La dissolution du C. A. du réseau de santé Vitalité laisse ses membres incrédules
« Le problème est encore là. Le système est encore brisé. »

En pleine crise des urgences, le premier ministre du Nouveau-Brunswick a annoncé vendredi des changements majeurs parmi les dirigeants en santé.
Photo : Getty Images / Ridofranz
Les anciens membres du conseil d'administration du réseau de santé Vitalité s’interrogent sur la pertinence du remaniement orchestré vendredi par le premier ministre du Nouveau-Brunswick, sur fond de crise dans les urgences.
Blaine Higgs a changé son ministre de la Santé, remplaçant Dorothy Shephard par Bruce Fitch.
Il a du même souffle remplacé le pdg du réseau de santé Horizon, et révoqués les conseils d’administration (C. A.) des deux réseaux de santé de la province.
Les conseils d'administration des réseaux Vitalité et Horizon sont remplacés par deux personnes nommées par le gouvernement : Gérald Richard et Suzanne Johnston, respectivement. Ces dissolutions ne sont pas destinées à être permanentes
, a affirmé Blaine Higgs.

Janice Goguen en entrevue par webcam le 16 juillet 2022.
Photo : Radio-Canada
Ces changements abrupts sont incompréhensibles pour Janice Goguen, Norma Mcgraw et Terry Richardson, qui étaient membres du conseil d’administration de Vitalité.
C'est désolant, principalement pour deux raisons
, a dit Mme Goguen dans une entrevue, samedi. D'abord, c'est un manque d'égards pour le processus démocratique. Il y a la moitié du conseil qui sont des membres élus, c'est le choix du peuple.
Elle fait ensuite valoir la richesse
dont le gouvernement provincial se prive.
Je suis venu à apprécier les talents, les expertises et les perspectives qu'il y avait autour de la table, par mes collègues
, dit Janice Goguen. En mettant le conseil en veilleuse, on coupe l'accès à un bassin de talents.
Placer la régie sous la tutelle et sous la gouverne des fiduciaires, c'est une approche pansement. C'est vraiment mettre le doigt dans la plaie pour essayer d'empêcher le saignement. Mais c'est vraiment beaucoup plus complexe.
Selon elle, le système de santé néo-brunswickois souffre de sous-financement chronique qui remonte à des années, qui remonte [à] plus loin que le gouvernement actuel, puis on a le résultat qu'on a
.
Il faut réinstaurer l'optimiste au sein des professions
, car les travailleurs sont démoralisés et épuisés, dit-elle, en particulier les infirmières et infirmiers. Elle ajoute que les infrastructures technologiques sont désuetes
. D’après Mme Goguen, ça a un impact aussi sur le recrutement des professionnels
qui veulent travailler avec une technologie de pointe.

Norma McGraw le 24 février 2019.
Photo : Radio-Canada / Jean-Philippe Hughes
Selon Norma McGraw, élue au conseil d'administration en 2021, le gouvernement Higgs est réactif
et s'efforce de rectifier le tir en pleine crise.
Elle estime qu'il faut donner plus de pouvoirs au conseil d'administration, pas le réduire au silence. Si on ne nous permet pas de nommer notre président du conseil d'administration et d'embaucher notre pdg, à ce moment ici, il n'y a pas grande-chose qui va changer
, a-t-elle mentionné lors d’un entretien, samedi.
Ça va rester le statu quo, le pouvoir est centralisé à Fredericton, la pdg travaille au gré du ministre.
On peut virer le problème de tous les côtés, de tous les bords
, poursuit-elle, si le conseil n'obtient pas les pleins pouvoirs et responsabilités, à ce moment ici ça ne changera pas grand-chose
.
En guise d’exemple, Norma McGraw affirme qu'on n'a jamais présenté au conseil, malgré de multiples demandes, un récent examen d'Ernst & Young sur la performance organisationnelle et les services cliniques
. Si on ne peut connaître les manques et faiblesses
identifiés dans le réseau, il devient difficile de s'améliorer, dit-elle.

Terry Richardson en 2020.
Photo : Radio-Canada / François Vigneault
Terry Richardson est chef de la Première Nation de Pabineau. Il a été invité par le gouvernement provincial à rejoindre le conseil d'administration de Vitalité.
Il croit que la province blâme les mauvaises personnes et ne prend pas ses responsabilités dans la crise persistante du recrutement et de la rétention des professionnels de la santé, crise dont le gouvernement est bien au fait, ajoute-t-il.
On a toujours dit, depuis qu'on est là, qu'il y avait un problème avec les ressources. On manque de ressources humaines dans le système de santé. C'est jamais allé nulle part. C'était toujours : oui, oui, bien faites ce que vous être capables de faire avec les ressources que vous avez. On ne peut pas continuer comme ça
, a déclaré M. Richardson lors d’une entrevue, samedi.
Le problème est encore là. Le système est encore brisé. Il faut réparer le système.
On a un Premier qui dit, ah bien c'est la faute de tout le reste du monde. Prends la responsabilité
, martèle Terry Richardson. La faute, ça reste avec le gouvernement provincial, point final.
Perte d’influence des francophones?
Même si le conseil d’administration du réseau de santé anglophone Horizon a connu le même sort que celui de Vitalité, Norma McGraw craint que la restructuration que vient d’effectuer le gouvernement Higgs ne soit préjudiciable aux francophones.
Elle dit que la communauté francophone s'inquiète toujours de voir son réseau de santé disparaître un jour. La régie de la santé francophone, c'est un fleuron de la société acadienne francophone du Nouveau-Brunswick
, déclare Mme McGraw. De l'étouffer comme on est en train de le faire présentement
, poursuit-elle, équivaut à faire perdre de l'influence
aux francophones.
Du côté de l'organisme Égalité santé en français, on s’oppose à une centralisation accrue du système.
C'est clair qu'on a perdu le peu de transparence et de contrôle par le biais de huit membres élus. On a perdu ça
, a affirmé dans un entretien samedi son porte-parole, Jacques Verge.
D’après le reportage de Sarah Déry