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Marguerite Yourcenar racontée par Hélène Dorion et Marie-Claire Blais dans un opéra

Elle sourit pour la photo, en noir et blanc, assise à une table où est posé un palmier en pot.

L'écrivaine française Marguerite Yourcenar

Photo : afp via getty images / Gérard Fouet

Radio-Canada

L’écrivaine française Marguerite Yourcenar, première femme élue à l’Académie française, est au cœur du nouvel opéra québécois Yourcenar : une île de passions. Écrit par Hélène Dorion et feue Marie-Claire Blais, mis en scène par Angela Konrad, l’opéra met en lumière les tensions qui habitaient la vie et l'œuvre de Yourcenar, à travers deux de ses amours : Grace Frick et Jerry Wilson.

Les créations originales sont plutôt rares dans le milieu de l’opéra, surtout celles qui sont basées sur un livret écrit par deux femmes, selon Hélène Dorion. L’écrivaine québécoise a eu l’idée d’écrire un opéra librement inspiré de la vie et de l’œuvre de Yourcenar il y a environ six ans, pendant qu'elle était à Key West, en Floride, avec son amie Marie-Claire Blais, grande dame de la littérature québécoise décédée en novembre.

On a embarqué dans l’aventure un peu à l’envers, parce que normalement, ce sont les maisons d’opéra qui donnent une commande à un compositeur, qui travaille avec un librettiste, mais là, on est deux femmes librettistes [et c’est notre création], explique-t-elle, à une semaine de la première de l’opéra, qui se tiendra jeudi le 28 juillet au Palais Montcalm, à Québec.

Yourcenar : une île de passions est une coproduction des Violons du Roy, de l’Opéra de Montréal et de l’Opéra de Québec. La musique a été composée par Éric Champagne, et la mise en scène est signée par Angela Konrad, directrice générale et artistique de l’Usine C.

Au total, l'œuvre mobilise 21 musiciens et musiciennes, 6 chanteurs et chanteuses, 12 choristes et une panoplie de concepteurs et conceptrices.

Portrait de la poète Hélène Dorion, souriante, sur fond noir.

L'écrivaine Hélène Dorion a eu l'idée de l'opéra sur Yourcenar il y a six ans, pendant qu'elle était à Key West avec son amie Marie-Claire Blais.

Photo : Maxyme G. Delisle

Marguerite Yourcenar, un pied sur le Vieux Continent, et l’autre aux États-Unis

D’abord romancière, Marguerite Yourcenar était également nouvelliste, autobiographe, poète, traductrice, essayiste et critique littéraire. Née à Bruxelles en 1903 d’un père originaire de la Flandre française, elle avait la double nationalité française et américaine, elle qui a passé une bonne partie de sa vie aux États-Unis.

Connue pour ses romans comme Les mémoires d’Hadrien et L’œuvre au noir, elle a aussi traduit de grandes plumes comme Virginia Woolf et son roman Les vagues (The Waves). Lauréate du Grand Prix de littérature de l’Académie française en 1977, elle a été la première femme élue au sein de l’institution trois ans plus tard.

L’écrivaine est morte en 1987 à Bar Harbor, dans l’État du Maine, où elle a passé la dernière partie de sa vie, partagée entre écriture, voyage et isolement sur l'île des Monts-Déserts.

Photo en noir et blanc de l'écrivaine, âgée, assise dans un fauteuil.

L'écrivaine Marguerite Yourcenar

Photo : .

Une femme avant-gardiste

C’est évidemment une immense écrivaine, mais c’est aussi une avant-gardiste, une femme engagée socialement, politiquement, qui luttait contre les injustices sociales et raciales, explique Hélène Dorion.

C’est aussi une pacifiste et une écologiste engagée. Elle a d’ailleurs prononcé un discours à la défense de la planète en 1987 à Québec, [lors de la 5e Conférence internationale de droit constitutionnel]. Elle a toujours dit que la détérioration de la terre entraînerait la détérioration psychologique et sociale de l’être humain.

Bien en avance sur son temps, Marguerite Yourcenar assumait totalement la fluidité de ses intérêts amoureux, tant dans sa relation passionnelle avec [sa traductrice] Grace Frick que dans celle, plus platonique, avec Jerry Wilson, lui-même homosexuel et âgé de 30 ans de moins que l’écrivaine, qui avait presque 80 ans à l’époque de leur relation.

Une passion brûlante

À travers leur opéra, Hélène Dorion, Marie-Claire Blais et Angela Konrad ont aussi voulu mettre en évidence la passion brûlante qui habitait Marguerite Yourcenar, tant sur le plan relationnel qu’artistique. On souhaitait rendre la figure de Yourcenar extrêmement humaine et la montrer traversant ses différents chaos, les joies et les ravages que la passion peut provoquer, explique Angela Konrad.

Le premier acte couvre à peu près quatre décennies et raconte aussi sa vie avec Grace Frick, avec qui elle a trouvé la stabilité et la rigueur dont elle avait besoin pour écrire. Le deuxième acte condense à peu près les sept dernières années de sa vie, où elle a pu faire ses derniers voyages avec Jerry Wilson et recevoir les honneurs au Japon.

La vie intense de Marguerite Yourcenar a donné un solide matériel de base à Hélène Dorion et Marie-Claire Blais dans leur écriture conjointe du livret. Mme Dorion rappelle toutefois que Yourcenar : une île de passions est une fiction, et non une œuvre biographique. Il n’y a d’ailleurs aucune citation directe de Yourcenar dans l’opéra.

Un libretto, ça s’écrit à partir de tensions opératiques. C’est ce qu’on a fait, Marie-Claire et moi, on a fait ressortir les tensions, ce qui peut s’opposer explique l’écrivaine. Les tensions intimes, les paradoxes, les complexités relationnelles, les tensions entre stabilité et aventure, entre passion et amour stable.

Un hommage à Yourcenar, mais aussi à Marie-Claire Blais

Pour Hélène Dorion, ce qui a commencé comme un hommage à Marguerite Yourcenar s’est doublé d’un hommage à sa grande amie Marie-Claire Blais, qui s’est éteinte avant de pouvoir terminer l’écriture du livret.

Photo en gros plan de l'écrivaine.

Marie-Claire Blais est décédée avant de pouvoir achever l'écriture de l'opéra.

Photo : Jill GLESSING/Opale

C’est comme si, au milieu de la route, Marie-Claire avait disparu. J’ai continué la route sans elle – ce n’était pas forcément facile et c’est devenu un hommage à Marie-Claire, parce qu’il y a énormément de similitudes, selon moi, entre elle et Marguerite Yourcenar, explique l’écrivaine.

Bien sûr, les personnalités sont tout à fait différentes, mais Marie-Claire était contre le racisme, contre les injustices, elle a aussi vécu sur une île aux États-Unis. Je l’ai vue consacrer sa vie à l’écriture et faire tous les sacrifices nécessaires pour donner sa vie à son art.

L’opéra Yourcenar : une île de passions sera présenté les 28 et 30 juillet à 19 h 30 au Palais Montcalm à Québec, puis les 4 et 6 août à 19 h 30 à la salle Pierre-Mercure de l’Université du Québec à Montréal.

Ce texte a été écrit à partir d'entrevues réalisées par Eugénie Lépine-Blondeau, animatrice de l'émission C'est ma tournée, et par Isabelle Craig, pour l'émission Pénélope. Les propos ont pu être édités à des fins de clarté ou de concision.

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