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Le gaz naturel canadien n’est pas une solution à la crise européenne, selon des experts

Des installations de gaz naturel liquéfié.

Selon des experts, le Canada ne pourra pas augmenter son approvisionnement en gaz vers l'Europe avant 2025, alors que les besoins énergétiques du Vieux Continent seront en grande partie satisfaits d'ici là.

Photo : La Presse canadienne

La Presse canadienne

À la veille de la visite du chancelier allemand au Canada, des scientifiques, des experts juridiques et des environnementalistes mettent en garde la population contre les projets d'exportation de gaz naturel vers l'Allemagne, qui nuiraient aux engagements du Canada en matière de lutte contre les changements climatiques et qui ne constituent pas une solution à la crise énergétique en Europe, selon eux.

Le chancelier Olaf Scholz doit arriver au Canada dimanche et rencontrera le premier ministre Justin Trudeau pour parler de sécurité énergétique.

Lors d'une conférence de presse organisée par le Réseau Action Climat en début de semaine, plusieurs groupes ont évoqué leurs craintes quant à cette rencontre qui devrait déboucher sur des ententes destinées à permettre la construction de nouvelles installations pour exporter du gaz naturel liquéfié (GNL) en Europe. Ces ententes ont pour objectif de remédier à la crise énergétique liée au conflit entre la Russie et l'Ukraine.

Il y a quelques semaines, la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly avait évoqué la possibilité que le Canada exporte de l'hydrogène et du gaz naturel liquéfié pour aider l'Europe à mettre fin à sa dépendance au pétrole russe.

Une station de remplissage de gaz naturel liquéfié.

Une station de remplissage de gaz naturel liquéfié pour camions à Dortmund, dans l'ouest de l'Allemagne.

Photo : Getty Images / INA FASSBENDER

Selon Caroline Brouillette, directrice des politiques nationales du Réseau Action Climat Canada, l'industrie pétrolière et gazière canadienne tente d'instrumentaliser l'insécurité énergétique de l'Allemagne pour faire la promotion de l'exportation de gaz naturel liquéfié. Elle redoute la construction de ces nouvelles infrastructures.

Mme Brouillette est d'avis que certains membres du gouvernement fédéral se sont faits les porte-voix de cette industrie au cours des derniers mois et que les discussions au sujet de la construction de nouvelles installations dans l'est du Canada vont à l'encontre des promesses de réduction des émissions de gaz à effet de serre des deux pays pour lutter contre les changements climatiques.

« Alors que la menace d'hivers difficiles à venir dans les prochaines années plane sur l'Allemagne en raison de la crise énergétique, gardons en tête l'été qui vient de se passer en Europe, marqué par les vagues de chaleur et par les sécheresses. On n'a plus le luxe de répondre à une seule crise à la fois. »

— Une citation de  Caroline Brouillette, Réseau Action Climat Canada

À l'heure actuelle, aucun terminal d'exportation de gaz naturel n'est exploité au Canada, mais plusieurs projets sont sur la table dans l'est du pays.

Lors de la conférence de presse du Réseau Action Climat, divers intervenants ont montré du doigt trois projets potentiels de production de GNL dans l'est du Canada.

Goldboro : un pipeline qui traverserait le Québec

L'entreprise albertaine Pieridae Energy prévoit la construction d'une usine de liquéfaction du gaz naturel à Goldboro, en Nouvelle-Écosse, qui permettrait d'acheminer du gaz naturel en provenance de l'Alberta afin de l'exporter vers l'Europe.

L'entreprise dit aussi vouloir utiliser un pipeline existant qui passe par le Québec. Toutefois, selon l'avocat d'Ecojustice, James Gunvaldsen Klaassen, ce pipeline est déjà utilisé au maximum de sa capacité. Il faudrait donc en construire un nouveau.

« Si ce projet voyait le jour, il deviendrait le plus grand émetteur de GES de la Nouvelle-Écosse, soit environ 3,7 mégatonnes par année, ce qui anéantirait complètement la capacité de la Nouvelle-Écosse d'atteindre ses objectifs de diminution des émissions de GES et annulerait tous les gains qu'elle a réalisés. »

— Une citation de  Me James Gunvaldsen Klaassen, Ecojustice

Le projet pourrait également inclure une usine flottante de liquéfaction.

Vue aérienne du site du projet de terminal de gaz naturel liquéfié en Nouvelle-Écosse.

Les responsables de Pieridae Energy, une entreprise de Calgary, affirment que le projet d'un terminal de GNL terrestre à Goldboro, en Nouvelle-Écosse, a été transformé en projet d’installations sur une barge flottante.

Photo : Gracieuseté : Pieridae Energy

Le projet de Repsol au Nouveau-Brunswick

Situé au Nouveau-Brunswick, le projet Saint John LNG de la multinationale Repsol serait le plus avancé des projets, selon Ecojustice, car il y a déjà des installations sur place. La proposition a reçu l'appui du premier ministre de la province.

En juin dernier, Blaine Higgs a indiqué que l'usine de Saint-Jean, qui importe du gaz des États-Unis pour le liquéfier, pourrait facilement être convertie pour liquéfier de l'hydrogène dans le but de l'exporter en Europe.

Le premier ministre a également affirmé avoir eu des échanges avec les Premières Nations et avec des investisseurs qui ont manifesté de l'intérêt pour les ressources en gaz de schiste de la province, et ce, malgré un moratoire qui empêche le lancement de nouveaux projets d'exploitation du gaz de schiste au Nouveau-Brunswick.

« Il y a beaucoup d'opposition à l'exploitation du gaz de schiste au Nouveau-Brunswick. Cela suscite beaucoup d'inquiétude non seulement en ce qui concerne la lutte contre les changements climatiques mais aussi à propos de l'environnement marin de la région. »

— Une citation de  Matt Abbott, Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick
Le terminal Canaport LNG à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick.

Le terminal Canaport LNG à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick

Photo : Radio-Canada

Le GNL de Terre-Neuve-et-Labrador

Le troisième projet recensé par le Réseau Action Climat est celui de l'entreprise LNG Newfoundland, qui envisage notamment la construction d'une usine flottante de liquéfaction au large de Terre-Neuve.

Le gaz serait acheminé par un gazoduc sous-marin d'environ 600 kilomètres jusqu'à des installations terrestres. Il serait ensuite liquéfié puis expédié à l'étranger.

Des fuites de méthane dans un gazoduc, c'est toujours dangereux, mais ça l'est encore plus dans un pipeline de cette longueur, a souligné Me James Gunvaldsen Klaassen, qui craint les répercussions négatives de ce projet sur la faune et sur la flore marines.

Plusieurs années avant d'exporter du gaz

Tous ces projets sont problématiques, affirme Hugo Séguin, enseignant à l'École de politique appliquée de l'Université de Sherbrooke et conseiller principal chez Copticom.

La première question qu'il faut se poser, c'est celle-ci : quand ces projets-là seront-ils réalisés? Est-ce qu'on parle d'un horizon de cinq, sept ou dix ans, et cela, alors que la crise en Europe est une crise à moyen et court terme? a fait valoir Hugo Séguin lors de la conférence.

« Dans un contexte de transition énergétique en Europe, où on diminue la part du gaz naturel, ces projets doivent intégrer les problèmes liés aux gaz à effet de serre et aussi survivre au processus d'autorisation au Canada. Il y a loin de la coupe aux lèvres. »

— Une citation de  Hugo Séguin, enseignant et conseiller chez Copticom

Ces propos rejoignent les conclusions d'un rapport publié il y a quelques jours par l'Institut international du développement durable (IIDD), qui rappelle les plans de réduction de la consommation de gaz en Europe et qui enjoint à accroître l'efficacité énergétique ainsi que le recours à des sources d'énergie renouvelable. Bien qu'il puisse y avoir une demande pour certains combustibles fossiles, des marchés comme la Norvège sont plus logiques pour répondre aux besoins immédiats que le Canada, conclut notamment cette étude.

Par ailleurs, les chercheurs soulignent que le Canada ne pourra pas augmenter l'approvisionnement avant 2025, alors que les besoins énergétiques de l'Europe seront en grande partie satisfaits d'ici là.

L'hydrogène vert intéresse l'Allemagne

Berlin s'intéresse à l'hydrogène vert que pourrait produire le Canada. Un responsable gouvernemental qui a requis l'anonymat a d'ailleurs confirmé qu'un accord sur l'hydrogène serait signé à Stephenville, à Terre-Neuve-et-Labrador, lors de la visite officielle du chancelier Scholz au Canada.

Stephenville abritera une centrale énergétique à émissions nulles où l'énergie éolienne sera utilisée pour produire de l'hydrogène et de l'ammoniac destinés à l'exportation. Cependant, le Canada n'a pas encore l'infrastructure nécessaire pour produire de grandes quantités d'hydrogène vert, selon Amit Kumar, titulaire de la chaire de recherche industrielle du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG).

Au cours de sa visite de trois jours qui débute dimanche, le chancelier de l'Allemagne, Olaf Scholz, se rendra à Montréal, à Toronto ainsi qu'à Stephenville, à Terre-Neuve-et-Labrador.

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