Offensive de 21 municipalités contre l’exploitation minière en Outaouais

La campagne d'affichage du Regroupement de protection des lacs de la Petite-Nation à Lac-des-Plages
Photo : RPLPN
Une vingtaine de municipalités de la MRC de Papineau, en Outaouais, lancent une campagne d’affichage pour s’opposer aux projets d’exploitation minière du graphite sur leur territoire.
Le Regroupement de protection des lacs de la Petite-Nation (RPLPN) a distribué 50 affiches à ses municipalités, pour lancer le message que chacune d’elles est incompatible [avec] l’activité minière
.
En entrevue avec Radio-Canada, le porte-parole du Regroupement, Louis St-Hilaire, dénonce un far west
et une ruée vers l’or dans Papineau
, une région riche en graphite, minerai essentiel à la fabrication de batteries pour véhicules électriques.
L’exploitation de ce minerai se fait par le biais de mines à ciel ouvert de très grandes dimensions qui ont un impact majeur sur l’environnement, le territoire et ceux qui l’habitent. Les risques de ''destruction durable'' sont nombreux
, écrit le porte-parole dans un communiqué publié lundi.
Le projet La Loutre vise à extraire 100 000 tonnes de concentré de graphite par année sur un terrain situé à 5 km à l’est de Duhamel et 30 km au sud-ouest de Mont-Tremblant.
L’entreprise qui pilote le projet, Lomiko Metals, mène actuellement des études d’exploration de base dans le secteur.
Des élus de la région ont joint leurs voix à celle du Regroupement pour cette campagne d’affichage.
C’est le cas du préfet de la MRCDans les règles actuelles du gouvernement, notre MRC est incompatible [avec] l’activité minière
, écrit le préfet dans le communiqué du RPLPN .
En entrevue, il dit vouloir défendre les citoyens, qu’ils habitent en milieu urbain ou rural. [Sous les lois actuelles,] on est capables de bien protéger nos périmètres urbains. Par contre, on n’est pas capables de bien protéger les villégiateurs, nos lacs, nos rivières, nos cours d’eau. Ce ne sont pas les mêmes règles
, explique le préfet.
Le maire de Duhamel, David Pharand, s’inquiète aussi des répercussions du projet sur sa municipalité. Pour l’instant, on n’a aucune écoute du gouvernement et on craint de devenir une région sacrifiée
, souligne-t-il.
Celui-ci demande à Québec d’accorder plus de pouvoir décisionnel aux MRCOn souhaite voir l’implantation d’activité minière sur notre territoire, mais on aimerait avoir notre mot à dire, à savoir où est-ce qu’on va les placer pour éviter qu’il y ait conflit d’usage avec les autres activités économiques de notre région
, ajoute le maire.
Le maire de Lac-des-Plages, Richard Jean, s’inquiète des effets environnementaux de ces projets miniers.
On n’a pas beaucoup d'écoute de la part du gouvernement. C’est une question de gros sous
, déplore l’élu. La décision va dépendre du [gouvernement], si on va vers l’économie ou si on va vers la protection de l’environnement. C’est eux qui vont décider, on n’a pas grand-chose à dire.
M. Jean espère que cet enjeu fera partie des discussions lors des prochaines élections provinciales cet automne.
La population invitée à poser ses questions à Lomiko Metals
L’entreprise Lomiko Metals dit être à un stade très précoce
de ses projets et à des années de la construction
.
Nous croyons en la création d’un impact positif net sur la communauté et en notre engagement avec la communauté en tant qu’opérateur de choix dans la région
, écrit l'entreprise dans une déclaration envoyée à Radio-Canada. Nous avons tous un rôle à jouer dans la mise en place d’une stratégie de réussite climatique pour le Québec et le Canada, et Lomiko souhaite tendre la main aux membres concernés de la communauté.
Elle invite ainsi la communauté à la contacter par courriel pour lui poser ses questions directement.
Lomiko Metals encourage également la population à soumettre ses commentaires d’ici le 15 septembre au document de travail du gouvernement fédéral en vue de la publication de sa Stratégie canadienne sur les minéraux critiques.
Protection presque nulle
de l’environnement
Papineau, c’est un lieu très, très riche en cours d’eau. Et la protection n’est pas loin de nulle part
, explique M. St-Hilaire.
Le porte-parole estime que très peu de règles protègent le territoire de Papineau. C’est pratiquement le far west, l’application de la Loi sur les mines, qui date de plus de 150 ans.
En décembre, le Regroupement avait déposé un mémoire pour que soient modifiés les règlements de la Loi sur les mines. C’est toujours le souhait du regroupement aujourd’hui.
Le Regroupement dit avoir rencontré le ministre responsable de la région de l’Outaouais et député de Papineau, Mathieu Lacombe, ainsi que le ministre des Ressources naturelles, Jonatan Julien, et le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon.
Au-delà de l’écoute, il n’y a pas de réponse. Ce qu’on sent, c’est qu’il n’y a aucune volonté de changer quoi que ce soit
, ajoute M. St-Hilaire.
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Question d’équilibre
Selon le professeur en droit des ressources naturelles à l’Université Laval Christophe Krolik, le graphite et le lithium ont une importance de plus en plus cruciale pour le Québec, en pleine transition énergétique.
Il faut trouver un équilibre entre faire cette transition pour qu'elle soit bénéfique pour le Québec, mais aussi entendre et concilier les intérêts des personnes qui vivent autour de la mine
, explique-t-il.
Le professeur ajoute que sous la réglementation actuelle, la marge de manœuvre des municipalités est assez restreinte. Durant l’étape d’exploration, leur pouvoir se limite à obtenir de l’information.
Alors que le ministère des Ressources naturelles est responsable de délivrer les claims, soit les titres d’exploration, les MRC veulent avoir leur mot à dire.
Lomiko Metals indique sur son site web avoir rencontré les responsables de la MRC
en mai dernier.
Avec les informations de Claudine Richard-Beaudoin, de Nelly Albérola, de Rebecca Kwan et de Catherine Morasse