Incapable de payer son loyer, une aînée du N.-B. arrête la chimio et retourne au travail

Marilyn Ann Mannette souhaite qu'une partie de son loyer soit subventionné par le ministère du Développement social du Nouveau-Brunswick.
Photo : Radio-Canada
Une femme de 65 ans atteinte d'un cancer au Nouveau-Brunswick se voit forcée d’abandonner ses traitements de chimiothérapie. À court d’argent pour payer son logement et ses autres dépenses régulières, elle a pris la décision de retourner travailler, au détriment de sa santé.
Marilyn Ann Mannette était attendue en oncologie à l’Hôpital de Moncton mardi matin, mais elle ne s’y est pas présentée. Avec 1,67 $ dans son compte en banque, elle n’a même plus assez d’argent pour faire le plein d’essence de sa voiture.
Le montant de sa pension de Sécurité de la vieillesse ne suffit plus à couvrir toutes ses dépenses.
Je reçois 1033 $ par mois et mon loyer est de 1095 $
, dit-elle. Chaque mois, je dois vendre quelque chose pour compenser la différence.

« Tout ce que je possède est en vente sur Marketplace afin de me permettre de payer mon prochain mois de loyer », affirme Marilyn Ann Mannette.
Photo : Radio-Canada
De plus, Marilyn Ann Mannette a appris à la fin du mois dernier qu’elle avait écoulé les 15 semaines de prestation d’assurance-emploi en cas de maladie auxquelles elle avait droit.
À court de solutions, elle retournera travailler comme cuisinière dans un foyer de soins. Pour cela, elle doit arrêter ses traitements contre le cancer du côlon, qui a récidivé au printemps dernier.
Je dois retourner au travail. Et pour reprendre le travail, je ne dois plus avoir de chimio dans mon organisme. Parce que c’est toujours là… Je vais aux toilettes dix fois par jour.
Selon les médecins de Marilyn Ann Mannette, il lui reste encore 18 semaines de traitement.
Marilyn Ann Mannette préférerait de loin continuer ses sessions de chimiothérapie, afin de guérir, et ne pas avoir à retourner au travail.
Bien sûr que je veux vivre. J’ai deux magnifiques enfants et cinq magnifiques petits-enfants
, affirme-t-elle.
Un appel à l’aide sans réponse
Avec le peu d’énergie qu'il lui reste, Marilyn Ann Mannette a contacté plusieurs députés et ministres de sa région pour expliquer sa situation et demander de l’aide.
Son souhait, c’est de demeurer dans son appartement et qu’une partie du coût de son loyer soit subventionné par le ministère du Développement social.
La majorité de ses requêtes sont néanmoins restées lettre morte.

Marilyn Ann Mannette a tenté de communiquer avec le premier ministre du Nouveau-Brunswick, Blaine Higgs, mais n’a pas reçu de réponse. Elle a également demandé de l’aide à plusieurs députés de la région.
Photo : Radio-Canada
Ils ont un rôle à jouer. C’est notre gouvernement. Pourquoi n’ai-je pas de réponse?
, se questionne-t-elle. J’ai contacté le ministère du Développement social, j’ai contacté tous les députés, j’ai fait une demande d’aide sociale, et tout ce qu’on me répond, c’est non.
Je suis en colère. Très en colère contre le gouvernement. Je ne considère plus M. Higgs comme étant honorable, car il est loin de l’être. Je pense que le système m’a laissée tomber.
Pour l’instant, le temps file et les solutions manquent.
Pour participer au programme de logement public du gouvernement du Nouveau-Brunswick, elle devra écouler ses maigres économies, qu’elle gardait de côté pour que ses enfants puissent payer ses funérailles.
Ça coûte très cher, les funérailles. Et, je veux dire, je pourrais mourir demain. Si je ne fais pas de chimio, je ne sais pas combien de temps je vais tenir
, dit-elle.

Marilyn Ann Mannette, le 9 août 2022
Photo : Radio-Canada
Elle ne croit pas qu’elle aura la force de faire son quart de 10 heures habituel. Son employeur lui a proposé de faire un quart de 5 heures par jour.
Marilyn Ann Mannette craint aussi que son état ralentisse le roulement de travail de ses collègues au foyer de soins; elle ne veut pas avoir à leur demander de l’aide. Ils sont tous déjà bien surchargés de travail
, dit-elle.
D’ici son retour dans les cuisines, Marilyn Ann Mannette espère rien de moins qu’un miracle.
La campagne 15 semaines
Marie-Hélène Dubé, qui a lancé la campagne 15 semaines, se bat depuis 13 ans pour que les prestations en cas de maladie soient bonifiées. Près de 620 000 Canadiens ont signé sa pétition.
Selon elle, le cas de Marilyn Ann Mannette est loin d’être isolé.
Malheureusement, on en voit des dizaines de milliers chaque année
, dit-elle. Moi, je trouve cela gênant, au Canada, en 2022 de voir des choses comme celle-là, c’est inacceptable.
La campagne 15 semaines milite afin que les prestations au pays augmentent à 50 semaines.

Marie-Hélène Dubé
Photo : courtoisie
Si on leur permet [aux travailleurs] de faire le pont et ensuite de réintégrer [le travail], tout le monde va être gagnant
, dit-elle.
Un total de 14 projets de loi en 13 ans ont été présentés.
Le dernier, actuellement en deuxième lecture, est celui qui a les meilleures chances, selon Marie-Hélène Dubé. Ce n’est pas gagné, mais stratégiquement il est au bon endroit au bon moment
, dit-elle.
Une mesure en vigueur plus tard cette année
Au Canada, une personne en arrêt de travail en raison d’une maladie, d’une blessure ou d’une mise en quarantaine peut actuellement se voir accorder jusqu’à 15 semaines de prestations de maladie de l’assurance-emploi.
Néanmoins, le gouvernement fédéral dit reconnaître que le rétablissement de certains travailleurs à la suite d’une maladie ou d’une blessure peut être plus long.
En 2019, les libéraux ont promis lors de leur campagne électorale d’augmenter la durée des prestations jusqu’à 26 semaines.
Cette mesure sera en vigueur plus tard cette année
, a indiqué mardi par courriel la porte-parole d’Emploi et Développement social Canada Maja Stefanovska. Nous avons consulté les syndicats, les employeurs, les travailleurs et d’autres partenaires à ce sujet.
Le gouvernement fédéral ajoute que le plan pour améliorer de façon permanente le système d’assurance-emploi du Canada
sera présenté aux Canadiens une fois les consultations avec ses partenaires terminées.
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De son côté, le ministère du Développement social du Nouveau-Brunswick affirme que plusieurs programmes et services aux personnes aux prises avec des difficultés financières sont offerts.
Les personnes qui se retrouvent sur la liste d’attente de Logement NB seront considérées pour les subventions aux logements publics ou pour un logement dans le marché privé avec un supplément au loyer
, relate le porte-parole du ministère Robert Duguay dans un courriel à Radio-Canada mardi. Chaque cas est évalué et priorisé en fonction de leur situation et de leurs besoins.
Par ailleurs, il n’existe pas de programme d’aide spécifiquement lié aux frais médicaux dans la province.
D’après le reportage de Sarah Déry et les informations de Michèle Brideau