Une demandeuse d’asile d’Ottawa reçoit son permis de travail le jour de son expiration
Eden Zebene vit à Ottawa depuis qu'elle a fui l'Éthiopie, en février 2021.
Photo : Radio-Canada / Buntola Nou
Une demandeuse d’asile d'Ottawa qui a fui la guerre civile en Éthiopie est exaspérée. Une erreur d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada sur son permis de travail l’empêche de travailler, d’étudier et d’obtenir des soins de santé, et ce, alors qu’elle attend depuis 16 mois que son dossier progresse.
Eden Zebene vit à Ottawa depuis qu'elle a fui l'Éthiopie, en février 2021. La jeune femme de 23 ans attend que son dossier soit entendu par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, le plus important tribunal administratif indépendant au Canada.
J'étais très déprimée parce que je n'ai rien à faire ici. Je reste toujours à la maison. Je ne peux pas étudier ou je ne peux pas [travailler].
Pendant près d’un an et demi, elle a tenté de faire avancer son dossier auprès d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada par téléphone, par courriel, en personne et par l’intermédiaire d’un avocat. Elle a finalement eu son entrevue d’admissibilité à la fin du mois de juillet, une étape que les demandeurs doivent franchir pour obtenir un permis de travail et d’études.
Bien qu'elle n'ait toujours pas de permis d'études, elle a finalement obtenu son permis de travail ce mois-ci, ce qui lui a donné une lueur d'espoir, mais elle a découvert qu'il avait expiré le jour même de sa délivrance, le 6 août 2022.
Je suis très déçue. Je me suis sentie humiliée. Je pensais que personne ne se souciait de moi dans ce pays. J’ai beaucoup pleuré
, a-t-elle confié avec émotion, ajoutant que ses mésaventures ont des conséquences néfastes sur sa santé mentale.
CBC
a demandé, mardi, à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) de commenter la situation de Mme Zebene, mais n'a pas reçu de réponse avant l’heure de publication.À lire aussi :
Vivre dans la peur
Eden Zebene a mentionné que sa famille a fait l'objet d'attaques brutales dans la région d'Oromia, en Éthiopie. Elle a raconté que sa maison familiale et son entreprise ont été incendiées.
Elle dit avoir été détenue, battue, insultée, menacée et agressée sexuellement par les forces de sécurité éthiopiennes en raison de son ethnie et d'opinions politiques exprimées par le passé, peut-on lire dans sa demande formulée auprès d'IRCC
.Les régions du nord de l'Éthiopie sont en proie à des conflits depuis le début d'une guerre civile, en novembre 2020, où toutes les parties ont été accusées d'atrocités. Bien qu'il n'existe aucun chiffre officiel du gouvernement, on estime que des milliers de membres de la communauté Amhara, seconde ethnie du pays, ont été tués et des millions de personnes déplacées.
J'avais peur pour ma vie. Si je reviens, je serai maltraitée, détenue, tuée, torturée.
Désormais en sécurité au Canada, elle rêve d'étudier l'informatique dans une université d'Ottawa et de travailler à temps partiel. Or, sans permis valide et sans numéro d'assurance sociale, elle ne peut le faire.
Elle est également enceinte et a eu un problème de santé, il y a quelques mois. Mais Mme Zebene n'a pu avoir accès qu'à des soins de base dans une clinique pour nouveaux arrivants dans le cadre de sa couverture médicale fédérale provisoire, en attendant d'être admissible à l'assurance maladie de l'Ontario.
Mme Zebene a tenté à plusieurs reprises de contacter IRCC
pour faire réparer la récente erreur commise sur son permis de travail, mais en vain.Je suis jeune, et je crois que je peux faire beaucoup pour ce pays et aussi pour moi-même. S'il vous plaît, faites quelque chose et aidez-moi.
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Ses rêves se sont effondrés
Le mari d’Eden Zebene, Tizazu Yamitu, a déclaré qu'il a été difficile de voir sa femme lutter.
C'était [une] expérience très traumatisante. Ce processus bureaucratique, il a drainé son énergie et sa motivation. Tous ses rêves se sont effondrés sous ses yeux.
Il se demande comment une erreur aussi banale
a pu être commise sur un document aussi important.
M. Yamitu, qui était également demandeur d'asile en 2017, souhaite qu'IRCC
forme correctement ses employés. Il implore que les erreurs soient rapidement corrigées et que les agents d'immigration aient de l'empathie pour les demandeurs d'asile.Ils doivent réaliser qu'ils sont en train de décider du sort de quelqu'un. C'est inimaginable de penser que ce genre d'erreurs puisse se produire.
Ne sachant pas quand elle sera entendue par la commission des réfugiés, Tizazu Yamitu demande à IRCC
d'accélérer sa demande de parrainage de conjoint pour Mme Zebene, soumise il y a deux mois. Il s'agit d'une autre voie que le couple a empruntée pour obtenir la résidence permanente pour la femme de 23 ans.L’attente la plus longue, selon un avocat
L’avocat d’Eden Zebene, Teklemichael Sahlemariam, qui pratique le droit des réfugiés, a mentionné à CBC
que l'attente de 16 mois pour l'entretien d’admissibilité est la plus longue qu'il ait jamais vue parmi ses clients.Ce n’est pas normal
, dit-il.
Me Sahlemariam explique qu'il recommande à ses clients d'Ottawa de changer leur adresse à Toronto, si possible, pour éviter les retards. Cela arrive souvent à mes clients d'Ottawa. Cela a été excessivement retardé.
L’avocat n'a également jamais vu IRCC
fournir un permis de travail qui expire le jour même de sa délivrance, mais une semaine avant d'entendre parler du permis expiré de Mme Zebene, il a vu un courriel d'un autre avocat dont le client a vécu une expérience similaire.Ce genre de pépin technique peut arriver. Je n'en suis pas surpris
, a-t-il déploré, ajoutant que l'IRCC devrait pouvoir y remédier facilement.
« Ce qui me dérange sérieusement, plutôt, c'est le temps qu'il lui a fallu pour obtenir ce permis de travail. »
Me Sahlemariam, qui est également originaire de l’Éthiopie, a déclaré que le vécu de sa cliente dans son pays d'origine était traumatisant. Il s'est dit abasourdi par le fait qu'il ait fallu tant de temps pour que le dossier de sa cliente avance, car il y a une forte documentation sur sa persécution en Éthiopie.
Elle voulait être productive, rendre service à la communauté, payer des impôts, mais elle a été obligée de dépendre de l'aide sociale, et ce, en raison de problèmes indépendants de sa volonté.
Avec les informations de Priscilla Ki Sun Hwang, de CBC News