Comment expliquer le consentement sexuel aux enfants?
Il reste du chemin à parcourir en matière d'éducation sur le consentement sexuel au Canada, déplorent des sexologues.

La notion de consentement n'est pas nécessairement abordée dans tous les cours d'éducation sexuelle au pays.
Photo : Getty Images / skynesher
Entre un récent jugement de la Cour suprême sur le port du condom et le verdict de non-culpabilité de l'ancien joueur de hockey Jake Virtanen, accusé d’agression sexuelle, les contours de la notion de consentement sexuel semblent constamment réévalués. Les jeunes reçoivent-ils la bonne information en la matière? Des intervenants et des sexologues constatent qu'il reste du chemin à faire en la matière, d'un bout à l'autre du pays.
La notion du consentement ne commence pas nécessairement en classe, mais plutôt dans les messages véhiculés dans les médias, comme l'estime Myriam Daguzan Bernier, sexologue. On n’a qu’à jeter un coup d'œil aux modèles de princes charmants qu’on retrouve au cinéma
, précise-t-elle.
Je pense à ma génération, tous les films romantiques présentaient le gars qui harcelait la fille et il finissait par l’avoir à la fin, car il avait été insistant. C’était normalisé et on trouvait tous ça [adorable] et romantique
, fait remarquer l’autrice du livre Tout nu! : le dictionnaire bienveillant de la sexualité.
Pour sa part, Joëlle Dalpé, coordonnatrice clinique pour le volet jeunesse de Plein Milieu, un organisme communautaire qui intervient auprès des jeunes en difficulté, note qu’il y a encore des progrès à faire du côté du système de justice. Quand on regarde un procès où un homme vient d’étrangler une femme et qu’il n’a pas de casier, tout est beau [...]. Qu’est-ce que ça envoie [comme message] aux jeunes garçons?
Les adolescents sont le reflet de la société adulte que nous sommes.
Par ailleurs, au Canada, l’éducation sexuelle varie d’une province à l’autre, mais aussi d’un établissement scolaire à l’autre. Ainsi, le contenu et la qualité dépendent de la dernière mise à jour des programmes.

Selon la sexologue Myriam Daguzan Bernier, les adolescents devraient être mieux outillés pour parler de sexualité, et le consentement devrait être replacé dans un contexte de fluidité de la sexualité et des genres.
Photo : iStock
Un concept à définir dès l'enfance
Selon les sexologues, il faut entreprendre un travail important sur le plan de la communication auprès des jeunes. Les jeunes de 12 à 17 ans sont le groupe d’âge le plus souvent indiqué comme étant les auteurs présumés d’agression sexuelle
, montrent par exemple les données de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).
Je demande aux adolescents : "C’est quoi, le consentement?" et ça demeure toujours très vague dans leur esprit
, déplore la sexologue Tessy Vanderhaeghe, éducatrice certifiée en santé sexuelle, qui offre des ateliers dans des écoles de la Colombie-Britannique, de la maternelle à la douzième année. Il est important, selon elle, de commencer à parler de consentement dès le plus jeune âge et de faire évoluer la définition avec le temps.
À son avis, il est possible de commencer à avoir des discussions sur les limites personnelles dès 2 ans, puis d'aborder le consentement dans le contexte de l’amitié en enfance et enfin, à l'adolescence, on commence à parler du consentement sexuel.

Selon l'organisme Action Canada pour la santé et les droits sexuels, plusieurs programmes d'éducation sexuelle au Canada datent d'une décennie.
Photo : iStock / Björn Forenius
À lire aussi :
Replacer le consentement dans un contexte concret
Myriam Daguzan Bernier estime que les cours d’éducation à la sexualité ont tendance à présenter le consentement comme la solution à tous les maux, ce qui implique certains risques.
Je ne veux pas que ce soit juste des solutions tampons qu’on place là et qu’on se dise : " Ça y est, on est une société qui tripe sur le consentement!" [...] Il faut qu’on puisse en parler plus ouvertement.
Joëlle Dalpé ajoute qu’il faudrait aussi insister sur l’importance du non-verbal. On met beaucoup de pression sur les filles. On leur dit : "Elle avait juste à dire non.'' Il y a un manque d’empathie épouvantable
, déplore-t-elle.
Elle croit que, au moment de passer à l’acte, les adolescents ont rarement une discussion sur le consentement. Selon elle, il serait plus utile d'aborder la notion plus concrètement avec les jeunes en faisant une mise en contexte, notamment en ce qui concerne la consommation de drogue ou d’alcool. Il faut parler de toxicomanie quand on parle de consentement aussi.
À ce propos, un sondage de Statistique Canada, mené en 2019, indique que 9 personnes fréquentant un établissement postsecondaire sur 10 qui ont été témoins de comportements sexualisés non désirés n’ont pas pris de mesures dans au moins un cas. La raison la plus fréquemment invoquée, précise l'agence fédérale, était le fait qu’ils ne considéraient pas le comportement comme étant assez grave pour justifier une intervention.

Selon un sondage de Statistique Canada de 2019, une victime d’agression sexuelle sur trois a déclaré que l’agresseur avait consommé de l’alcool ou de la drogue au moment de l’agression.
Photo : Radio-Canada
Sortir du paradigme du prédateur et de la proie
Les sexologues sont d’avis que, bien que l’apprentissage du consentement soit important pour tous et toutes, la question du genre demeure incontournable dans la façon dont le concept est abordé. On n’a pas le choix de faire un travail par rapport aux personnes masculines, car il y a clairement un débalancement
, affirme Myriam Daguzan Bernier.
Il est néanmoins important de clarifier le fait que les hommes ne sont pas des agresseurs à la base et que ceux qui commettent des agressions représentent une minorité. C’est certain que ça les affecte si, pendant une heure, tu leur dis qu’ils sont de potentiels agresseurs
, explique Joëlle Dalpé. Il faut, selon elle, aussi orienter les discussions sur le rôle d’allié que les hommes peuvent jouer en cas de situation ambiguë.
Ailleurs sur le web :
- Les données de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) sur les agressions sexuelles (Nouvelle fenêtre)
- Le sondage de Statistique Canada sur les expériences de comportements sexualisés non désirés et d’agressions sexuelles vécues par les étudiants des établissements d’enseignement postsecondaire dans les provinces canadiennes (Nouvelle fenêtre)