Violence armée : Québec débloque 250 M$ pour aider Montréal et sa police
« C’est un montant exceptionnel attribué à la Ville de Montréal en réponse à une situation exceptionnelle », a justifié la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault.

La ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, et la mairesse de Montréal, Valérie Plante.
Photo : La Presse canadienne / Graham Hughes
Le gouvernement du Québec accorde une aide de 250 millions de dollars supplémentaires sur cinq ans pour lutter contre la violence armée à Montréal.
Cette somme permettra notamment à la Ville de Montréal d’embaucher 450 policiers sur cette même période, a indiqué la vice-première ministre et ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, samedi après-midi, lors d'un point de presse.
Mme Guilbault était accompagnée de la ministre responsable de la Métropole et de la région de Montréal, Chantal Rouleau, de la mairesse de la Ville de Montréal, Valérie Plante, et de la directrice par intérim du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), Sophie Roy.
Elles voulaient parler d'une voix forte et solidaire
, a souligné Mme Guilbault.
C’est un moment fort, qui montre qu’on est tous ensemble pour répondre de manière facile, rapide et habile
aux besoins des citoyens en matière de sécurité, a ajouté la mairesse Plante.
La violence armée est devenue un problème persistant à Montréal, et ça déborde [partout]. C'est assez
, a martelé Mme Guilbault. Nos citoyens sont inquiets. Leur sentiment d’inquiétude est là, et on les comprend.
Les actes de violence par armes à feu se sont en effet multipliés dans la métropole au cours des derniers mois et font naître de l'insécurité dans la population. Ce sentiment a encore été accentué, selon la ministre, par les deux fusillades qui sont survenues à Montréal mardi en plein jour et qui ont fait autant de victimes en l’espace de 30 minutes.

Le reportage de Marie Isabelle Rochon
Défi du recrutement
Cette aide permettra à la Ville d'embaucher jusqu'à 450 nouveaux policiers qui seront sur le terrain d'ici cinq ans.
Selon la répartition des sommes dévoilées, Québec dépensera 250 millions de dollars sur cinq ans (soit 50 millions par an) pour renforcer le SPVM.
Sur ces 50 millions de dollars annuels, 45 millions serviront à doter le SPVM de 225 policiers supplémentaires. La Ville compte en embaucher tout autant, ce qui porte à 450 le nombre de nouveaux agents promis pour les cinq prochaines années.
Une somme de 5 millions de dollars par année sera également utilisée pour embaucher 50 travailleurs sociaux afin de délester les policiers de diverses tâches reliées à la santé mentale, à l'itinérance et à la toxicomanie, a expliqué Mme Guilbault en entrevue à ICI RDI en après-midi.
Parmi les autres mesures proposées figurent aussi le retour de retraités et l'aide ponctuelle de la Sûreté du Québec.
C’est une opération axée sur la visibilité. Ce qu’on veut, c’est que nos policiers soient présents sur le terrain
, a souligné la ministre de la Sécurité publique.
Les Montréalais ont besoin de sentir la présence policière dans les rues et les parcs.
La ministre n'a pas manqué de saluer les efforts déployés par le gouvernement du Québec dans le cadre de l'opération CENTAURE, une stratégie de lutte contre la violence liée aux armes à feu.
On va intensifier les opérations de l’unité CENTAURE, le gouvernement sera au rendez-vous
, a assuré Mme Guilbault, qui estime qu'être un policier en 2022 est très difficile
.

Jérôme Bergeron s'entretient avec la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault.
La ministre de la Sécurité publique a ajouté qu'une entente avait été conclue avec l'École nationale de police pour la création de 72 nouvelles places par année dans son programme de formation, afin d'avoir plus de recrues disponibles pour le SPVM.
Cette formation débutera en novembre pour s'achever à la fin de mars 2023, a précisé la ministre en entrevue, en rappelant que 756 personnes sont formées annuellement à l'École nationale de police, dont 30 % rejoignent les rangs du SPVM.
Malgré tout, la ministre a évoqué un défi de recrutement
pour lequel la Ville et son service de police devraient mettre en place une offensive
pour l'attraction et la rétention de policiers.
Est-ce qu’en amont le système scolaire incluant l’École nationale de police va pouvoir suffire? Est-ce qu’il va y avoir de l’intérêt chez les candidats?
a demandé le policier à la retraite André Gélinas, en entrevue à ICI RDI. À ses yeux, 450 nouveaux agents, ça fait quand même beaucoup de monde à trouver
.
Comment l’administration va-t-elle être capable de retenir ces gens, de les attirer et surtout de les trouver?

La directrice intérimaire du SPVM, Sophie Roy, et la ministre responsable de la Métropole et de la région de Montréal, Chantal Rouleau
Photo : La Presse canadienne / Graham Hughes
Les policiers sont fatigués
La ministre responsable de la Métropole et de la région de Montréal, Chantal Rouleau, a souligné lors de la conférence de presse que la situation est grave
et qu'elle nécessite donc une réponse rapide et efficace.
On veut que le climat de paix soit rétabli à Montréal. C'est inacceptable que des événements tragiques se perpétuent ici. On veut le Montréal d'avant : le Montréal sécuritaire et paisible. Trop, c'est trop.
Valérie Plante, qui a récemment fait l'objet de vives critiques pour sa gestion de la lutte contre la violence armée, s'est réjouie de l'aide de Québec, tout comme la Fraternité des policiers et policières de Montréal.
Cette dernière salue l’effort du gouvernement du Québec, de Montréal et du SPVM pour augmenter les effectifs policiers et rétablir le sentiment de sécurité de la population
, a-t-elle déclaré sur Twitter.
La directrice par intérim du SPVM, Sophie Roy, a assuré que son organisme a l'expertise nécessaire pour faire face à la violence armée.
Ce que nous voulons, c'est protéger la population et rehausser son sentiment de sécurité
, a-t-elle ajouté. Nos policiers s’activent sur le terrain, ils ont besoin du soutien de la population et de leurs partenaires.
Montréal ne sera pas le terrain de jeu des criminels.
Notre plan est clair. Pour lutter contre la violence armée, il faut travailler sur trois axes : contrôler les armes à feu, les groupes criminels et mener une campagne de prévention
, a rappelé la mairesse.
Sur les trois points, les policiers ont fait un bon travail, mais ils sont fatigués. On a besoin d’eux, mais ils ont besoin de nous
, a fait savoir Mme Plante, en reconnaissant qu'il reste du travail à faire.
Le péril jeune
Certains intervenants de première ligne demeurent sceptiques quant à l'attribution de millions et de millions
à la police.
Ces investissements ne rejoignent pas la source
du problème, soit les jeunes impliqués dans la violence armée, a dénoncé l'intervenant communautaire Pierreson Vaval.
Pour ce récipiendaire d'une médaille de la gouverneure générale du Canada en 2002, il faudrait un meilleur soutien financier, politique et une reconnaissance accrue des acteurs œuvrant avec une approche bienveillante, de confiance
auprès des communautés marginalisées.
Quand va-t-on voir des millions et des millions de dollars dans une stratégie pour travailler à la source [du problème] et non sur les symptômes?
M. Vaval verrait plutôt un financement redirigé pour qu’on puisse […] accompagner des jeunes qui ont des dossiers criminels, qui sortent de prison, qui ont des problèmes de toxicomanie, de comportement, ou qui ont décroché de l’école
, a-t-il poursuivi, en citant le cercle vicieux de la violence qui peut guetter les plus vulnérables en voie de prendre une mauvaise décision
.
M. Vaval s'est aussi désolé du discours ambiant qui, d'après lui, encourage uniquement la panique et une certaine hystérie par rapport à cette violence
.
Ce sont des jeunes qu’on connaît, ce ne sont pas des extraterrestres. Ils ont besoin de sentir qu’on a besoin d'eux dans notre communauté
, a-t-il fait valoir.
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Avec les informations de Marie Isabelle Rochon et de La Presse canadienne