Un policier reconnu coupable pour son rôle dans l’enquête sur la mort de Stacy DeBungee

Le sergent-chef Shawn Harrison, du Service de police de Thunder Bay, a reconnu qu’il a fait une erreur en ne rencontrant pas Brad DeBungee lors de l’enquête sur la mort du frère de ce dernier (archives).
Photo : Radio-Canada / Jon Thompson - CBC
Plus d’un mois après la fin de leur audience disciplinaire, l’un des deux policiers du Service de police de Thunder Bay (SPTB) impliqués dans l’enquête sur la mort de Stacy DeBungee en 2015 a été reconnu coupable.
Dans une décision rendue mardi, l'adjudicateur Greg Walton a conclu que le sergent-chef Shawn Harrison a eu un préjugé inconscient, ce qui l’a empêché de traiter l’enquête sur la mort de Stacy DeBungee de façon équitable et sans discrimination en matière de services policiers [puisque la victime était] autochtone
.
Le corps de cet homme a été retrouvé dans la rivière McIntyre le matin du 15 octobre 2015.
M. Harrison a été reconnu coupable de manquement au devoir et de conduite déshonorante en vertu de la Loi sur les services policiers. Il avait plaidé coupable à la première accusation en mai, reconnaissant qu’il aurait dû communiquer avec l’enquêteur privé David Perry, qui disposait d’informations pertinentes.
« Ça m’a pris une nanoseconde pour réaliser que l’enquête sur la mort de Stacy DeBungee était totalement inadéquate, remplie de préjugés et, en conséquence, méritait de l’attention et d’être rouverte. »
Pendant ses recherches, M. Perry avait découvert que la carte bancaire de M. DeBungee avait été utilisée peu après sa mort. Il avait tenté de relayer cette information à la police de Thunder Bay. Il s’était même rendu au poste de police accompagné du frère de Stacy DeBungee, Brad DeBungee, mais M. Harrison, qui était absent, n’a jamais tenté de prendre contact avec lui par la suite.
Pour sa part, le sergent Shawn Whipple, qui faisait face aux mêmes accusations, a été reconnu non coupable.
L'adjudicateur précise que le sergent Whipple n’avait pas les responsabilités nécessaires pour que sa conduite soit jugée indigne
.
Un décès jugé non criminel
À peine quelques heures après la découverte du corps de Stacy DeBungee, le SPTB
avait publié un communiqué de presse indiquant que sa mort n'était pas considérée comme étant suspecte.Le lendemain de la découverte du corps de la victime, avant qu'une autopsie ne soit pratiquée, le SPTB
avait affirmé que le décès ne semblait pas d'origine criminelle. Pendant les audiences, M. Harrison a dit ignorer qui avait autorisé la publication du deuxième communiqué de presse.Lors de son témoignage, M. Perry a souligné que la mort de Stacy DeBungee aurait dû être traitée comme suspecte. Selon lui, il est toujours prudent pour un enquêteur de ne rien tenir pour acquis et de traiter la mort d’un individu comme suspecte jusqu’à ce que les preuves permettent d’écarter la possibilité
, a indiqué l'adjudicateur Greg Walton.
Cependant, il conclut que bien que le sergent-chef Harrison ait affirmé avoir traité l’affaire comme suspecte, son enquête aurait dû refléter sa position
.
Il a plutôt choisi de ne pas traiter la mort de Stacy DeBungee comme un possible meurtre, il n’a pas pris les mesures nécessaires pour réaliser une enquête approfondie sur sa mort soudaine. Il s’agit d'un manquement à son devoir
, a affirmé l'adjudicateur.
Selon lui, les preuves démontrent que l’ampleur de sa négligence va bien au-delà d'un simple problème de rendement
.
Un rapport du Bureau du directeur de l'examen indépendant de la police (BDIEP) datant de février 2018 et intitulé Une confiance trahie a mis en lumière une série de lacunes dans l'enquête initiale de la police, notamment le fait que les agents n'ont pas assuré le suivi auprès des témoins et n'ont pas exploré d'autres pistes, y compris une confession présumée d'une personne qui a affirmé sur son lit de mort avoir poussé M. DeBungee dans la rivière.
Un traitement choquant
Lors de son passage au poste de police avec le frère de la victime, Brad DeBungee, David Perry a vite constaté la façon dont les Autochtones de Thunder Bay sont traités dans la communauté.
« Je savais ce que je voyais, même si je n’avais jamais vu ça avant. Et ça a changé ma vie à jamais. J’ai commencé à percevoir mon ancienne profession différemment. »
Ce serait juste de dire que j’étais sous le choc et horrifié
, explique l’enquêteur privé, qui a déjà été agent de police.
M. Perry croit qu’il y a un problème à Thunder Bay qui est beaucoup plus important que cette affaire en particulier
.
Ça prendrait une implication de la communauté entière et peut-être même du gouvernement pour apporter les changements requis afin de bâtir la confiance entre le SPTB et les peuples autochtones de la région
, estime-t-il.
« Il y a beaucoup de changements qui doivent se produire [à Thunder Bay]. Cette décision est la première étape. »
Par le passé, certains policiers du SPTBsuffisante, c’est un bon début
.
À son avis, il faut soit démanteler le SPTB ou nettoyer les dégâts en nommant des personnes conscientes, compétentes et sensibles aux cultures au sommet de la charte organisationnelle afin de sortir le corps policier du pétrin dans lequel il se trouve
.
La peine du sergent-chef Harrison sera déterminée lors d’une audience en septembre.
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Avec les informations d'Aya Dufour