Commission sur le caribou : des experts soulagés, l’industrie forestière déçue du rapport

La Commission indépendante sur les caribous forestiers et montagnards a remis son rapport lundi.
Photo : iStock
Les réactions sont partagées à la suite de la publication, lundi, du rapport de la Commission indépendante sur les caribous forestiers et montagnards. Tandis que des experts en caribou se disent agréablement surpris des 35 recommandations faites par les commissaires, l'industrie forestière se montre inquiète quant à la survie de son économie dans certaines régions comme la Côte-Nord.
La Commission recommande entre autres de créer davantage d’aires protégées et d'abandonner le scénario qui n'avait aucun impact sur l'industrie forestière.
Le biologiste de la faune et spécialiste dans l'écologie du caribou Serge Couturier, qui a été la première personne à prendre la parole lors de la première séance publique de la Commission à Sainte-Anne-des-Monts, qualifie le travailleur des commissaires de remarquable
.
Serge Couturier se réjouit que les recommandations soient concrètes et qu'elles prennent en considération les réalités de chacune des régions.
La Commission a fait un travail très professionnel
, indique le spécialiste. [Les commissaires] ont balancé, ils ont tenu compte de la conservation du caribou, mais en même temps ils ont dit : "l'exploitation forestière, c'est une activité importante au Québec et dans les régions"
, ajoute-t-il.
Pour sa part, le professeur en écologie animale à l'Université du Québec à Rimouski (UQAR), Martin Hugues Saint-Laurent, se questionne sur l'intention du gouvernement face à ces recommandations. Il souligne que le rapport a été rendu public sans tambour ni trompette lundi.
« Là où je suis déçu, c'est qu'on s'est fait vendre dans la dernière année l'importance de cette commission-là et je me serais attendu à un battage médiatique peut-être un petit peu plus grand. »
Je me serais attendu à des conférences de presse, à une prise de position du ministre [Pierre Dufour]¸ pour dire : écoutez, on l'attendait, on l'a enfin ce rapport-là
, mentionne le professeur.
Le ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs, Pierre Dufour, a refusé notre demande d'entrevue en lien avec la diffusion du rapport. Par voie de communiqué, il indique toutefois que les recommandations contenues dans ce rapport feront maintenant l'objet d'analyses par les spécialistes du Ministère qui travaillent à l'élaboration de la stratégie à venir en 2023
.
La Commission échoue
dans sa mission, selon Boisaco
Le Groupe Boisaco, un joueur important dans l'industrie forestière de la Côte-Nord, se dit déçu du document du rendu public lundi.
L'entreprise soutient que la Commission a échoué dans sa mission.
Le président, Steeve St-Gelais, déplore que les premiers perdants de ce rapport soient les travailleurs forestiers.
« Nos citoyens, nos travailleurs, nos enfants, les générations futures [...] à notre sens, ce sont eux les plus perdants. »
Selon M. St-Gelais, la mise en place des mesures de protection proposées dans le rapport risque de faire perdre entre 200 et 300 emplois chez les 600 travailleurs de la scierie et des autres filiales du groupe Boisaco.
L'alliance Forêt boréale, un groupe d'élus de la Côte-Nord et du Saguenay–Lac-Saint-Jean qui milite pour les intérêts des communautés forestières, se montre aussi très inquiète face au rapport.
Pour Yanick Baillargeon, le président de l'alliance, la Côte-Nord est la région qui pourrait être la plus touchée si les recommandations de la Commission sont mises en œuvre et limitent l'activité des forestières.
Il critique le travail de la Commission qui n'a pas tenu en compte l'industrie forestière, selon lui.
L'Alliance et Boisaco avaient remis en question le déclin du caribou il y a quelques mois.
Les Innus se sentent entendus
Le vice-chef au conseil des Innus de Pessamit, Jérôme Bacon St-Onge, est soulagé de voir que plusieurs des demandes des communautés autochtones ont été entendues par les commissaires et se retrouvent dans leurs recommandations.
Par exemple, la Commission recommande de développer une aire protégée dans le Pipmuacan, territoire traditionnel des Innus de Pessamit.
Jérôme Bacon St-Onge espère maintenant que le gouvernement mettra rapidement en œuvre ces recommandations. L'aire protégée du Pipmuacan, c'est pour nous très, très symbolique, et il faut la mettre en œuvre non pas dans les 10 mois qui suivent le rapport, mais maintenant
, demande-t-il.
« Parce que l'urgence d'agir est très claire pour nous et pour les commissaires qui ont entendu nos mémoires, nos prétentions, nos préoccupations. »
Il y a une dizaine de jours, la communauté innue de Pessamit a mis en demeure Québec et Ottawa pour que des mesures immédiates soient mises en place afin de favoriser la protection des caribous forestiers.
Avec les informations de Gilles Munger et Camille Lacroix