À l’Î.-P.-É., le mandarin est plus souvent parlé que le français à la maison

La famille Ban est arrivée à l'Île-du-Prince-Édouard en 2019, et Yifei Ban (deuxième à droite) a déclaré qu'elle prévoyait y rester. Ils parlent le mandarin à la maison, en partie parce que le grand-père des enfants vit maintenant avec eux et ne parle pas anglais.
Photo : Gracieuseté
À l'Île-du-Prince-Édouard, le mandarin est devenu la langue la plus parlée dans les foyers, après l'anglais. C'est la première fois qu'une langue non officielle dépasse le français dans cette province.
Selon les données du recensement 2021 publiées par Statistique Canada le 17 août, 2985 personnes déclarent parler cette langue chinoise en premier à la maison. C'est 2 % de la population de l'Île-du-Prince-Édouard.
Quant au français, il n'est parlé à la maison que par 2085 personnes, soit 1,4 % des insulaires.
C'est quand même alarmant, ça te fait te poser des questions
, s'inquiète Charles Duguay, vice-président de la Société acadienne et francophone de l'Î.-P.-É. (SAF'Île).
Un abandon de la transmission de la langue?
Le français reste toutefois la langue maternelle de 4560 insulaires, au second rang derrière l'anglais et devant le mandarin. Charles Duguay voit dans cette réalité statistique un abandon de la transmission de la langue par les familles.
On devrait avoir plus de gens qui parlent le français à la maison, qui choisissent de transmettre leur langue à leurs enfants
, déclare-t-il. La chose la plus facile à transmettre, c'est sa langue. Les Asiatiques, ils le font, ils le font bien. Peut-être qu'on a des leçons à prendre
, observe le responsable.
Transmettre sa culture
Yifei Ban, membre de l'Association canadienne chinoise de l'Î.-P.-É., est arrivé avec sa famille de Chine en 2019.
Ses deux enfants, âgés de 11 et 14 ans, aiment la vie locale
, déclare le père de famille. À la maison, ils ne parlent que le mandarin, en partie parce que le père de Ban, qui ne parle pas anglais, a déménagé au Canada et a rejoint la famille après le déclenchement de la pandémie de COVID-19.
Alfredo Nieves est dans la même situation. Arrivé à l'Île depuis les Philippines en 2017, il privilégie le tagalog à la maison. C'est un moyen, selon lui, d'essayer de préserver non seulement sa langue maternelle, mais aussi de transmettre certaines de ses valeurs et de sa culture à son fils de 11 ans.
Mon fils ne peut tout simplement pas le comprendre la plupart du temps. Mais nous voulons qu'il l'aime. Nous voulons qu'il sache que les valeurs sont toujours là. Donc, juste en le parlant, les enfants comprendront toujours d'où ils viennent
, explique-t-il.
Cette troisième place du français est unique dans les Maritimes. Au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, le français est la deuxième langue maternelle et la deuxième langue la plus parlée à la maison.
À Terre-Neuve-et-Labrador, le montagnais, une langue innue, est plus présent dans les foyers que le français.
Le vice-président de la SAF'Île
prône l'immigration pour inverser la tendance. Mais plus d'immigrants francophones ne signifient pas forcément plus de français à la maison, car beaucoup préfèrent transmettre à leurs enfants la langue dont ils se sentent le plus proches culturellement.C'est le cas de Marie Fleurial Acéac qui travaille depuis neuf ans dans la province en français, une langue qu'elle maîtrise parfaitement.
Sa langue maternelle est cependant le créole haïtien. Et c'est cette langue qu'elle transmet en priorité à ses enfants.
C'est dans notre ADN , on ne veut pas perdre ça. Alors, tout le monde à la maison parle en créole, avec mes enfants on parle en créole
, explique-t-elle.
La mère de famille tient néanmoins à transmettre le plus de langues possible. On peut commencer une conversation en français et la finir en espagnol, ou en anglais, ou en créole
, raconte-t-elle.
Dans la province, plus de 9000 personnes déclarent parler principalement une autre langue que le français ou l'anglais à la maison, soit environ 6 % de la population. Il y en aurait près d'une centaine en tout, selon les données du recensement.
Parmi celles qui sont de plus en plus visibles dans la province, il y a le pendjabi, parlé en Inde et au Pakistan. Cent cinq personnes déclaraient l'utiliser en premier à la maison en 2016. Elles étaient 1070 en 2021.
Avec des informations de Kerry Campbell, de CBC