvernement du Canada (Nouvelle fenêtre)

Résister pour être reconnu

Les droits autochtones ont été ignorés par les institutions canadiennes depuis le début de la colonisation, estime le chef Piétacho pour justifier sa méfiance à l'égard de l'institution qu'est la CSC.

« Nous sommes des peuples nomades et il faut que nous soyons reconnus comme tels, et non en tant que Canadiens ou Québécois. Il va falloir prioriser nos propres lois et ces lois-là, non écrites, existent depuis des décennies. »

— Une citation de  Jean-Charles Piétacho, chef de la communauté innue d’Ekuanitshit

Les dirigeants des Premières Nations n'ont jamais accepté la mise en place des réserves indiennes, indique-t-il.

Il y aura d’autres jugements qui vont émaner du système fédéral, fait-il valoir avant d'ajouter que c'est ce même système qui a également imposé et décidé de créer des conseils de bande toujours régis par le gouvernement fédéral.

Ils ont créé des réserves afin de libérer le territoire de notre présence et nous avons résisté, et nous devons résister encore pour les générations futures, conclut le chef Piétacho.

Rétablir l’histoire

Il y a des institutions qui ont voulu éteindre notre esprit, notre culture et qui nous ont imposé leur éducation, rappelle le chef Piétacho avec une voix empreinte d'émotions. C’est l’Église et les gouvernements qui ont tenté de nous éliminer.

« Il faut rétablir la vérité historique, par exemple en donnant accès complet aux archives gouvernementales et religieuses, en vue de transiter vers une véritable réconciliation. »

— Une citation de  Renée Dupuis, sénatrice indépendante au Sénat du Canada

Lors de jugements de la Cour suprême, les Premières Nations ont amené des aînés des communautés pour expliquer aux juges la culture, le savoir-faire et la vie des Autochtones sur le territoire. Le chef Piétacho évoque notamment le jugement de la Nation Tsilhqot'in c. Colombie-Britannique de la CSC (Nouvelle fenêtre).

Ces aînés nous ont quittés sans jamais avoir pu voir les jugements à la Cour suprême, affirme le chef Piétacho.

L'avenir des Autochtones passe-t-il par la CSC?

Ce n’est pas la Cour suprême qui peut changer la vie des gens dans les communautés, mais elle peut influencer, explique Renée Dupuis, qui soulève des questions essentielles, selon elle.

Que peut faire Michelle O’Bonsawin en tant que juge? Quelle pourrait-être sa contribution? Il ne faut pas se faire d’illusions, selon la sénatrice, qui espère néanmoins que la nouvelle juge pourra influencer directement la prise de décisions.

« Il faut interpeller le gouvernement. Une femme autochtone sera nommée juge à la Cour suprême, mais qu’est-ce qui arrive avec les enjeux autochtones? »

— Une citation de  Renée Dupuis, sénatrice indépendante au Sénat du Canada

Malgré des avancées importantes, les gouvernements fédéral et provinciaux persistent à penser qu'ils doivent nous éduquer encore aujourd’hui, et depuis toujours, ne manque pas de rappeler le chef Jean-Charles Piétacho.

Radio-Canada a fait une demande d'entrevue auprès de la juge Michelle O'Bonsawin. Cette dernière a décliné parce qu'elle souhaite attendre son assermentation avant d'accorder des entrevues. Elle entre officiellement en poste le 1er septembre.

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