Les premières observations du télescope James Webb dévoilées au monde

Mosaïque du Quintette de Stephan couvrant environ un cinquième du diamètre de la Lune.
Photo : NASA/ESA/ASC
La première récolte de données réalisée par le télescope spatial James Webb a été présentée par la NASA et ses partenaires, les agences spatiales européenne (ESA) et canadienne (ASC).
Les images dévoilées sont celles des nébuleuses de la Carène et de l'Anneau austral, ainsi que des galaxies du Quintette de Stephan. La toute première spectroscopie du télescope, celle de l’exoplanète WASP-96 b, a également été rendue publique.
Le professeur René Doyon de l’Université de Montréal, l’un des concepteurs des deux instruments canadiens embarqués sur le télescope, assistait à la présentation qui se déroulait au centre de vol spatial Goddard de la NASA, près de Washington.
C’est un moment émouvant pour moi et tous les partenaires canadiens. C'est un peu cliché, mais c'est un nouveau chapitre dans l'histoire de l'astronomie qui s'ouvre
, a affirmé l’astrophysicien québécois qui participe à la mission James Webb depuis une vingtaine d’années.
J'ai été surpris de voir la qualité des images, même si je connaissais la puissance des instruments du télescope.
Spectaculaire Falaises cosmiques

Jeune pouponnière d'étoiles, NGC 3324, dans la nébuleuse de la Carène.
Photo : NASA / ESA / ASC
La jeune pouponnière d'étoiles NGC 3324, nommée Falaises cosmiques
, est située dans la nébuleuse de la Carène, à environ 7600 années-lumière de la Terre.
Cette image obtenue à l'aide de l'imageur dans le proche infrarouge NIRCam révèle des régions de formation stellaire qui n'avaient jamais été observées. Elle montre en fait des centaines d'étoiles auparavant invisibles, mais aussi de nombreuses galaxies à l'arrière-plan.
La nébuleuse de l'Anneau austral

Comparaison montrant des observations, au moyen du télescope Webb, de la nébuleuse de l'Anneau austral dans le proche infrarouge, à gauche, et dans l'infrarouge moyen, à droite.
Photo : Space Telescope Science Institut
Sur cette image, la nébuleuse de l'Anneau austral apparaît dans le proche infrarouge, à gauche, et dans l'infrarouge moyen, à droite. Il est possible d'y observer un immense nuage de gaz en expansion entourant un système binaire d’étoiles.
Ce nuage est composé des restes d'une étoile naine blanche comme le Soleil après qu'elle se fut débarrassée de ses couches externes et qu'elle eut brûlé tout son combustible par fusion nucléaire.
L'étoile la plus brillante sur les deux images n'a pas encore expulsé ses couches externes.
Elle est située à environ 2000 années-lumière de la Terre et son diamètre fait presque une demi-année-lumière.
Le Quintette de Stephan

Mosaïque du Quintette de Stephan couvrant environ un cinquième du diamètre de la Lune.
Photo : NASA/ESA/ASC
Ces cinq galaxies situées à environ 290 millions d'années-lumière de la Terre forment le premier groupe de galaxies compactes découvert en 1877. Dans les faits, toutefois, seules quatre de ces galaxies sont en interaction gravitationnelle et forment une danse cosmique
, où elles vont et viennent les unes près des autres de façon répétée.
L'image de plus de 150 millions de pixels est composée à partir de près de 1000 observations distinctes. Le groupement visuel des cinq galaxies a été réalisé avec l'imageur dans le proche infrarouge NIRCam et l'instrument dans l'infrarouge moyen MIRI.
Le spectre de WASP-96 b
La toute première spectroscopie du télescope, celle de l’exoplanète WASP-96 b, a également été rendue publique.
Cette technique permet de déterminer le spectre d’un objet céleste qui contient des informations sur les éléments chimiques et moléculaires de son atmosphère. L'instrument canadien NIRISS (imageur et spectrographe sans fente dans le proche infrarouge) a permis sans ambiguïté
la présence de molécules d'eau dans l'atmosphère la planète. Des preuves de la présence de nuages et de brume dans l'atmosphère de cette planète géante gazeuse située à près de 1150 années-lumière de la Terre ont également été apportées par le NIRISS.

La courbe de lumière du NIRISS de Webb montre la variation de luminosité du système planétaire de WASP-96 au fil du transit de la planète.
Photo : NASA/ASC/ESA
WASP-96 b a été découverte en 2014. Elle fait le tour de son étoile en 3,4 jours. Sa masse équivaut à environ la moitié de celle de Jupiter.
En avant-première
La première image, la plus profonde prise de l’Univers à ce jour, a été présentée lundi par le président américain Joe Biden.

Le premier champ profond de Webb.
Photo : Space Telescope Science Institute
Elle montre dans un détail inégalé des galaxies formées quelques centaines de millions d’années après le big bang, il y a environ 13,1 milliards d'années.
On espère, dans les prochaines années, réussir à voir des objets d'il y a 13,5 milliards d'années.
Ce premier champ profond de Webb a été obtenu à l’aide du phénomène de lentille gravitationnelle qui, comme une loupe cosmique géante, permet de voir derrière l'amas galactique SMACS 0723 et d'amplifier les galaxies qui s'y trouvent.
L’amas apparaît tel qu'il était il y a 4,6 milliards d'années, mais la lentille permet de voir derrière lui des milliers de galaxies beaucoup plus vieilles, y compris les objets célestes à la luminosité plus faible qui n’avaient jamais été observés.
Dans les prochaines années, les astrophysiciens vont analyser cette image afin de mieux cerner leur masse, leur âge et leur composition.
La taille de cette image équivaut à peu près à celle de l'observation d'un grain de sable tenu à bout de bras.
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La mission scientifique commence
Le télescope James Webb a été lancé le 25 décembre dernier depuis la Guyane française. Il est capable de regarder plus loin dans l’Univers que tous les autres télescopes grâce à son immense miroir principal et à ses quatre instruments percevant les signaux infrarouges, ce qui lui permet de percer les nuages de poussière.
Il a atteint son lieu de travail à 1,5 million de kilomètres de la Terre en janvier et ses structures et ses instruments scientifiques sont maintenant déployés, calibrés et testés.
La publication de ces résultats marque la transition entre la phase de mise en service du télescope et le début de sa mission scientifique.
Pendant les cinq premiers mois de la mission, les instruments de James Webb seront utilisés exclusivement par les équipes associées aux treize programmes d'observation initiaux qui ont été sélectionnés à la suite d'un concours en fonction de leur intérêt scientifique pour la recherche en astronomie.
Plusieurs scientifiques canadiens et québécois participent à ces programmes.

Contribution canadienne
Le Canada fournit deux des quatre instruments essentiels à la mission Webb : NIRISS (pour imageur et spectrographe sans fente dans le proche infrarouge) et FGS (détecteur de guidage de précision).
Le NIRISS a recueilli certaines des données qui ont été partagées lors de la conférence de presse.
Le NIRISS a des capacités d’imagerie spécialisées pour l’étude des atmosphères des exoplanètes et les galaxies très lointaines
, note Nathalie Ouellette, scientifique chargée des communications pour James Webb au Canada et coordonnatrice de l’Institut de recherche sur les exoplanètes (iREx).
Quant au FGS, son travail est également au cœur des annonces et de toutes celles qui suivront, puisque c’est le détecteur de guidage qui permet au télescope de pointer un objet et de réaliser les observations avec stabilité et précision.