La relance minière à Murdochville est accueillie avec fébrilité et appréhension

C'est le 30 avril 2002 que la fermeture définitive de la fonderie a eu lieu, ce qui a marqué la fin des activités minières à Murdochville.
Photo : Radio-Canada / Jean-François Deschênes
L'éventuel redémarrage de la mine de cuivre à Murdochville ne laisse personne indifférent dans cette municipalité gaspésienne. Vingt ans après la fermeture de la fonderie, Métaux Osisko a annoncé lundi son intention d'acheter la mine. Des citoyens rêvent d'une relance de l'activité industrielle pour dynamiser le village, mais d'autres soulèvent des questions.
L’entreprise Métaux Osisko a confirmé cette semaine sa volonté d’acheter la mine dans le but d’y exploiter le minerai de cuivre.
Plusieurs résidents de Murdochville, surtout ceux qui y ont vécu la majeure partie de leur vie, se réjouissent à l’idée que les activités reprennent à la mine.

Jacques Malouin et Manon Deschênes
Photo : Radio-Canada / Jean-François Deschênes
Voir une ville qui existe est une chose, voir une ville qui vit en est une autre
, déclare Manon Deschênes, propriétaire d’un salon de coiffure, qui réside à Murdochville depuis 1973.
Moi, j’aimerais ça avant de mourir voir ma ville vivre à nouveau.
On espère beaucoup que [la ville] va vivre, qu’on va retrouver un peu ce qu’on avait dans les années 1980, l’effervescence de Murdochville
, renchérit Jacques Malouin, un résident.
Le bruit des machines
qui dérange
Frédérique Thibodeau s’est installée à Murdochville avec sa famille il y a quelques années. Elle a choisi cette ancienne ville minière pour sa tranquillité et pour ses grands espaces.
Sans être opposée au projet de relance des activités minières, elle craint tout de même de perdre la qualité de vie qu’elle recherchait en s’installant au cœur de la Gaspésie.

La population de la municipalité s'élève à 600 habitants de nos jours, ce qui n'est rien de comparable avec l'époque de l'effervescence minière, où près de 5000 personnes habitaient Murdochville.
Photo : Radio-Canada / Jean-François Deschênes
Là, j’entends le bruit des machines et je ne suis pas venue ici pour ça, parce que sinon, je serais restée en banlieue de Montréal
, explique Mme Thibodeau.
Elle se dit consciente des aspects positifs du projet, notamment les retombées économiques et la création d’emplois, mais elle garde en tête les aspects négatifs qui pourraient apparaître avec la réouverture de la mine.
On ne veut pas accueillir Osisko à bras ouverts sans poser de questions.
Sur le site Internet de la Ville de Murdochville, on peut lire des questions posées par les résidents ainsi que les réponses du promoteur et de la Municipalité.
Toutefois, pour Frédérique Thibodeau, plusieurs questions demeurent sans réponse.
Quelles sont tes intentions? Qu’est-ce que tu vas faire? Qu’est-ce que tu me dis que tu ne vas pas faire? Mais c’est aussi parfait : tu me dis que tu vas faire ça, tu vas le faire comment? Comment tu vas t’assurer que ça, c’est protégé, que moi, je ne serai pas affectée? Ce sont tous des détails qu’on n’a pas encore
, poursuit-elle.
Métaux Osisko dit vouloir inviter les gens de Murdochville à une rencontre publique à la fin des vacances d’été pour donner plus de détails sur ce projet.
Du pain sur la planche
Il reste cependant beaucoup de travail à réaliser avant que le souhait de Manon Deschênes et de Jacques Malouin ne se réalise.
Si les résultats sont positifs, Métaux Osisko lancera possiblement une production commerciale d’ici 10 ans, selon le président et chef de la direction de l’entreprise, Jeff Hussey.
La facture de cet investissement dépasserait alors le milliard de dollars et des centaines d’emplois seraient créés.

Line Cyr travaille au bureau de poste de la municipalité.
Photo : Radio-Canada / Jean-François Deschênes
Line Cyr a grandi à Murdochville. Elle raconte ses souvenirs de l’époque où la mine était en activité et voit cette annonce comme un cadeau du ciel, notamment pour ce que cette relance va apporter à la municipalité.
Je ne sais pas si je vais vivre ce qu’il va arriver dans les prochaines années, mais je me dis que pour ceux qui seront derrière moi, ça va être une bonne chose
, souligne Mme Cyr.
La population de Murdochville a besoin d’un regain d’énergie et on va l’avoir. Je suis confiante.
De Gaspé à Sainte-Anne-des-Monts
Préfet de la MRC de La Haute-Gaspésie, Guy Bernatchez voit d’un bon œil une éventuelle reprise des activités minières à Murdochville. Pour lui, c’est toute la région, de Gaspé à Sainte-Anne-des-Monts, qui profiterait de l'essor économique que la mine entraînerait.

Guy Bernatchez, préfet de la MRC de La Haute-Gaspésie (archives)
Photo : Radio-Canada / Marguerite Morin
Pour le préfet, il est essentiel que les futurs travailleurs embauchés par l’entreprise s’installent dans la région. Il va falloir être extrêmement vigilant là-dessus pour que la compagnie ne fasse pas du in and out avec ses employés, même que ce serait une obligation à mon avis
, ajoute M. Bernatchez.
Il faudra peut-être impliquer la compagnie dans la construction de nouveaux logements dans les communautés.
Les marques du passé
Certains résidents se sont abstenus de tout commentaire après la nouvelle de l'acquisition de Métaux Osisko. Quelques-uns ont encore fraîchement en mémoire les conflits qui avaient entouré le référendum sur la question de la fermeture de la ville, il y a presque vingt ans.
Line Cyr est consciente que les tensions du passé ont pu écorcher la population de Murdochville, mais elle reste optimiste pour la suite des choses.
C’est sûr qu’avec tout ce qu’on avait vécu durant les dernières années, ça a été un peu dur pour nous tous, mais j’imagine qu’avec le temps, tout ça s’est placé, et quand on voit tout ce que nous réserve l’avenir, on est bien contents
, conclut Line Cyr.
Avec les informations de Jean-François Deschênes