Les institutions évangélistes baptistes « complices » des abus du pasteur Guillot
Le pasteur Claude Guillot (au centre), au palais de justice de Québec.
Photo : Radio-Canada / Yannick Bergeron
Les victimes du pasteur Claude Guillot affirment que les églises évangélistes de Québec et de Victoriaville, ainsi que l’Association d’églises baptistes évangéliques au Québec ont été « complices » des abus physiques et psychologiques que le pasteur leur a fait subir pendant des années.
Dans cette nouvelle étape du recours collectif, deux requérants ont déposé lundi, au palais de justice de Québec, une demande introductive d’instance.
Le document d’une trentaine de pages détaille les sévices subis par les enfants qui étaient sous la responsabilité du pasteur Claude Guillot, mais aussi à quel point les institutions baptistes étaient au courant et ont toléré les gestes du pasteur, alors qu’il dirigeait des écoles évangélistes baptistes.
Les défendeurs ont enseigné et fait la promotion de méthodes éducatives dangereuses, notamment des châtiments corporels sur des enfants au moyen d’un objet contondant. Cette dérive a fait de ce milieu un endroit dangereux pour les enfants et où un agresseur a été protégé par des institutions de ce mouvement, au détriment des enfants qui, eux, méritaient d’être protégés
, peut-on lire dans le document.
Châtiments jugés extrêmes
Entre 1982 et 1984, Claude Guillot a été directeur de l’école la Bonne Semence à Victoriaville. Il a été congédié parce que les châtiments corporels qu’il infligeait aux enfants, dont certains d’âge préscolaire, étaient jugés trop extrêmes par l’Église de Victoriaville.
Mais jamais l’Église de Victoriaville ou encore l’Association d’églises baptistes évangéliques au Québec n’ont dénoncé les gestes aux autorités. Elles ont même contribué à ce qu’il devienne pasteur en 1992, et qu’il puisse fonder, en 1999, sa propre école baptiste évangéliste à Québec, l’Académie.
Basée dans la résidence du pasteur, elle a été en opération jusqu’en 2015. Certains élèves étaient aussi pensionnaires. Ils habitaient en permanence chez Guillot sans contacts avec leurs familles. Les sévices y seraient devenus encore plus violents qu’à Victoriaville.
La complaisance, le silence et la négligence de ces institutions ont permis aux abus du défendeur Claude Guillot sur les enfants de survenir, de continuer et de s’aggraver, causant ainsi de graves préjudices aux enfants abusés
, indiquent les requérants.
Les allégations contenues dans le document n’ont pas encore été testées en cour, dans le cadre de l’action collective.
Coupable
Toutefois, Claude Guillot, 71 ans, a été reconnu coupable en avril dernier de 18 chefs d’accusation pour avoir imposé des châtiments corporels à cinq enfants sous sa responsabilité, à Québec et à Victoriaville, entre 1982 et 2014.
À l’Académie, Guillot imposait notamment comme sanction à certains enfants de faire du debout
, soit rester debout et se tenir dans un coin, pieds en 45 degrés, les mains le long du corps, paumes fermées.
Un enfant y a par exemple été assujetti pendant une durée de 6 h 00 à 22 h 00 pendant 41 jours, soit pendant 656 heures
, selon les requérants.
Le pasteur frappait aussi des élèves avec un objet contondant, ou les obligeait, en guise de punition, à faire des squats. Quant aux squats, un enfant a été forcé d’en faire 4 300 et a été ensuite frappé, sous prétexte qu’il ne les aurait pas faits correctement
, peut-on lire dans le document.
Guillot rationnait également l’eau et la nourriture, ce qui fait qu’au moins un enfant a souffert de déshydratation et de carences alimentaires qui ont affecté sa croissance.
Parce qu’il avait regardé par la fenêtre du sous-sol, ce qui était formellement interdit, un enfant fût contraint de faire des compositions pendant environ cinq mois, sept jours par semaine, du lever au coucher
, illustrent aussi les requérants.
Appui des institutions
Ils soutiennent que les abus ont été faits au vu, au su et avec l’approbation
des institutions évangélistes baptistes visées.
Lors de la reconnaissance de l’Église Québec-Est en mai 1992 avec Guillot à sa direction ainsi qu’en septembre 1992 lors de l’ordination de Guillot comme pasteur, dans ces deux occasions, l’Église Victoriaville a envoyé des délégués qui ont approuvé ces reconnaissances, donnant pouvoir et autorité à Guillot
, soutiennent les requérants.
Les deux demandeurs réclament au pasteur ainsi qu’aux institutions, la somme deux millions de dollars chacun. Ils demandent aussi, pour les autres victimes de Guillot, une somme exemplaire en dommages punitifs à déterminer par le tribunal.