Demande d’enquête et plainte contre le GISCI pour des arrestations à Argenta, en C.-B.
Le Groupe d’intervention pour la sécurité de la collectivité et de l’industrie (GISCI) de la GRC intervient là où des entreprises industrielles ont des difficultés en Colombie-Britannique.

Le GISCI, une unité spécifique de la GRC en Colombie-Britannique, a été créé en 2017. (Archives)
Photo : CBC / Ben Nelms
Une coalition d’organismes, dont l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique (BCCLA), a déposé une plainte jeudi contre le Groupe d’intervention pour la sécurité de la collectivité et de l’industrie (GISCI) de la Gendarmerie Royale du Canada (GRC) pour des arrestations présumées illégales lors d’une intervention à Argenta, dans l’est de la Colombie-Britannique, le 17 mai dernier.
La plainte de 14 pages, qui réunit les témoignages de 20 personnes, a été envoyée à la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes contre la GRC (CRCC) dans l'espoir que cet organisme de contrôle lance une enquête complète.
Les organismes à l’origine de cette plainte allèguent qu'en mai dernier le GISCI a mis en place deux zones d’exclusion et arrêté environ 17 personnes (dont 15 illégalement) au camp Grouse, et ce, en vertu d’une injonction d'août 2019 qui permet à l'entreprise Cooper Creek Cedar d’exploiter les ressources forestières.
Cette plainte, portée par le conseiller juridique Noah Ross, affirme que les arrestations ont eu lieu alors que les personnes présentes ne bloquaient pas le chemin de service forestier de Salisbury et souhaitaient, pour certaines d’entre elles, quitter les lieux.
La plainte qualifie les actions du GISCI d’agressions gratuites
, de tactiques d’intimidation
, et de violations arbitraires de droits et libertés fondamentales, tels que la liberté d'expression et le droit de manifester, définis dans la Charte canadienne des droits et libertés.
Des allégations plutôt graves
, reconnaît l’avocat, qui ajoute que les deux zones d’exclusion ont eu un impact sur les activistes, un journaliste, mais aussi sur la population en général qui n’avait plus accès à certaines routes pendant plusieurs heures. Des zones utilisées de manière abusive, selon les plaignants.
En juillet 2021, le juge Douglas Thompson rendait un jugement en faveur de l’Association canadienne des journalistes (CAJ) sur l’utilisation des zones d’exclusion.
À l’origine de cette plainte contre le GISCI, on retrouve :
- le BCCLA;
- Last Stand West Kootenay;
- the Autonomous Sinixt;
- the Wilderness Committee;
- Lawyers’ Rights Watch Canada;
- Mount Willet Wilderness Forever;
- From the Heart Kootenays;
- Fridays for Future Nelson.
À l’heure de la publication de cet article, la GRC et la CRCC n’avaient pas répondu à nos demandes d'entrevue.
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Des conséquences sur la confiance envers la GRC
Dans un communiqué, Jordan Miguel Pastor, un membre du groupe pour la préservation de l'environnement Last Stand West Kootenay, juge que ce qui s'est passé à Argenta est une continuité des actions d'une unité sans restriction et incontrôlée qui porte atteinte à la réputation de la Cour qui a émis l'injonction.
Le conseiller juridique Noah Ross raconte que cette intervention du GISCI a laissé un impact dans cette petite communauté rurale, où il y a une longue histoire d’activisme pour la protection des forêts.
Il y a beaucoup de peur et d'inconfort. [...] Beaucoup de gens ont également exprimé une sorte de respect décroissant envers les autorités à la suite de cet événement, car la grande majorité des arrestations étaient illégales et inutiles.
Selon lui, ce type d’intervention conduit le public à considérer que le GISCI, la GRC, et dans une certaine mesure, le tribunal, sont au service d’une corporation
, prêts à abandonner les libertés civiles afin de soutenir une corporation [pour qu’elle puisse] faire de l’argent
.
Ce n'est pas une direction saine pour la société
, conclut-il, quand les forces de l’ordre ne respectent pas les termes des injonctions.
Des dispositifs de contrôles terriblement inadéquats
, selon le BCCLA
Noah Ross se dit optimiste et considère qu’il y aura une enquête de la CRCC, ajoutant que les actions du GISCI ont fait l’objet de plaintes ailleurs dans la province. Mais l’avocat dénonce une culture au sein du GISCI contre la désobéissance civile
et pense que cette unité devrait être dissoute
, car elle n'est pas nécessaire et dommageable
.
Meghan McDermott, avocate et directrice des politiques pour le BCCLA, juge quant à elle qu'il est extrêmement troublant de voir que [...] la GRC ne comprend pas la nature des lois qu'elle est censée appliquer
. Selon elle, les mécanismes d’imputabilité et de contrôle des forces de l’ordre sont terriblement inadéquats
au Canada. Elle espère qu’avec un peu de chance
, une enquête conduira à des changements pour que cela ne se reproduise plus jamais
.
Pour l’avocate, cette plainte, la première du BCCLA qui mentionne le GISCI, illustre l'exemple du manque de transparence de la GRC et du besoin d’un mécanisme de surveillance civile très solide et indépendant
. Mais également, selon elle, elle met en lumière une tendance à la militarisation des forces de l'ordre et une surveillance excessive des personnes qui manifestent contre l'extraction des ressources.
C'est effrayant de penser que nos agences d'État se sentent à l'aise de faire cela à notre peuple, à nos aînés et à nos jeunes et qu'elles pensent pouvoir s'en tirer comme ça
, déclare Meghan McDermott.
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