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Environnement : le bilan de la CAQ plombé par un « manque de cohérence et de vision »

Benoit Charette lors d'un point de presse.

Benoit Charette est le ministre de l'Environnement de la Lutte contre les changements climatiques depuis janvier 2019.

Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel

Après quatre années au pouvoir, la Coalition avenir Québec (CAQ) ne s'est pas donné les moyens d'atteindre ses cibles de réduction d'émissions de gaz à effet de serre et d'assurer la transition énergétique, selon des experts. Tandis que l'horizon pour redresser le tir se rapetisse, voici un survol du bilan environnemental de la CAQ.

Élu en 2018 avec une plateforme électorale peu prometteuse en matière de lutte contre les changements climatiques, le premier ministre François Legault a récemment déclaré qu'aucun gouvernement avant lui n'avait su présenter un meilleur bilan environnemental que la CAQ.

Même si c'est sous sa gouverne que le Québec s'est doté d'une Stratégie québécoise sur l'hydrogène vert et les bioénergies, ou encore de la première Politique nationale de l'architecture et de l'aménagement du territoire, le gouvernement Legault voit son plan compromis par un manque criant de vision, de cohérence et de responsabilisation, selon des experts.

Au Québec, tous les gouvernements qui se sont succédé ont repoussé en avant le moment inévitable de réellement s’atteler à la transition énergétique, qui aurait dû être [entamée] depuis les années 1990, estime Colin Pratte, chercheur à l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques (IRIS).

Et la CAQ n'y fait pas exception.

L'usine de Ciment McInnis à Port-Daniel-Gascons.

La cimenterie McInnis, à Port-Daniel en Gaspésie, a émis à elle seule 1,03 million de tonnes en 2019.

Photo : Radio-Canada / Isabelle Larose

Trajectoire trouble vers la carboneutralité

Le gouvernement Legault sait d'ores et déjà qu'il pourra difficilement atteindre sa cible d'ici 2030, soit celle d'avoir réduit les émissions de gaz à effet de serre (GES) globales du Québec de 37,5 % par rapport à leur niveau de 1990.

Le ministre de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, convient que la marche à franchir est « très haute », et le défi à l'horizon 2030, colossal.

Selon le plus récent inventaire des émissions de gaz à effet de serre (Nouvelle fenêtre) par secteur, le bilan s'élevait à 84,3 mégatonnes (Mt) d'équivalent CO2 en 2019, soit une diminution de 2,7 % par rapport à 1990. Pour atteindre son objectif d'ici 2030, le Québec devrait réduire à 54 Mt éq. CO2 son bilan annuel.

Québec a dévoilé en novembre 2020 son Plan pour une économie verte 2030, qui définit les mesures à mettre en place afin d'atteindre la cible climatique de 2030 – et pour poursuivre dans le droit chemin vers la carboneutralité, prévue pour 2050.

Or, la stratégie du gouvernement s'appuie essentiellement sur l'électrification de l'économie et la diffusion de formes d'énergie pour le moment marginales, telles que l'hydrogène vert ou le gaz naturel renouvelable, fait remarquer M. Pratte.

L'approche du gouvernement en la matière en est une de techno-optimisme, qui consiste à se focaliser sur des changements technologiques [pour répondre à la crise climatique] plutôt que [sur] des changements socioéconomiques en profondeur, dit-il.

De 2016 à 2019, les GES ont en fait connu une augmentation de près de 3 %, s'inquiète le chercheur. La tendance s'est donc poursuivie après l'arrivée au pouvoir de la CAQ, en 2018.

Le gouvernement manque de vision pour s'attaquer au cœur du problème qui est le suivant : plus de la moitié de la consommation énergétique du Québec repose encore sur les combustibles fossiles, précise M. Pratte.

D'après Normand Mousseau, physicien et directeur scientifique de l’Institut de l’énergie Trottier, la CAQ a choisi de politiser la question environnementale afin de garder la mainmise sur les fonds destinés à la lutte contre les changements climatiques.

Sous le gouvernement Legault, le Conseil de gestion du Fonds d'électrification et de changements climatiques (ancien Fonds vert) ainsi que la société d'État Transition énergétique Québec ont été abolis, alors qu'ils auraient dû être renforcés, soutient M. Mousseau. C'était un recul majeur, puis je dirais une décision politique de s'assurer de l'échec de l'atteinte de nos cibles, estime-t-il.

Il est absolument impossible d'atteindre nos objectifs avec la structure de gouvernance actuelle, et c'est un choix politique.

Une citation de Normand Mousseau, physicien et directeur scientifique de l'Institut de l'énergie Trottier

Pendant son mandat, le gouvernement Legault a adopté la loi officialisant la fin de l'exploration et de la production d'hydrocarbures en sol québécois. Il a aussi fait inclure la cible climatique de 2030 à la Loi visant principalement la gouvernance efficace de la lutte contre les changements climatiques et à favoriser l'électrification, qui attribue noir sur blanc la responsabilité du respect des cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixées par le gouvernement au ministre de l'Environnement.

Le ministre Charette s'est donné une loi contre laquelle il va pourtant tous les jours en disant que ce n'est pas atteignable, reproche M. Mousseau. Ça montre clairement où se positionne la CAQ.

Bien qu'il ait tourné le dos au projet de GNL Québec, une usine de liquéfaction de gaz naturel qui aurait pu voir le jour au Saguenay, le gouvernement Legault persiste tout de même à miser sur le recours aux énergies fossiles, comme en fait foi l'entente entre Hydro-Québec et Énergir.

En vertu de celle-ci, la gestion de la pointe hivernale, soit l'alimentation en électricité dans les périodes de grands froids, maintient un rôle essentiel pour le gaz naturel dans le secteur du bâtiment – responsable de 10 % du bilan des émissions de GES au Québec –, selon un rapport de l'Institut de l'énergie Trottier paru en juin.

Le Québec est pourtant à l'heure d'une transformation majeure du système énergétique, d'une ampleur inégalée, souligne Normand Mousseau. On ne peut pas faire ça en prenant des décisions à la pièce, déconnectées, décousues et qui vont l'une contre l'autre.

Plusieurs véhicules sont pris dans la congestion routière du pont Jacques-Cartier, à l'heure de pointe matinale à Montréal, alors qu'on voit les feux de circulation signalant les voies ouvertes et fermées dans les deux sens.

Au Québec, 43,3 % des émissions de gaz à effet de serre proviennent du secteur des transports.

Photo : Radio-Canada / Simon-Marc Charron

Électrification des transports : loin des cibles

Dans la province, le secteur des transports est le plus grand émetteur de GES et compte pour 43,3 % du plus récent bilan. À l'heure actuelle, il serait toutefois hasardeux d'espérer des réductions majeures dans ce secteur.

Le rapport de l'Institut de l'énergie Trottier explique que sa contribution potentielle à l'objectif de 2030 est en réalité très limitée, notamment en raison du lent taux de renouvellement des voitures et du manque de diversité dans l'offre de véhicules zéro émission au Québec.

Au moment où il serait essentiel de réduire le recours à l'automobile solo, note l'Institut, le nombre de véhicules sur les routes augmente deux fois plus vite que la population du Québec.

Rien n'a été mis en place pour limiter l'augmentation du parc automobile, déplore M. Mousseau. Ça impliquerait davantage de transports en commun, mais on a même coupé dans le transport interrégional par autobus et on n'offre pas d'alternatives.

Depuis 1990, le poids net médian des véhicules de promenade a augmenté de 30 % en raison de la hausse vertigineuse des camions légers comme les VUS, camionnettes et minifourgonnettes, rappelle de son côté Colin Pratte.

Les camions légers, poursuit-il, composaient 14 % du parc de véhicules de promenade en circulation il y a 30 ans. Ils représentaient une proportion de 43 % en 2019, soit le triple.

De 1990 à 2019, le bilan carbone de l'ensemble des camions légers a augmenté de 5,73 Mt de GES, tandis que la combustion industrielle – où beaucoup d'efforts ont été mis pour réduire les émissions, note M. Pratte, – a vu son bilan diminuer de 5,55 Mt.

La hausse de l'empreinte carbone des camions légers annule des gains environnementaux précieux du secteur industriel québécois.

Une citation de Colin Pratte, chercheur associé à l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques (IRIS)

Pour la CAQ, la solution reviendrait à électrifier les VUS. Or, on se retrouverait tout de même avec des véhicules plus énergivores, plus lourds, donc dommageables pour le réseau routier, et plus exigeants sur le plan de l'extraction de minéraux et métaux nécessaires à leur production, dit-il.

En juin dernier, le gouvernement a rehaussé son objectif de véhicules électriques sur les routes de la province, le faisant passer de 1,5 million à 1,6 million d'ici 2030.

Le gouvernement a indiqué du même souffle vouloir raccourcir les listes d'attente dans laquelle se retrouvent les Québécois qui désirent se tourner vers un véhicule zéro émission. Rappelons que Québec entend interdire à compter de 2035 la vente de véhicules à essence neufs.

Qu'en est-il de l'exemplarité de l'État?

Québec s'est engagé à avoir électrifié la totalité des automobiles, fourgonnettes, minifourgonnettes et véhicules utilitaires sport, ainsi que le quart des camionnettes du parc automobile gouvernemental d'ici 2030.

Selon les plus récentes données du MTQ, seuls 2111 des 21 332 véhicules que compte le parc automobile du gouvernement fonctionnent en tout ou en partie à l'électricité. De ce nombre, 133 véhicules sont considérés comme zéro émission (100 % électriques et à pile à combustible).

En date du 26 juillet dernier, aucun véhicule de fonction mis à la disposition des ministres n'était 100 % électrique. Sur 45 véhicules, 19 d'entre eux sont toutefois hybrides ou hybrides rechargeables.

Au fur et à mesure que les véhicules sont remplacés, une analyse est faite pour fournir celui qui répond aux besoins opérationnels de chacun, explique Louis-André Bertrand, porte-parole du MTQ.

En date du 30 avril 2022, l'Association des véhicules électriques du Québec dénombrait seulement ​141 085 véhicules électriques dans le parc automobile de la province.

Des incitatifs financiers, destinés à annuler le surcoût des véhicules électriques, sont offerts au fédéral comme au provincial. Pourrait-on considérer d'imposer des pénalités pour décourager les acheteurs de véhicules plus énergivores?

S'il est réélu, François Legault ne se tournerait pas vers cette option. Le premier ministre a récemment fermé la porte à l'instauration d'un « malus ».

Disant ne pas perdre de vue sa cible à l'horizon 2050, M. Legault a rappelé que son gouvernement avait annoncé d'importants chantiers pour développer le transport collectif, comme le REM de l'Est et la ligne bleue.

Maquette de deux petits tunnels côte à côte sous l'eau, vis-à-vis de la ville de Québec.

Long de 8,3 kilomètres, le projet de 3e lien, qui relierait Québec à Lévis, doit entrer en fonction en 2031.

Photo : site du Réseau express de la capitale

Le 3e lien, « emblématique » de la gestion environnementale de la CAQ

Pomme de discorde s'il en est une, le projet de pont-tunnel reliant Québec à Lévis était une promesse électorale de 2018 que la CAQ entendait réaliser dans un premier mandat. Mais ce troisième lien routier a suscité une vive opposition des autres partis siégeant à l'Assemblée nationale et divisé la population.

Le premier ministre Legault est même allé jusqu'à vanter les retombées environnementales d'un tel projet, évoquant notamment les détours évités par les automobilistes qui circulent d'une rive à l'autre du Saint-Laurent.

La CAQ estime en outre qu'avec l'augmentation de véhicules électriques sur les routes dans les années à venir, le tunnel accueillera les véhicules zéro émission jusqu'à la fin de leur vie utile. Un argument qui est loin de convaincre les spécialistes de la décarbonation.

Le ministre des Transports, François Bonnardel, a assuré que la construction du troisième lien « sera elle-même carboneutre », donc que le gouvernement compensera les émissions produites en cours de route.

Bien qu'une étude d'impact environnemental ait été lancée en septembre 2021, le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) ne devrait pas se pencher sur ce projet avant 2023. À Ottawa, le ministre de l'Environnement Steven Guilbeault a affirmé que le projet serait également soumis à une évaluation environnementale.

Ce projet ne tient pas la route, tranche Normand Mousseau, qui juge que le 3e lien est emblématique de la gestion environnementale de la CAQ. On n'a publié aucune étude sur les besoins, les effets, les impacts environnementaux, ajoute-t-il.

Pascale Biron, professeure au Département de géographie, urbanisme et environnement à l'Université Concordia, abonde dans le même sens. C'est la quintessence de ce qu'il ne faut pas faire!, lance-t-elle.

C’est le discrédit que ça jette sur tout plan environnemental. La main gauche et la main droite ne peuvent pas ne pas se parler.

Une citation de Pascale Biron, professeure au Département de géographie, urbanisme et environnement à l'Université Concordia et membre de l'initiative Le climat, l'État et nous

Ce projet que le gouvernement Legault entend mettre en oeuvre va à l'encontre du dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), souligne de son côté Colin Pratte.

Le GIEC y a mentionné pour la première fois l'importance de stratégies visant à réduire la demande [énergétique], explique-t-il. Les infrastructures, comme un pont ou un tunnel, sont particulièrement critiques parce qu'elles vont orienter les habitudes et les comportements d'une société sur une longue période, précise le chercheur.

Nous savons qu'en Amérique du Nord, le défi est moins celui de l'électrification des transports que celui d'une collectivisation des transports, ajoute-t-il. Et le troisième lien nous en éloigne.

La Fonderie Horne, vue des airs.

La Fonderie Horne, à Rouyn-Noranda, vue des airs.

Photo : Radio-Canada / Thomas Gerbet

Qualité de l’air : de l'opposition de l'économie et de l'environnement

Le ministre de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques s'est récemment rangé aux côtés du directeur national de santé publique, Luc Boileau, en suggérant que la Fonderie Horne, à Rouyn-Noranda, respecte un plafond annuel de 15 nanogrammes d’arsenic par mètre cube (ng/m3) dans l'air d'ici les cinq prochaines années. Une limite supérieure à la norme québécoise de 3 ng/m3.

L'usine de cuivre, propriété de la multinationale Glencore, s'est dite en mesure d'atteindre ce seuil d'ici l’été 2027 – sans toutefois s'engager à respecter la norme nationale sur l'ensemble du territoire.

La fonderie devra en outre réduire ses concentrations moyennes annuelles et journalières pour l'arsenic, le cadmium et le plomb, ainsi que l'ampleur et la fréquence des pics de dioxyde de soufre.

Depuis 2021, la Fonderie Horne bénéficie d'une entente conclue avec Québec qui lui permet d'atteindre une moyenne annuelle d'émissions de 100 ng/m3, soit 33 fois plus que la norme québécoise.

Le ministre Charette juge toutefois impossible que l'usine respecte un plafond de 3 ng/m3 d'ici cinq ans.

Préoccupés par les récentes données publiées par la santé publique qui montrent une incidence du cancer du poumon ainsi qu'un pourcentage de maladies pulmonaires obstructives chroniques plus élevé à Rouyn-Noranda qu'ailleurs dans la province, une cinquantaine de médecins québécois avaient interpellé le premier ministre Legault afin de le sommer d'agir.

Mais la fermeture pure et simple de l'usine poserait problème : la fonderie embauche 650 travailleurs et permet des retombées économiques non négligeables pour la Municipalité.

Le cas de la Fonderie Horne pose la difficile question du plan de transition socioécologique pour les régions du Québec, dont certaines demeurent très dépendantes des industries lourdes, observe Colin Pratte, chercheur à l'IRIS.

On voit apparaître la vision de la CAQ, qui est celle où on oppose l'économie à l'environnement, plutôt que de chercher à les réconcilier.

Une citation de Colin Pratte, chercheur associé à l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques (IRIS)

Le chercheur note que près de la moitié des 89 entreprises qui détiennent une attestation d'assainissement (ou autorisation ministérielle) au Québec, comme c'est le cas de la Fonderie Horne, appartiennent au secteur minier. Ce dernier est appelé à croître, puisque la stratégie climatique [du gouvernement Legault] mise sur une sortie des combustibles fossiles par l'électrification, note le chercheur.

Or, on sait que l'électrification va augmenter l'extraction de minerais, au Québec comme partout dans le monde, poursuit-il. Ce faisant, des conflits reliés à des minéraux critiques, comme le graphite ou le lithium, augmenteront dans les années à venir entre population, écosystèmes et industries, et poseront des problèmes sur le plan de la durabilité écologique.

Une norme sur le nickel 5 fois plus élevée

Malgré l'opposition, le gouvernement Legault est allé de l'avant en avril dernier en faisant passer de 14 ng/m3 à 70 ng/m3 le plafond des émissions quotidiennes de nickel, une substance cancérigène, dans l'air ambiant. Une norme annuelle de 20 ng/m3 devra en outre être respectée.

Le changement de norme découle d'une demande des minières, dont Glencore, qui possèdent des installations dans le Port de Québec. La Direction régionale de santé publique de la Capitale-Nationale a jugé que la motivation du gouvernement était « plutôt économique ».

S'il a promis de mettre en place un plan de contrôle « renforcé » afin de s'assurer du respect de la nouvelle norme, le MELCC a toutefois refusé d'en dévoiler les détails et dit ne pas vouloir compromettre sa mise en œuvre.

Un caribou forestier mâle aperçu en train de paître en Gaspésie.

Au Québec, la population de caribous forestiers, en déclin depuis plusieurs années, est estimée à 5252 individus.

Photo : Getty Images / iStockphoto

Aires protégées : le caribou forestier dans l'angle mort

Sous le gouvernement Legault, le Québec a réussi à atteindre sa cible d'aires protégées en milieu terrestre et en eau douce, soit une proportion de 17 % du territoire, qu'il s'était engagé à respecter pour 2020. En annonçant à la fin de cette année-là l'ajout de 34 nouvelles aires protégées (12 647 km2), la province a pu réaliser son objectif.

Le ministre Charette s'est dit prêt à se conformer aux exigences de la Convention sur la diversité biologique des Nations unies – dont les délégués se réuniront à Montréal en décembre lors de la deuxième phase de la COP15. Celle-ci prévoit une cible de 30 % d'aires protégées d'ici 2030.

En juin dernier, le gouvernement estimait à 260 893 km2 la superficie d'aires protégées dans la province, soit 17,25 %.

Bien qu'elle convienne qu'il s'agit d'une réussite, Pascale Biron rappelle toutefois que certains pans de territoire rendent davantage de services écologiques, comme ceux entourant les cours d'eau. Au lieu de parler de pourcentage, il faudrait se dire : où gagne-t-on le plus à protéger l'espace?, nuance-t-elle.

Si elle salue l'adoption de lois favorisant la conservation de milieux humides et hydriques, la restauration de milieux détruits, ajoute-t-elle, ne vaudra jamais la préservation de ce qu’on a déjà.

Il ne suffit pas de calculer des kilomètres carrés bêtement, mais plutôt de leur donner un petit poids additionnel quand ils rapportent plus.

Une citation de Pascale Biron, professeure au Département de géographie, urbanisme et environnement à l'Université Concordia et membre de l'initiative Le climat, l'État et nous

Cette conservation est d'autant plus importante lorsque des espèces en péril voient leur habitat naturel perturbé. Prenons le caribou forestier, dit-elle. Quand on est rendu à une espèce si vulnérable, on penserait que le bon sens serait de mettre le paquet.

Or, Québec s'est fait reprocher d'avoir présenté (en retard) un plan jugé insuffisant pour assurer la protection du cervidé. L'absence de nouvelles aires protégées, pourtant nécessaires à la préservation de l'habitat naturel du caribou, a eu tôt fait d'être décriée par des biologistes.

Le caribou boréal figure sur la liste des espèces menacées de la Loi sur les espèces en péril du Canada depuis 2003 et sur la liste des espèces vulnérables au Québec, sous la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables du Québec, depuis 2005.

Le gouvernement fédéral avait pressé Québec d'en faire plus pour protéger les hardes de caribous forestiers et montagnards, sans quoi il menaçait d'adopter un décret permettant sa mainmise sur près de 32 000 kilomètres carrés pour une période allant jusqu'à cinq ans. Face au recours à une mesure aussi exceptionnelle, Québec avait rétorqué que la gestion des cervidés relevait de ses compétences.

Dans un communiqué conjoint, Québec et Ottawa ont finalement annoncé le 22 août que les discussions avançaient. Les deux ordres de gouvernement ont évoqué des « mesures additionnelles » sans en dévoiler les détails.

Le seuil de perturbation de l'habitat du caribou forestier et du caribou montagnard de Gaspésie – qui atteint jusqu'à 75 % dans certaines régions – sera réduit de 35 % dans chacune de leurs aires de répartition, a-t-on assuré.

La stratégie finale devrait être rendue publique par Québec d'ici la fin du mois de juin 2023.

Vue aérienne sur la partie inondée de Sainte-Marthe-sur-le-Lac.

À Sainte-Marthe-sur-le-Lac, au Québec, une digue naturelle a cédé au printemps 2019, ce qui a entraîné l’évacuation précipitée de milliers de personnes.

Photo : Radio-Canada

Aménager pour mieux anticiper

S'il faut rendre à César ce qui lui revient, Pascale Biron, spécialiste de la gestion de l'eau, estime que le gouvernement Legault a démontré qu'il peut agir dans l'urgence et trouver des solutions lorsqu'un problème survient. Les crues printanières de 2019, qui ont provoqué d'importantes inondations et forcé l'évacuation de sinistrés, en sont un bon exemple, selon la professeure.

Le gouvernement Legault a rapidement mobilisé des experts pour siéger à un comité scientifique afin d'élaborer ce qui est devenu, au printemps suivant, le Plan de protection du territoire face aux inondations. Les échéanciers étaient serrés, mais ils ont réussi à le faire, envers et contre tous, souligne Mme Biron, en ajoutant qu'un budget conséquent accompagnait ce plan.

Mais c'est dans l'anticipation du risque et de ce qu'un avenir bouleversé par les changements climatiques nous réserve que la CAQ fait moins bonne figure.

L'aménagement du territoire est vraiment l’enjeu principal où il faut qu’on renverse le paradigme pour encourager des initiatives qui seraient environnementalement saines, comme la densification et le transport actif, poursuit-elle. Mme Biron croit que le gouvernement devrait appuyer les municipalités dans la planification des prochaines décennies.

Ceux qui vont à l'encontre des objectifs, au municipal comme au provincial, devraient devoir défendre leurs décisions et en être imputables, dit-elle. Chaque fois [qu'on rate une cible], on constate et on repousse l'échéance, déplore Mme Biron.

De l'avis de Normand Mousseau, le manque de volonté à s'attaquer sérieusement à la crise climatique s'exprime non seulement au sein du ministère de l'Environnement, mais aussi à l'Économie et aux Transports.

On a des ministères très importants pour qui ces enjeux-là sont au mieux périphériques, ou sinon des embûches dans leur volonté d'avancer, note-t-il. Et la seule façon d'y remédier serait que le premier ministre mette ça sur la table. Or, pour lui, la question environnementale est secondaire.

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