Quand la silicose frappait les mineurs québécois
Dans le village de Saint-Rémi-d'Amherst dans les Laurentides, plusieurs mineurs ont été emportés la silicose. Une maladie pulmonaire reliée à la présence de silice.
Photo : Radio-Canada
L’industrie minière du Québec a connu son lot de drames. Parmi eux, la silicose, une maladie pulmonaire incurable qui a fauché la vie de nombreux travailleurs des mines, notamment à Saint-Rémi-d'Amherst, petit village des Laurentides, dans les années 1930 et 1940, mais aussi en Abitibi. Retour en archives sur les ravages causés par cette maladie industrielle.
Causée par l'inhalation de poussières de silice cristalline libre qui se logent dans les poumons, la silicose est une maladie de mineur dont on ne guérit pas si elle tarde à être diagnostiquée.
« Le médecin m’a dit : "Tu peux travailler encore, peut-être deux ans, peut-être trois, mais en lâchant tout de suite, en faisant attention, peut-être que tu peux vivre encore quelques années. »
En 1948, le journaliste Burton Ledoux, correspondant de la revue Relations, publie un article sur une maladie industrielle, la silicose. Le reportage d’enquête, qui s’étend sur 20 pages, dénonce plus d’une cinquantaine de décès dans le seul village de Saint-Rémi-d’Amherst sur une période de 10 à15 ans.
Les morts étaient causées, au fil des années, par l'inhalation de poussières de silice dans la mine et l’usine de traitement de silicate d'alumine et de kaolin, la China Canada Clay.
Le gouvernement de Maurice Duplessis, alors en campagne électorale, tente de camoufler l’affaire, mais la nouvelle se répand aux quatre coins de la province.

Reportage de la journaliste Denise Bombardier sur le scandale de la silicose dans le village de Saint-Rémi-d » Amherst dans les Laurentides. Entrevue avec un ancien mineur atteint de silicose.
Le 15 septembre 1970, plus de 20 ans après le scandale et la fermeture de la mine, la journaliste Denise Bombardier visite le village de Saint-Rémi-d’Amherst.
Dans le reportage, Jean-Marie Thomas, un propriétaire hôtelier dont les affaires ont souffert de la fermeture de la mine, reconnaît que certains travailleurs qui sont morts étaient touchés par la silicose. Il nie certaines conclusions de l’enquête du journaliste Burton Ledoux et allègue qu’à peine 10 personnes seraient décédées de la maladie dans tout le village.
Ce n’est pas l’avis de Roland Richard, un ex-mineur atteint de la silicose, ni celui de son épouse. Interrogé par Denise Bombardier, le couple raconte qu’environ 50 collègues seraient décédés de la maladie.
On n'avait déclaré la silicose au sujet d'aucun des travailleurs. Les médecins affirmaient qu’ils mouraient de pneumonie, de tuberculose, etc.
« Dans ce temps-là, c’était la mine ou rien. Quand les gens travaillent [à] 15 cents de l’heure, 20 cents de l’heure, c’est parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement. Pensez-vous que s’ils avaient pu faire autrement ils auraient continué? Quand mon mari a laissé le travail en 1947, on avait six enfants. Quand ils ont dit à mon mari de laisser le travail, il en a fait une dépression. »
Entre deux respirations sifflantes, le mineur affirme qu’il était moins dangereux pour lui de travailler sous terre, car le perçage se faisait à l’eau et que l’eau emprisonnait la poussière. C’est plutôt dans le moulin que les poussières qui tombaient des tuyaux l’auraient affecté. C’est également en conduisant des camions dont la cabine se remplissait de particules minérales qu’il aurait contracté la maladie.
« Les éboulis et les explosions ne sont pas la pire hantise du mineur : il est menacé par la silicose, le mal dont on ne guérit pas. »
Le 18 novembre 1969, Format 30 présente un reportage de Paul-Émile Tremblay. Le journaliste est à Normétal en Abitibi et s’entretient avec des femmes de travailleurs des mines sur les conditions de travail de leurs maris.

Reportage de Paul Émile Tremblay sur les conditions de travail des mineurs de Normétal en Abitibi. Témoignage d’épouses de mineurs sur l’état de santé de leur mari.
L’une d’elles affirme que l'entreprise ne souhaite pas déclarer les cas de silicose. Pour son mari, c’est l’union qui l’a fait déclarer silicose
. Le médecin de la mine qui examinait son époux n’a pas voulu se prononcer.
« Je ne croirais pas que mon mari aurait la possibilité d’aller s’établir ailleurs parce que c’est un grand malade. Donc, en étant malade, ils ne le prendront pas. Il ne pourra pas se placer à nulle part. »
La silicose fait partie des maladies à déclaration obligatoire (MADO). Elle est classée dès 1931 parmi les maladies industrielles, en est retirée, en 1933, pour y être réintroduite par une loi séparée en 1938.
Les employeurs doivent fournir une ventilation adéquate dans la mine et un appareil de protection respiratoire approprié aux travailleurs et s’assurer qu’ils le portent (source : CNESST).
Dans le secteur minier, il existe désormais un règlement imposant l’examen de santé pulmonaire à l’embauche et ensuite périodiquement en cours d’emploi.
Selon l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), « entre 2006 et 2017, 350 cas de silicose professionnelle ont été enregistrés dans le système provincial d'enregistrement, de surveillance et de vigie sanitaires des maladies à déclaration obligatoire ».(source INSPQ)