Une caricature jugée islamophobe publiée dans l’Acadie Nouvelle dérange
Attention : des images ou des propos publiés dans cet article pourraient choquer certains lecteurs.

Saly Davis et Paryse Suddith ont été choquées par la caricature.
Photo : Radio-Canada
Deux militantes anti-islamophobie dénoncent une caricature jugée discriminatoire publiée par le quotidien l’Acadie Nouvelle, le 17 août. Elles demandent aux gens de l'Acadie de s’informer sur la diversité et aux médias de ne plus publier ce genre de matériel.
Paryse Suddith et Saly Davis ont organisé mardi matin une conférence de presse à Moncton. Elles disent toutes deux avoir eu le cœur brisé lorsqu’elles ont découvert l’image du caricaturiste Marcel Boudreau dans le quotidien francophone du Nouveau-Brunswick.
La caricature en question montre un homme portant un turban et tenant un fusil d'assaut qui tire une femme voilée à quatre pattes. Ils sont comparés à un homme et une femme des cavernes avec cette question : « L'évolution...? ».
Les deux bras me sont tombés
, dit Paryse Suddith. C’était selon moi aberrant que [ce contenu] discriminatoire venait d’un journal tel que l'Acadie Nouvelle.
« Quel message croyez-vous que les lecteurs francophones auront retenu de la caricature de M. Boudreau? Je crois que les gens de tous âges mal éduqués resteraient avec une perception que tous les musulmans traitent leurs femmes de façon inappropriée. »
Paryse Suddith souligne qu'environ 24 % de la population mondiale est musulmane.
C’est atroce, c’est discriminatoire, c’est raciste. C’est de l’ethnocentriste de la part des Acadiens que d’accepter de mettre cela dans un journal
, dit-elle.
Saly Davis, mère de famille, craint que de telles représentations incitent certaines personnes à faire des actes haineux.
Allez faire sûr que les membres de votre communauté qui ressemble à la personne dans cette caricature sont corrects et se sentent protégés et se sente en sécurité
, dit-elle. Parce que la réalité, c'est que plusieurs ne se sentent pas en sécurité et plusieurs ne se sentaient pas en sécurité avant cet incident.
L’Acadie Nouvelle se défend
L’Acadie Nouvelle n'a pas accepté d’accorder une entrevue à Radio-Canada. Son éditeur et directeur général, Francis Sonier, a indiqué dans une déclaration écrite que la caricature visait à dénoncer le comportement des talibans dans une région précise du monde, l’Afghanistan. Rien d’autre
.
La veille de la publication de la caricature, le quotidien avait publié un article sur la première année des talibans au pouvoir en Afghanistan.
On y voyait dans la photo accompagnant l’article des combattants talibans brandissant des fusils, célébrant leur retour au pouvoir.
Dans le contexte de ce qui précède, celle-ci relevait les éléments essentiels de ce qui était rapporté la veille
, dit Francis Sonier. Des utilisateurs du site web nous ont signifié le manque de contexte de cette caricature. Nous l'avons donc retirée puisqu'il [l'article initial du 16 août] ne se retrouve pas sur le site.
Malgré le retrait de la caricature du site, il demeure que 43 000 exemplaires en papier ont été distribués en Acadie.
De l’information pour la société et pour les médias
Outre cet incident, les deux femmes estiment que l’islamophobie est présente dans la société nord-américaine et que l’Acadie ne fait pas exception.
Nous ne semblons pas vouloir admettre que le racisme existe, que l'islamophobie existe et que la violence peut se produire
, dit Saly Davis. Le racisme existe en Acadie et de façon assez agressive. Tellement agressive que cela empêche une catégorie complète de personnes d’oser prendre la parole.
« Apprendre sur l’islamophobie en Amérique du Nord, c’est une urgence extrême. »
Paryse Suddith affirme que, dans les provinces maritimes, [il y a] des problèmes qu'il faut adresser, on ne peut pas guérir des traumatismes sociaux si on ne va pas prendre des formations et s’éduquer
.
Syla Davis – née au Nouveau-Brunswick de parents égyptiens – dit avoir souvent vécu du racisme, lorsqu'elle était enfant. Elle raconte qu'elle a été battue et humiliée à plusieurs reprises, parfois même dans la cour d’école.
Lorsqu'elle a vu la caricature de l’Acadie Nouvelle, ses vieux traumatismes sont remontés à la surface. C’est un des messages les plus traumatisants et violents que je n’ai jamais reçus
, lance-t-elle, ébranlée.
Nous avons déshumanisé toute une population de personnes en nous basant sur des vêtements et une apparence culturelle, et en les comparant à des hommes des cavernes. C'est un abus
, croit-elle.
Les deux femmes souhaitent maintenant que le débat soit ouvert publiquement, et que tous fassent un effort de conscientisation.
De plus, Paryse Suddith croit que les médias ont un rôle à jouer.
Les médias ont beaucoup contribué au problème. Ceci doit être adressé publiquement
, dit-elle. On demande à tous les médias que des choses se fassent pour ne pas que la discrimination se perpétue. Des formations antiracisme et de l'appréciation de la diversité sous toutes ses formes.
Avec les informations de Noémie Avidar