Les excuses du pape au Canada ravivent de douloureux souvenirs à Kamloops, en C.-B.

Le père et la grand-mère d'Anita Navajo ont fréquenté le pensionnat de Kamloops, avant qu'il ne ferme ses portes en 1978. La mère de famille vit aujourd'hui à Las Vegas, mais elle a voulu montrer le pensionnat à ses deux filles.
Photo : Radio-Canada / Fred Gagnon
Le pape François a exclu la Colombie-Britannique de sa visite au Canada, mais des représentants et des survivants de Kamloops se sont tout de même rendus en Alberta afin d'entendre les excuses renouvelées du souverain pontife.
D'autres ont décidé de se recueillir sur le site de l’ancien pensionnat près duquel les premières tombes anonymes ont été mises au jour à l’échelle du pays, l’an dernier.
Frank Antoine, le chef de la Première Nation Bonaparte, près de Kamloops, a décidé de prendre la route vers l'Alberta, lundi, avec sept autres survivants, dont sa mère, qui n’avait jamais parlé de ce qu'elle avait vécu avant l’an dernier.
Les événements à Kamloops ont réellement ouvert une brèche, une porte sur le passé et sur l’histoire de ma mère. C’est un voyage rempli d’émotions que nous entamons en prenant la route vers Edmonton
, affirme Frank Antoine, qui prévoit assister à la messe du stade Commonwealth mardi.
La cheffe de la Première Nation Tk'emlups te Secwépemc, Rosanne Casimir, est elle aussi en Alberta en compagnie d'une quinzaine de survivants.
Au cours des derniers mois (Nouvelle fenêtre), Rosanne Casimir nourrissait l’espoir que le pape François puisse se rendre dans sa communauté.
Lundi, ce dernier a déclaré qu'il regrettait de n’avoir pu se rendre entre autres à Kamloops, à Winnipeg, sur divers lieux en Saskatchewan, au Yukon ou encore aux Territoires du Nord-Ouest.
« Même si ce n’est pas possible, sachez que vous êtes tous dans mes pensées et mes prières. »
La majorité des pensionnats ont été en activité dans les quatre provinces de l’Ouest et dans les territoires.
Des sentiments mitigés
Certains ont voulu faire le voyage, mais de nombreux autres survivants sont en colère et n’ont pas voulu faire le déplacement pour voir le pape, parce que, au-delà des excuses, il faut davantage d’actions de la part de l’Église et du gouvernement canadien
, rappelle Frank Antoine.
Il précise que, sur 85 aînés de sa nation, seulement 7 ont voulu l’accompagner.
« Je les compare à des vétérans de guerre. Beaucoup se battent pour pouvoir composer et vivre mentalement avec ce qu’ils ont vécu au sein des pensionnats. Je pense qu’il faut plus d’aide pour permettre aux survivants et à leur famille de traverser la période que nous vivons. »
Aux yeux d'Angela White, directrice générale de la Société des survivants des pensionnats pour Autochtones, les excuses du pape présentées lundi semblent venir du coeur, mais elle attend aussi davantage de sa visite.
Rosanne Casimir, de son côté, estime qu'il faut qu'il y ait plus de discussions avec le pape, notamment au sujet de l’aide financière accordée pour soutenir les survivants et des documents d’archives et les registres demandés à maintes reprises par les groupes autochtones à travers le pays.
Ligne bilingue d'appui pour les survivants des pensionnats pour Autochtones : 1 866 925-4419
Des visites spontanées à Kamloops
Sur le site de l’ancien pensionnat, où les recherches liées aux sépultures se poursuivent, aucun rassemblement n’est organisé durant la semaine de la visite du pape au Canada.
Certains survivants et d'autres personnes s'y rendent malgré tout, pour se recueillir.
« Certains membres de ma famille ont fréquenté ce pensionnat, mais je pense aux enfants qui ne l'ont jamais quitté, qui ne sont jamais rentrés chez eux. »
Cette tranche sombre du passé fait partie de notre histoire, elle fait partie de nous et nous devons nous aussi vivre avec ce génocide
, déclare Lindsay Johnston, une résidente de Kamloops, venue sur le site avec sa famille.
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Avec des informations de Chloé Dioré de Périgny